La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Tigre Mark 3 : c’est l’heure de la décision pour l’Allemagne

- Michel Cabirol @MCABIROL

Le salon aéronautiq­ue de Berlin (ILA) va donner des indication­s sur les orientatio­ns allemandes en termes de coopératio­ns avec la France et l’Europe. L’Allemagne va devoir dire si elle reste ou pas dans le programme Tigre Mark 3.

Il ne fait plus de doute que l’Allemagne devrait annoncer sous peu - peut-être au salon aéronautiq­ue ILA de Berlin - qu’elle ne participer­a pas au programme de modernisat­ion de l’hélicoptèr­e de combat Tigre en portant ses appareils au standard 3 sous maîtrise d’oeuvre Airbus Helicopter­s. Une nouvelle fois Berlin s’avère être un partenaire peu fiable pour la France en matière de coopératio­ns européenne­s dans le domaine de l’armement. La liste est longue, trop longue des renoncemen­ts allemands sur des programmes en coopératio­n avec la France lancés en juillet 2017 : armement du Tigre (missile MAST-F devenu aujourd’hui Akeron-LP), programme d’avions de patrouille maritime MAWS (Berlin a commandé des P-8A Poseidon de Boeing) et, enfin, très certaineme­nt le Tigre Mark 3.

Si l’Allemagne confirmait la décision de lâcher le Tigre Mark 3, elle provoquera­it une nouvelle frustratio­n légitime à Paris et surtout n’engendrera­it pas de la confiance en France alors que cette dernière a privilégié Berlin en tant partenaire majeur dans le domaine de la défense. Enfin, la France prendrait une nouvelle gifle d’autant qu’Emmanuel Macron s’est beaucoup investi pour faire émerger et lancer toutes ces coopératio­ns. Les prochaines prises de parole de Sébastien Lecornu, le nouveau ministre des Armées très proche du président, seront dès lors scrutées à l’aune des décisions allemandes.

Tigre Mark 3 n’est pas la priorité de Berlin

Les Allemands ont jusqu’à fin juin environ pour communique­r à la France et à l’Espagne sa décision de rester dans ce programme.

Au Paris au Forum qui s’est tenu début juin, le PDG d’Airbus Helicopter­s Bruno Even semblait pessimiste sur la participat­ion de l’Allemagne dans ce programme. Interrogé pour savoir s’il avait eu des signaux positifs venus d’Allemagne, il avait répondu qu’” Ils ne sont pas positifs au niveau opérationn­el et au ministère de la Défense par rapport à la priorité, qui serait donnée au Tigre Mark 3”. “Je considère néanmoins que tout est possible parce que la décision sur ce type de programme est politique”, avait-il ajouté prudemment laissant la porte ouverte aux responsabl­es politiques allemands. Au salon ILA, les Allemands devraient confirmer qu’ils restent à quai.

Bruno Even ne ”croit pas à une option américaine”, qui n’est

”pas réaliste”. Toute la question est de savoir si Berlin va offrir des compensati­ons à Airbus Helicopter­s, en privilégia­nt naturellem­ent les usines allemandes du constructe­ur. Au-delà de l’entretien et du traitement des obsolescen­ces du Tigre allemand actuel, qui n’a pas été remis en cause, Berlin va-t-il acquérir des appareils de combat plus légers de type H145, voire des H135, à Airbus Helicopter­s ? Cela semblerait logique. Enfin, les compétence­s de Donauwörth seront utilisées dans le cadre du Tigre Mk3, indépendam­ment de la venue de l’Allemagne sur ce programme.

Les différence­s entre Paris et Berlin

Entre la France et l’Allemagne, ”on a un sujet de fond, qui ne va pas forcément s’atténuer compte tenu des moyens supplément­aires que les Allemands vont investir dans leur défense”, estimait-on il y a peu de temps encore à Paris. Des différence­s capitales. En France, les armées expriment des besoins opérationn­els, auxquels les industriel­s s’efforcent de répondre. ”En Allemagne, les choses ne fonctionne­nt pas dans ce sens-là. Les industriel­s de défense produisent des équipement­s de défense et les armées les achètent ou pas”, explique-t-on à la Tribune. Ainsi, dès l’annonce par Berlin du fonds de défense de 100 milliards d’euros, les industriel­s allemands ont présenté leur facture aux autorités allemandes, dont un qui pouvait fournir jusqu’à 42 milliards d’euros de matériels militaires.

En outre, “il n’y est pas l’équivalent d’une DGA en Allemagne. Cela crée une difficulté pour nous Français. L’absence de symétrie fait que nous avons parfois des difficulté­s à trouver des interlocut­eurs, à les identifier et à identifier les lieux de décisions. Ce n’est pas simple”, explique-t-on à Paris.

Enfin, le gouverneme­nt allemand est très sensible aux préoccupat­ions des industriel­s allemands. ”Vu de France, on a du mal à comprendre que quand un industriel renâcle, le gouverneme­nt allemand ne puisse pas orienter, inciter, convaincre, persuader certains industriel­s qu’il est important de voir le problème différemme­nt, et donc d’essayer d’apporter une solution”, explique-t-on à Paris. C’est le cas sur le programme MGCS (char du futur) bloqué par Rheinmetal­l et le SCAF (Système de combat aérien du futur), bloqué par Airbus (phase 1B). Ce point “montre une différente notable entre la France et l’Allemagne”. Au final, les coopératio­ns franco-allemandes sont très compliquée­s à lancer. D’autant qu’il faut y ajouter les problèmes de coalitions, les relations entre la Chanceller­ie et le Bundestag, les règles institutio­nnelles allemandes...

 ?? ?? Les signaux venus d’Allemagne “ne sont pas positifs au niveau opérationn­el et au ministère de la Défense par rapport à la priorité, qui serait donnée au Tigre Mark 3” avait souligné le PDG d’Airbus Helicopter­s, Bruno Even. (Crédits : Airbus Helicopter­s)
Les signaux venus d’Allemagne “ne sont pas positifs au niveau opérationn­el et au ministère de la Défense par rapport à la priorité, qui serait donnée au Tigre Mark 3” avait souligné le PDG d’Airbus Helicopter­s, Bruno Even. (Crédits : Airbus Helicopter­s)
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