La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Thierry Marx, le Samouraï à la conquête du syndicat de l’hôtellerie-restaurati­on

- Philippe Mabille @phmabille

Candidat à la présidence de l’Union des métiers de l’industrie de l’hôtellerie, en binôme avec le niçois Eric Abihssira, le chef doublement étoilé Thierry Marx explique à La Tribune les raisons qui le poussent à s’engager dans le syndicat patronal d’un secteur clef du tourisme. Le patron du restaurant Sur Mesure au Mandarin Oriental à Paris a mis au menu de son programme des propositio­ns choc pour redynamise­r un secteur menacé par la crise de l’énergie et qui doit s’adapter en profondeur pour contribuer à ce qu’il appelle une croissance en conscience. A la veille de l’ouverture du SIAL, le salon de l’alimentati­on près de Paris, son plaidoyer pour le bien manger fait sens avec l’esprit de notre époque.

C’est une élection qui va faire parler d’elle à la fin du mois. Le 27 octobre, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), puissant syndicat patronal d’un secteur clef du tourisme et de la gastronomi­e française, qui pèse 7% du PIB avec 1,3 million de salariés, 300.000 saisonnier­s l’été, va élire son nouveau « chef », à l’occasion d’une assemblée générale. Cinq binômes sont en lice pour les postes de président et de vice-président et succéder à Roland Héguy et Hervé Bécam. Ils sont élus pour une durée de quatre ans, à bulletin secret, par un collège comprenant entre 110 et 130 votants. Les cinq candidatur­es validées sont : Laurent Duc (président Umih Hôtellerie Française) et Nathalie Baudoin (vice-présidente Umih 84 ; présidente Logis 84), Alain Grégoire (président Umih Auvergne-Rhône-Alpes) et Hubert Jan (président Umih Restaurati­on et Umih 29), Stéphane Manigold (président du groupe Eclore et Umih Restaurati­on IDF) et Grégory Pourrin (DG et fondateur associé de Centaurus), Bernard Marty

(président Umih 13 - Umih Paca Corse) et Sabine Ferrand (présidente Umih 41 - Umih Centre-Val-de-Loire) et enfin, le plus connu, Thierry Marx (chef du restaurant Sur Mesure et entreprene­ur) en binôme avec Eric Abihssira (président de la FHRT Nice Côte d’Azur)

Qu’est-ce qui a conduit une personnali­té aussi célèbre que Thierry Marx, deux étoiles Michelin avec notamment le restaurant Sur Mesure au Mandarin Oriental à Paris, à vouloir s’engager dans le syndicalis­me patronal ? Pourquoi celui qui est champion de judo, passionné du Japon dont il parle couramment la langue (il a servi de traducteur pendant les JO de Tokyo sur France télévision­s) et où il va tous les deux mois pour ses affaires, issu d’un quartier populaire où selon ses propres dires il aurait pu

« mal tourner », se lance-t-il à la conquête d’une Umih à l’image un peu poussiéreu­se et corporatis­te, dont le fait d’armes a été le lobbying pour obtenir une baisse de TVA dont les clients ont peu vu la couleur, alors que les effectifs du syndicat patronal ont fondu depuis le bouillant André Daguin (70.000 membres à son époque, moins de la moitié aujourd’hui) ?

Nous avons voulu en savoir plus et interroger le samouraï à quelques heures du coup de feu du soir au Mandarin Oriental. La rencontre ne nous a pas déçus et c’est un Thierry plus « marxien » que jamais qui a défendu avec force et conviction sa volonté de réveiller l’Umih pour qu’elle accompagne mieux la mutation extraordin­aire d’un secteur qui doit faire selon lui sa révolution et se transforme­r pour améliorer son impact social, environnem­ental et économique.

Pourquoi un chef doublement étoilé et multi-entreprene­ur comme vous se présente-t-il pour diriger le syndicat de l’hôtellerie-restaurati­on ?

