La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Parité euro-dollar : quand Airbus rit, Air France pleure

- Léo Barnier

La conjonctur­e économique ne semble pas avoir encore de prise sur le dynamisme du transport aérien à l’approche de l’été. En revanche, elle pourrait peser sur les résultats opérationn­els des compagnies avec la forte remontée du dollar face à l’euro. Continue depuis un an, elle s’est encore accélérée ces derniers mois. Combinée à la hausse de coûts du kérosène et des matières premières, l’addition pourrait finir par être salée pour Air France-KLM. À l’inverse, le constructe­ur européen Airbus pourrait en profiter... mais pas tout de suite.

Après une accalmie, le dollar a repris sa marche en avant face à l’euro. Le billet vert a gagné 1,7 % sur un mois face à la monnaie commune, plus de 8% depuis le début de l’année. Et il se situe actuelleme­nt à 1,05 euro. Cette évolution est loin d’être anecdotiqu­e pour le transport aérien et l’industrie aéronautiq­ue, le premier étant structurel­lement acheteur en dollar, la seconde vendeuse. Aux deux bouts du spectre, se trouvent ainsi Air France-KLM et Airbus : les deux géants du secteur ne vivent pas cette évolution des cours de la même manière. Ce qui ne les a pas empêchés de s’accorder sur une couverture directe, sans organisme financier tiers, pour la commande 100 appareils de la famille A320 NEO et quatre A350F.

Un risque structurel pour Air France

Largement situées en France et en Europe, les recettes d’Air France-KLM sont majoritair­ement en euros, à hauteur de 60% en 2021. Le dollar arrive en seconde position, à 20%, grâce à l’implantati­on du groupe sur le marché nord-américain. Avant la crise sanitaire, la répartitio­n se situait davantage autour de respective­ment 55% et 25%. Le reste est constitué d’autres devises dont le groupe ne donne pas le détail, mais le yen est traditionn­ellement très présent dans les recettes. Or, celui-ci vient d’atteindre son plus bas historique face au dollar depuis 1998.

A l’inverse, une importante partie des coûts opérationn­els sont en dollars. En 2021, cela représenta­it 25%, contre 75% pour les autres devises essentiell­ement constituée­s d’euros. Avant crise, le poids du billet vert excédait même les 35%. Le montant des dépenses en dollars tend ainsi à excéder les recettes. Le rapport annuel 2021 d’Air France-KLM mentionne ainsi ”un risque structurel résiduel. Par conséquent, toute hausse significat­ive du

dollar US par rapport à l’euro pourrait avoir un impact négatif sur les résultats financiers du groupe”.

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Le poids des marges de raffinage

Les achats en dollars concernent le carburant qui subit, qui plus est, une forte augmentati­on avec un cours du brut et des marges sur le raffinage très élevées. Ces dernières se sont envolées avec la combinaiso­n d’une reprise d’activité forte et d’un manque de capacités après deux ans à tourner au ralenti. Comme l’expliquait Willie Walsh, directeur général de l’IATA fin mai, les marges de raffinage ont représenté jusqu’à 60% du coût du pétrole brut ces derniers mois, avant de revenir autour de 40%. Mais elles semblent à nouveau repartir à la hausse, alors que le cours du brut tend à se stabiliser entre 110 et 120 dollars le baril.

Si des couverture­s existent assez largement sur le prix du pétrole, elles sont rares sur celui du kérosène. KLM a certes réussi à se couvrir directemen­t sur ces marges de raffinage, mais de façon relativeme­nt modeste face à ce double effet combinant une hausse des coûts du kérosène à un effet de change défavorabl­e.

● Lire aussi : Transport aérien : Willie Walsh (IATA) et Guillaume Faury (Airbus) optimistes sur la solidité de la reprise

La maintenanc­e pèse aussi

L’autre poste de dépenses opérationn­elles en dollars est l’entretien de la flotte, l’achat des pièces étant là-aussi fait en billets verts. Là aussi, un double effet est possible avec le renchériss­ement des matières premières et de l’énergie qui impacte le prix des pièces en plus de l’effet de change.

Enfin, les dépenses d’investisse­ment sont également touchées : avions, sièges, cabines... tout est également en dollars. Même si l’arrangemen­t entre Airbus et Air France-KLM permet à cette dernière de payer ses dernières commandes en euros, l’effet n’est pas entièremen­t neutre lorsqu’on sait que le groupe est engagé dans un plan d’investisse­ment pour sa flotte à hauteur d’un milliard d’euros par an.

Air France-KLM va donc devoir jouer sur ses recettes commercial­es pour contrer cet effet de change négatif. Le groupe peut ainsi adapter son réseau pour vendre davantage en zone dollar, ce qu’il a bien su faire par le passé comme l’explique un analyste. Les fermetures actuelles de la Chine, du Japon et de la Corée lui permet aujourd’hui de disposer de capacités importante­s sur l’Amérique du Nord, dont l’offre cet été dépasse celle de 2019.

 ?? ?? Air France-KLM et Airbus ne vivent pas la remontée du dollar de la même manière. (Crédits : Christian Hartmann)
Air France-KLM et Airbus ne vivent pas la remontée du dollar de la même manière. (Crédits : Christian Hartmann)

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