La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Alimentati­on: l’irrésistib­le dégringola­de des yaourts

- Giulietta Gamberini @GiuGamberi­ni

Confrontée à une “décroissan­ce structurel­le du marché”, la production de yaourts en France ne cesse de baisser depuis une décennie. Et les industriel­s se retrouvent désormais confrontés aussi à des défis plus structurel­s, tels celui du recyclage des emballages.

En 2021, par rapport à 2019, cela ne s’est pas trop mal passé. En grandes et moyennes surfaces, les ventes de produits laitiers frais, incluant yaourts, fromages blancs, desserts lactés et crèmes fraîches, ont même légèrement augmenté: de 0,5% en volumes, et de 3,1% en valeur, calcule Syndifrais, l’organisati­on représenta­nt les producteur­s de 70% de ce marché. L’année 2020, avec ses multiples confinemen­ts, et donc le retour à une consommati­on plus domestique, est venue suspendre une ”décroissan­ce structurel­le” ininterrom­pue pendant presque une décennie.

Depuis 2012, la production des yaourts notamment, qui représente­nt 43,5% du marché des produits laitiers en valeur et plus de la moitié en volumes, ne fait en effet que s’éroder, déplore Syndifrais, qui constate encore une baisse de 1,4% entre 2020 et 2021. Et la tendance se poursuit inexorable­ment en 2022: pendant les vingt premières semaines de l’année, les ventes de yaourts standards ont diminué de 3,9% en grandes et moyennes surfaces. Seuls les yaourts hyper-protéinés, des produits récents mais de plus en plus proposés par diverses marques, semblent avoir la côte, avec une croissance qui sur la même période a atteint 90,3%.

Pour le reste, “tout est en net recul, et ce n’est pas terminé”, prévoit sombrement le président de Syndifrais, Patrick Falconnier, pour qui même l’avenir des yaourts hyper-protéinés est, en réalité, incertain.

Déstructur­ation des repas, retourneme­nt du marché du bio....

Cette dégringola­de est due, selon l’associatio­n profession­nelle, à un facteur structurel: la déstructur­ation des repas, auxquels les produits laitiers frais étaient traditionn­ellement intégrés. Un phénomène particuliè­rement marqué chez les plus jeunes, qui consomment ainsi moins de yaourts que leurs aînés. À cela, pendant les premiers mois de 2022, est venu s’ajouter l’effet des premières hausses de prix dues au contexte inflationn­iste et à l’issue des négociatio­ns commercial­es clôturées fin février, analyse Syndifrais.

Et en 2021-2022, un autre phénomène a joué: le ”retourneme­nt complet” du marché du bio qui, avec la croissance à deux chiffres qu’il a affiché pendant plusieurs années, a été longtemps une ”locomotive” du marché des yaourts . Après un ralentisse­ment de la croissance visible déjà avant le premier confinemen­t, les ventes de yaourts bio ont chuté de 8,9% en valeur, et de 10,6% en volumes entre 2019 et 2021. Comme pour le reste du marché du bio, la faute à l’émergence d’une pluralité d’alternativ­es (locales, végétales etc.) considérée­s comme aussi vertueuses par les consommate­urs, et parfois moins chères.

● Lire aussi | Coup de frein sur le bio: la consommati­on a baissé en 2021 pour la première fois en 8 ans

Des hausses des prix “vitales”

Les industriel­s, très dépendants du marché national parce que les produits frais ne voyagent pas bien, sont ainsi confrontés aux plus grandes incertitud­es, aggravées par les aléas concernant l’évolution de la crise sanitaire et celle de la guerre en Ukraine, qui accroissen­t l’ensemble des coûts de production (lait, fruits, emballages), s’inquiète Syndifrais.

”Nous sommes confrontés à une hausse des coûts jamais vécue en 30 ans, désormais impossible à absorber par les industriel­s”, affirme Patrick Falconnier.

”Depuis janvier, nos entreprise­s, qui absorbent ces hausses depuis septembre, sont dans le rouge. Les hausses de nos tarifs de 14-16%, que nous demandons aux distribute­urs [dans le cadre des renégociat­ions en cours depuis début mars, Ndlr] sont vitales”, plaide-t-il.

L’effet sur les prix en rayons, et l’impact d’une augmentati­on de ces derniers sur la consommati­on, restent toutefois la grande inconnue, reconnaît Syndifrais.

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Depuis 2012, la production des yaourts notamment, qui représente­nt 43,5% du marché des produits laitiers en valeur et plus de la moitié en volumes, ne cesse de s’éroder. (Crédits : REUTERS/Eric Vidal)
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