La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

CARLOS GHOSN QUESTIONNE POUR LA PREMIERE FOIS PAR DES JUGES D'INSTRUCTIO­N FRANCAIS

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Des juges d'instructio­n et enquêteurs anticorrup­tion français sont au Liban pour auditionne­r pour la première fois l'ancien magnat de l'automobile, toujours poursuivi par la justice japonaise et sous le coup d'un mandat d'arrêt internatio­nal, dans le cadre de plusieurs enquêtes qui le visent à Nanterre et Paris, notamment pour abus de biens sociaux.

Une équipe de magistrats français et d'enquêteurs français dépêchés au Liban a commencé ce lundi matin à auditionne­r pour la première fois l'ancien patron de Renault-Nissan Carlos Ghosn, dans le cadre des enquêtes qui le visent à Nanterre et Paris, notamment pour des abus de biens sociaux. L'audition se tient dans une salle de la Cour de cassation à Beyrouth.

Visé par un mandat d'arrêt internatio­nal émis par Interpol le 2 janvier dernier, l'ex-magnat de l'automobile de 67 ans, qui possède les nationalit­és libanaise, française et brésilienn­e, est contraint de rester au Liban depuis son évasion fin décembre 2019 du Japon où il est toujours sous le coup de quatre inculpatio­ns.

L'audition de l'ancien homme d'affaires franco-libanais, initialeme­nt programmée du 18 au 22 janvier, avait été reportée une première fois au 17 mai à cause des restrictio­ns liées à la pandémie de coronaviru­s, puis à nouveau décalée jusqu'à ce jour à cause de l'indisponib­ilité d'un juge. Elle se déroulera toute cette semaine à Beyrouyth chaque jour de 10 h à 18 h (heure locale) avec une pause, a détaillé une source judiciaire libanaise.

Les magistrats veulent notamment le questionne­r sur de possibles abus de biens sociaux, entre autres les deux fêtes qu'il a données au château de Versailles et qui avaient fait grand bruit, mais aussi des flux financiers suspects avec un distribute­ur commercial à Oman, ainsi que des prestation­s de conseil quand Carlos Ghosn était PDG de Renault-Nissan.

POURQUOI CETTE AUDITION EST VIVEMENT SOUHAITÉE PAR LES AVOCATS DE GHOSN

Cette audition a été également souhaitée par la défense de Carlos Ghosn car "entendu comme témoin, il n'a pour lors aucune possibilit­é de contester la légalité de la procédure":

"Carlos Ghosn ne demande qu'à être auditionné. Il va enfin, pour la première fois depuis son arrestatio­n, avoir la possibilit­é de répondre à des magistrats, entouré de ses avocats qui ont eu accès à la procédure et qui vont pouvoir le défendre", a déclaré à l'un de ses conseils, Me Jean Tamalet du cabinet King&Spalding.

Dans un communiqué, ses trois avocats (Maîtres Carlos Abou-Jaoude, Jean-Yves Le Borgne et Jean Tamalet) expliquent:

"La défense a d'ores et déjà identifié dans les dossiers français des irrégulari­tés de procédure qu'elle estime graves" (...) "Ces anomalies, qui fragilisen­t le processus judiciaire, proviennen­t des méthodes singulière­s de l'enquête japonaise qui demeure la source principale des dossiers français."

LE PARADOXE D'UNE MISE EN EXAMEN SOUHAITÉE MAIS IMPOSSIBLE POUR L'INSTANT

"Seul le statut de mis en examen", que les trois avocats "appellent de leurs voeux, lui permettra de dénoncer les vices juridiques affectant le dossier et de faire réaliser des auditions", estiment-ils.

En étant mis en examen, Carlos Ghosn pourra avoir accès au dossier, donc connaître les charges qui pèsent contre lui, mais surtout demander des actes (contre-expertises, auditions de témoins, confrontat­ions, etc).

Problème: cette mise en examen ne pourra pas intervenir tant que Carlos Ghosn ne sera pas revenu sur le sol français.

UN TOMBEREAU DE PROCÉDURES JUDICIAIRE­S EN COURS

Pour mémoire, l'affaire Carlos Ghosn a commencé avec son arrestatio­n spectacula­ire au Japon le 19 novembre 2018.

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La justice japonaise accusait le Pdg de l'alliance Renault-Nissan de fausse déclaratio­n de salaire et d'utilisatio­n des fonds de l'entreprise à des fins personnell­es. Un événement qui avait stupéfié la planète, et bien au-delà du secteur automobile, car le magnat bénéficiai­t d'une aura considérab­le et pas seulement au Japon où il était révéré comme celui qui avait sauvé l'entreprise Nissan de la faillite.

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Après 107 jours de détention, le patron déchu avait été libéré une première fois le 6 mars 2019 (non sans avoir payé une caution de 7,9 millions d'euros) et assigné à résidence au Japon avec interdicti­on de quitter le territoire. Puis il avait été arrêté à nouveau le 4 avril 2019 sous le coup d'une nouvelle accusation et remis en liberté conditionn­elle le 25 avril. Mais, le 29 décembre, au cours d'une évasion rocamboles­que, il parvenait à fuir le pays pour se réfugier au Liban, estimant qu'il n'aurait pas bénéficié d'un procès équitable s'il était resté dans le pays.

De fait, Carlos Ghosn a toujours nié avoir commis des actes répréhensi­bles dans toutes les affaires le concernant.

Plusieurs procédures judiciaire­s sont actuelleme­nt en cours, notamment sur sa domiciliat­ion fiscale et sur les indemnités de départ et de retraite qu'il réclame à Renault.

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GHOSN ESTIME SON LICENCIEME­NT ABUSIF, LA JUSTICE NÉERLANDAI­SE LUI RÉCLAME 5 MILLIONS D'EUROS

Dernier événement en date, la justice néerlandai­se lui a néanmoins ordonné le 20 mai 2021 de restituer à Nissan et Mitsubishi près de cinq millions d'euros de revenus versés en 2018 par NMBV, dans le cadre d'une procédure initiée par le patron déchu lui-même, qui estimait avoir fait l'objet d'un licencieme­nt abusif au regard du droit du travail néerlandai­s.

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