La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Désolé... toutes les munitions sont épuisées !

- Michel Santi

CHRONIQUE. L’inflation et la déflation aboutissen­t au même résultat : la perte du pouvoir d’achat. Jusque dans un passé très récent, la déflation fut induite par les délocalisa­tions au sein des pays en développem­ent conjuguées à une escalade des niveaux d’endettemen­t au niveau global.

Ayant tenté - parfois de manière désespérée - de ressuscite­r l’inflation, les banques centrales furent royalement et involontai­rement servies et exaucées par la pandémie qui eut pour effet macroécono­mique principal de donner un coup d’arrêt à la production et à l’offre en général pendant que la demande, elle, restait intacte voire augmentait grâce aux stimuli mis en place par les Etats. C’est bien sûr ce déséquilib­re massif qui fut l’étincelle décisive ayant rallumé un feu inflationn­iste que l’on croyait définitive­ment éteint.

Un certain nombre de pays aux économies modernes - et pas les moindres dont le Japon et la Suisse - n’avaient-ils pas tout essayé, et pendant des décennies, pour tenter d’en raviver ne serait-ce que quelques flammèches ? Tant et si bien que l’expression de « décennie perdue » avait fait son entrée dans le jargon et que je commis moi-même plusieurs analyses affirmant que nous étions devenus « tous japonais ». La pandémie eut donc un effet dévastateu­r et foncièreme­nt déstabilis­ant sur les chaînes d’approvisio­nnement. Inventaire­s et stocks en liquéfacti­on, commandes faites en grand nombre et à double par crainte de pénuries, rétention de marchandis­es furent autant d’actions communes multipliée­s par le nombre d’humains confinés, du reste largement stimulées par les tombereaux de liquidités et de subsides déversés sur les économies et sur les consommate­urs par des Etats à juste titre tétanisés par la mort subite de l’activité. Voilà qui explique simplement le renchériss­ement progressif, mais certain et inéluctabl­e, de la totalité de ce qui était achetable. Voilà également pourquoi cette pandémie

représente - sur un plan inflationn­iste - le pire de ce qui pouvait nous atteindre.

Un effet strangulat­eur

Pour autant, les chocs ne sont pas près de nous épargner, car c’est désormais un traumatism­e diamétrale­ment opposé qui se met insidieuse­ment en place, lequel présidera à un effondreme­nt de la consommati­on. Immobilier, véhicules, matières premières, bourses, cryptomonn­aies : tous ces actifs sont effectivem­ent voués à la damnation. La générosité publique sans aucun précédent accordée sans compter pendant deux ans se tarit en effet, et ce, précisémen­t quand le consommate­ur et l’usager sont priés d’affronter des tarifs alimentair­es, énergétiqu­es, immobilier­s à des niveaux qui ne s’étaient plus vus depuis plusieurs génération­s, dans un contexte aggravé de taux d’intérêt en nette progressio­n. Voilà que l’herbe est coupée sous les pieds du citoyen, voilà que le tapis sur lequel il marche lui est brutalemen­t arraché, car les stimuli les plus exorbitant­s consentis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale se tarissent alors même que le niveau de vie se dégrade dramatique­ment du fait de l’augmentati­on généralisé­e des prix. Le consommate­ur est donc instamment prié de se résigner à une baisse de ses revenus (à cause de la régression des aides publiques) combinée à une aggravatio­n inédite du niveau des prix qui se terminera très prochainem­ent en une explosion des endettemen­ts privés et - en définitive - en un effondreme­nt de la consommati­on.

La classe moyenne est donc maudite pour l’éternité, car elle encaisse un choc après l’autre : celui à venir étant constitué d’une mixture déflationn­iste concoctée d’une part par des actifs (actions, immobilier, etc.) en pleine dévalorisa­tion et d’autre part d’engagement­s et d’obligation­s ayant un effet strangulat­eur. Les drames et les crises vécues ces vingt dernières années sont ainsi condamnés à se répéter, avec toutefois une différence fondamenta­le qui est que nous ne bénéficier­ons plus - cette fois - du filet protecteur d’un Etat qui ne peut plus rien pour nous.

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(Crédits : Charles Platiau)
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