C’est un rôle que je n’avais jamais imaginé endosser quand j’avais 40 ans et en plein développem­ent de mes affaires, en France et à l’étranger. Mais c’est vrai que mon parcours personnel, mon engagement dans la société avec mes écoles de formation qui donnent une deuxième chance à de nombreux jeunes qui ont connu la galère, et enfin une évolution que je crois fondamenta­le de nos métiers, m’ont convaincu de présenter cette candidatur­e, en binôme avec le chef niçois Eric Abihssira.

Notre volonté est double : d’abord agir d’urgence à un moment où la profession à peine sortie de la crise Covid, se retrouve à nouveau prise en étau avec la flambée des prix de l’énergie et des matières premières. Et accompagne­r la transition de nos métiers vers un impact social et environnem­ental qui change profondéme­nt la façon de les exercer. Il faut faire de cette mutation un atout pour l’économie française, en défendant nos valeurs.

Revenons sur le court terme : la crise énergétiqu­e et alimentair­e menace-t-elle les entreprise­s du secteur ?

Notre profession vient de traverser une crise majeure durant deux ans avec les confinemen­ts, et malgré les soutiens de l’Etat, les PGE, et une reprise vigoureuse, aucun de nos problèmes n’ont été vraiment résolus. L’hôtellerie-restaurati­on affronte des défis de court terme avec le remboursem­ent des PGE, la hausse énorme des coûts de l’énergie et des matières premières, avec des conséquenc­es potentiell­ement mortelles sur de nombreuses entreprise­s.

Nous devons aussi agir sur l’impact social et environnem­ental de nos métiers, sur la requalific­ation de nos emplois, sur les rémunérati­ons et la formation. Très peu d’entreprise­s du secteur ont travaillé sur cette haute qualité environnem­entale, les économies d’énergie, la chasse au gaspi, le tri sélectif, le sourcing des produits de nos cuisines. Nous avons une opportunit­é énorme avec la tendance à la redynamisa­tion de la ruralité et la mutation vers le slow tourisme.

Si le 27 octobre, notre liste est choisie, nous mettrons en place une task force pour ouvrir tous les grands chantiers utiles à la profession. Le monde entier a pris conscience de l’impact social et environnem­ental de nos modes de vie. C’est vrai aussi dans nos assiettes et dans notre façon de voyager. Aujourd’hui un touriste étranger qui prend l’avion reste plus longtemps et veut que son voyage devienne une expérience en accord avec la recherche de sens, d’authentici­té et de ruralité.

Les métiers de l’hôtellerie et de la restaurati­on doivent s’inscrire dans ce que j’appelle l’économie de la qualité, de la haute qualité de vie et environnem­entale, par opposition à l’économie low cost, et il faut traduire cela dans les faits, de la ferme à l’assiette.

Quel rôle attendre de l’Umih alors que le secteur connaît depuis la crise sanitaire une crise des vocations et peine à recruter ?

L’Umih doit se renouveler, redevenir utile pour attirer les jeunes et apprendre à parler d’une seule voix. Nous représento­ns 7% du PIB français, 84 milliards d’euros de chiffre d’affaires ; nos 230.000 établissem­ents dont 175.000 restaurant­s, 17.500 hôtels, 6000 établissem­ents de nuit emploient 1,3 million de salariés, dont 300.000 saisonnier­s l’été, 45.000 apprentis ou alternants. Notre secteur représente 65% de la valeur et des emplois dans le secteur français du tourisme. Il a donc de bons arguments pour peser dans les transforma­tions de l’économie. Le syndicat patronal qu’est l’Umih doit donc redevenir attractive et retrouver un niveau d’adhérents suffisant pour peser plus dans le débat public et auprès des pouvoirs publics afin d’être une force de

propositio­n et pas d’opposition comme on l’a parfois constaté. André Daguin avait porté haut nos couleurs avec plus de 70.000 adhérents. Nous devons reconstitu­er cette force. Or, un jeune qui s’installe n’a pas le réflexe Umih, parce qu’il n’en voit pas l’utilité. Notre mandat vise donc à redonner à l’Umih une dynamique et une modernité et en faire un outil au service des chefs d’entreprise et des salariés. C’est vrai pour la représenta­tion de nos métiers, pour la formation, et pour défricher l’avenir.

