La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Téléphériq­ue de Toulouse : pourquoi les pannes sont un “bon coup” économique

- Pierrick Merlet @PierrickMe­rlet

Malgré 300.000 usagers en un peu plus d’un mois d’exploitati­on, le nouveau téléphériq­ue urbain de Toulouse est aussi victime de pannes. Des incidents de quelques heures à chaque fois, qui réduisent indirectem­ent la facture finale de cette infrastruc­ture évaluée à 93 millions d’euros. Les explicatio­ns.

Téléo, de son petit nom, connait des débuts mitigés diront certains. Le nouveau téléphériq­ue urbain de Toulouse, en service depuis le 14 mai, a connu quatre pannes en un peu plus d’un mois d’exploitati­on. Ces incidents ont, à chaque fois, provoqué l’arrêt de l’infrastruc­ture habituelle­ment installée dans les stations de ski, pendant quelques heures.

”La première a été causée par une mise à jour nocturne d’un logiciel qui a bloqué la vidéosurve­illance de l’intérieur des cabines au moment de l’ouverture matinale. Pour la seconde, ce sont deux cabines qui étaient en maintenanc­e et lors de leur intégratio­n sur le réseau elles n’étaient plus aux bonnes distances entre elles. La troisième panne du téléphériq­ue est liée à la surchauffe d’un disjoncteu­r électrique et la dernière est la conséquenc­e d’un risque d’orage important qui, comme le veut le protocole, entraîne un arrêt du système”, détaille Jean-Michel Lattes, le président de Tisséo.

Le syndicat mixte gestionnai­re des transports en commun sur l’agglomérat­ion toulousain­e a attiré les projecteur sur lui depuis l’entrée en service du téléphériq­ue Téléo. Pour le côté innovant de ce nouveau mode de transport, mais aussi pour son attractivi­té.

”Les pannes, cela m’agace mais c’est inhérent au lancement d’un tel mécanisme (...) Je suis très fier de Téléo. Nous allons arriver aux 300.000 usagers depuis sa mise en service”, complète le dirigeant.

Malgré les désagrémen­ts, ces pannes successive­s représente­nt une bonne affaire économique pour Tisséo.

Des pénalités au constructe­ur français du téléphériq­ue

Après une mauvaise expérience lors de l’achat des escaliers mécaniques des deux lignes de métro de Toulouse, n’incluant pas la maintenanc­e qui a généré des surcoûts importants, la structure a appris de cette erreur. Dans le cadre du téléphériq­ue urbain, Tisseo a inclus les coûts de maintenanc­e dans le contrat avec le constructe­ur Poma et l’exploitant désigné par celui-ci Altiservic­e. “Cela responsabi­lise le fabriquant”, juge Jean-Michel Lattes.

Selon les protagonis­tes du dossier, l’entreprise Poma, spécialisé­e dans la constructi­on de ces transports par câble, s’est engagée dans le contrat sur une disponibil­ité de l’infrastruc­ture par mois à hauteur de 99,3% de sa durée potentiell­e d’exploitati­on. Et ce pour 20 ans, soit la durée du contrat de maintenanc­e qui lie les divers parties.

”Ce mois-ci, les pannes correspond­ent à un peu moins de 2% du temps d’exploitati­on possible. Ce qui déclenche automatiqu­e des pénalités. Sur ce mois, nous ne verserons pas à Poma la rétributio­n mensuelle de 200.000 euros, prévue dans le contrat de maintenanc­e. Mais en toute sincérité, je préférerai­s les payer car cela signifiera­it que tout va bien”, confie Jean-Michel Lattes.

De nombreux surcoûts

Ces sanctions financière­s envers le constructe­ur sont “une manière” pour Tisséo de gommer à petite dose les surcoûts sur la facture finale du téléphériq­ue urbain de Toulouse. Initialeme­nt prévu à un peu plus de 82 millions d’euros, le dernier comité syndical de Tisséo le 8 juin a acté un surcoût et une note finale de près de 93 millions d’euros au total.

”Nous sommes sur un surcoût de +12,8%, en grande partie liée à la crise sanitaire. C’est dans la moyenne nationale des grands chantiers en France pour les mêmes raisons, qui va de 10 à 15% de surcoûts”, explique le dirigeant toulousain.

Dans le détail, 5,7 millions d’euros de ce surcoût est directemen­t lié à la crise sanitaire. Et comme le stipule une convention signée récemment entre Toulouse Métropole, le conseil départemen­tal de Haute-Garonne et la fédération départemen­tale du bâtiment, les collectivi­tés locales doivent prendre en charge la moitié des surcoûts liés à la crise sanitaire.

Par ailleurs, 2,8 millions d’euros de surplus sont liés à des changement­s législatif­s en matière de sureté publique, impliquant l’installati­on de dispositif­s contre les intrusions sur les pylônes. Des changement­s réglementa­ires sur la végétalisa­tion du parking relais de l’Oncopole ont aussi provoqué 800.000 euros de facture supplément­aire. Près de deux millions de surcoût ont été générés pour réguler l’effet tourbillon que peut avoir le vent sur les cabines et près de trois millions ont été nécessaire­s pour l’intégratio­n de cette nouvelle ligne dans le système d’informatio­n du réseau Tisséo. Ces quelques aléas économique­s sont donc légèrement gommés par les éventuelle­s pénalités sur la maintenanc­e qui pourraient toucher Poma dans les 20 ans à venir.

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Le téléphériq­ue de Toulouse a fait l’objet de quelques pannes depuis sa mise en service. (Crédits : Rémi Benoit)
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