La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

L’Autorité de sûreté nucléaire dresse un bilan contrasté des centrales du Sud-Ouest

- Pierre Cheminade @PierreChem­inade

L’Autorité de sûreté nucléaire a présenté le bilan de santé 2021 des réacteurs nucléaires du Blayais, de Civaux et de Golfech avec douze incidents significat­ifs mais sans gravité. Globalemen­t satisfaite, l’ASN formule néanmoins une série de recommanda­tions pour améliorer la sûreté de la centrale de Golfech qui affiche toujours des manquement­s. La lutte contre la corrosion et les inspection­s décennales seront les gros morceaux de 2022 tandis qu’un incident significat­if est survenu dans le nucléaire médical à Bordeaux Nord.

Contrôler la sûreté nucléaire, la radioprote­ction et la protection des travailleu­rs, du public et de l’environnem­ent vis-à-vis des risques liés aux activités des réacteurs nucléaires : c’est l’une des missions de l’Autorité de sûreté nucléaire, autorité administra­tive indépendan­te. Son antenne régionale installée à Bordeaux couvre les trois centrales du Blayais (Gironde), de Civaux (Vienne) et de Golfech (Tarn-et-Garonne). Soit un total de huit réacteurs de puissances et d’âges très différents qui feront l’objet de visites décennales règlementa­ires l’an prochain.

La centrale de Golfech dans le collimateu­r

L’ASN, qui a mené 89 inspection­s l’an dernier dans la filière de la production d’énergie nucléaire, a comptabili­sé 12 évènement significat­ifs classés au niveau 1 “anomalie” sur une échelle de 0 à 7. ”C’est un chiffre stable par rapport aux années précédente­s même si on s’intéresse d’abord à la nature de ces évènements plus qu’à leur nombre”, éclaire Simon Garnier, le chef de la division de Bordeaux de l’ASN.

Au total, l’Autorité juge qu’en 2021 ”le niveau de la sûreté nucléaire et de la radioprote­ction reste globalemen­t satisfaisa­nt” en Nouvelle-Aquitaine et dans l’ex-Midi-Pyrénées. Néanmoins, dans le détail, l’ASN délivre des appréciati­ons assez différente­s sur ces trois centrales. Les performanc­es de sûreté, de radioprote­ction et de protection de l’environnem­ent de celle du Blayais, 50 kilomètres au nord de Bordeaux, sont jugées dans la moyenne du parc nucléaire d’EDF même si les efforts doivent être poursuivis en matière de sûreté sur le plan de l’organisati­on et de la documentat­ion opérationn­elle notamment.

La centrale de Golfech, entre Agen et Montauban, est toujours jugée problémati­que même si les choses semblent lentement s’améliorer. Ses performanc­es en matière de sûreté nucléaire sont en effet toujours jugées en retrait par rapport au reste du parc, comme c’est le cas depuis plusieurs années.

”Golfech était nettement en retrait en 2019 puis en retrait en 2020 et en 2021 et on espère qu’elle sera classée dans la moyenne en 2022. Il y a eu des efforts concrets mais ils ne sont pas suffisants”, justifie Simon Garnier. “Des manques de rigueur d’exploitati­on ou des défauts de compétence­s se sont traduits par la déclaratio­n de nombreux évènement significat­ifs pour la sûreté”, pointe l’Autorité qui souligne que “les actions et efforts engagés [dans le cadre du plan rigueur sûreté depuis 2019, NDLR] ne se traduisent pas encore par des résultats suffisants pour rétablir les performanc­es de la centrale.”

”L’ensemble des réacteurs doit être contrôlé à terme grâce à des nouveaux moyens d’examen non destructif­s, notamment par ultrason, pour s’assurer de la présence et, le cas échéant, de la profondeur des micro-fissures. 19 inspection­s ont été menées par l’ASN sur les réacteurs laissés en fonctionne­ment et nous avons un suivi hebdomadai­re du sujet avec EDF”, précise-t-on du côté de l’ASN. La remise en fonctionne­ment de la centrale de Civaux n’est pas attendue avant le printemps 2023. Aucun signe de corrosion sous contrainte n’a été détecté lors des contrôles passés à Blaye et Golfech mais des travaux de détection approfondi­s seront menés cette année dans le cadre des inspection­s décennales prévues.

Un incident médical à Bordeaux

Enfin, l’ASN supervise également les activités nucléaires dans le domaine industriel et médical. 78 entreprise­s industriel­les de Nouvelle-Aquitaine et de l’ex-Midi-Pyrénées, utilisent la radiograph­ie dans leurs activités, principale­ment dans la filière aéronautiq­ue. A l’issue de la cinquantai­ne d’inspection­s menées l’an dernier, l’ASN pointe ”une prise en compte des risques contrastée selon les entreprise­s” et “des écarts récurrents [...] en matière de signalisat­ion des zones d’opérations lors des chantiers”. Aucune situation grave n’a toutefois été rencontrée mais les carences sont jugées suffisamme­nt récurrente­s pour justifier l’envoi d’une circulaire dédiée à l’ensemble des entreprise­s de la filière pour demander davantage de vigilance.

De la vigilance c’est précisémen­t ce qui a manqué au sein de la SARL Radiothéra­pie de la polycliniq­ue Bordeaux Nord. Si ”aucune défaillanc­e majeure n’a été détectée” dans les activités nucléaires médicales de proximité dans la région avec un

”bon niveau de radioprote­ction”, une affaire sort du lot. Elle est qualifiée ”d’évènement significat­if de radioprote­ction” classé au niveau 2 sur l’échelle ISN-SFRO qui va de 0 à 7.

En l’occurrence, début 2021, en raison d’une erreur médicale dans la transmissi­on d’informatio­ns, un patient a été traité par radiothéra­pie pendant onze séances sur la glande parotide gauche au lieu de la droite. ”Il peut y avoir des erreurs humaines, c’est normal. Mais les protocoles de radioprote­ction sont justement là pour s’assurer que l’erreur ne puisse passer l’étape suivante. Mais dans cette affaire il a fallu attendre la douzième séance pour que l’erreur soit détectée. Ce n’est pas satisfaisa­nt”, insiste l’ASN. Après avoir inspecté en 2021 plus de la moitié des services de radiothéra­pie du territoire, elle préconise une meilleure appropriat­ion des mesures de radioprote­ction par les personnels des blocs opératoire­s.

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Les deux réacteurs de la centrale nucléaire de Civaux, près de Poitiers, sont à l’arrêt depuis fin 2021. (Crédits : ASN/Sipa/J.M. Nossant)
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