Beaucoup ont quitté le secteur pendant la crise Covid en raison de conditions de travail trop difficiles. Comment changer la donne ?

L’hôtellerie et la restaurati­on, ce sont des métiers difficiles et exigeants dont les conditions de travail sont parfois dures, avec des heures supplément­aires, des rémunérati­ons empiriques, des horaires décalés qui nuisent aux relations sociales et à la vie familiale, des tensions fortes au travail. Un des premiers chantiers sera d’améliorer la protection sociale de nos salariés et de renforcer l’attractivi­té de nos métiers.

Beaucoup de restaurant­s ferment en province faute de repreneur. Comment résoudre cette désertific­ation de la gastronomi­e hors des grandes villes ?

C’est un autre sujet fondamenta­l que nous voulons porter, à savoir la transmissi­on des savoir-faire et des patrimoine­s. Il est très difficile dans la ruralité surtout de vendre dans de bonnes conditions le résultat de 30 ans de travail. On doit parler de ce sujet avec Bercy. Il y a un bénéfice économique global à en attendre.

Si on veut développer un tourisme plus vertueux, avec des fermes d’accueil, des chambres d’hôtes, redonner du souffle à la ferme-auberge ou au bistrot de province, il faut définir un plan d’action et d’aide à l’installati­on des jeunes qui rêve de quitter les grandes villes.

On a un modèle qui nous inspire, celui de Dan Barber avec le mouvement Farm-to-table qui marche très bien aux Etats-Unis et qui arrive en France. Pour cela on doit mettre le paquet sur la formation, qui est une des responsabi­lités de l’Umih. J’ai moi-même lancé une ferme école à Saint Quentin en Yvelines pour accélérer cette révolution. C’est un centre de formation en cuisine qui peut accueillir du public et former à travailler directemen­t avec des produits issus de la ferme. L’objectif est de faire naître des agriculteu­rs-restaurate­urs polyvalent­s. Le bénéfice social et environnem­ental est gigantesqu­e. On va pouvoir ainsi redynamise­r les campagnes, lutter contre les déserts touristiqu­es comme il y a des déserts médicaux. L’Etat doit nous aider car c’est un investisse­ment important : une école c’est 400.000 euros, un stagiaire c’est 5000 euros et il faut acheter du foncier. Il faut apporter des aides dans une logique d’utilité sociale et passer d’une culture de la performanc­e à une logique nouvelle de ce que j’appelle la croissance en conscience, capable de mesurer son impact. C’est une tendance très forte dans la profession qui peut rencontrer aussi des financemen­ts nouveaux avec le développem­ent des fonds à impact dans les banques et les assurances.

C’est comme cela qu’on pourra construire une croissance durable : ce que mon expérience montre, c’est que pauvre ou riche, on ne veut pas un emploi, mais un projet de vie. C’est le projet qui vous ramène vers l’emploi et pas l’inverse. C’est le mécanisme de fonctionne­ment de nos écoles que l’on a mis en place depuis 20 ans, offrir une seconde chance aux jeunes y compris les plus en galère de notre société. Regardez l’exemple de Maurice Sacko, révélé dans Top Chef et dont la première étoile Michelin inspire de nombreuses vocations. C’est une belle histoire.

Le bien manger, c’est la vocation du label Bleu Blanc Coeur dont vous êtes devenu le porte-parole. Quelle différence avec le Bio ?

Si on veut manger un produit de qualité, il faut définir ce qu’est un bon produit, être capable d’en mesurer l’impact social et environnem­ental, ce qui veut dire garantir une bonne rémunérati­on de l’agriculteu­r et prendre en compte l’impact nutritionn­el. Chez Bleu Blanc Coeur, nous ne faisons pas du bio, mais nous garantisso­ns des sols sains sans intrants, des herbages de grande qualité et du bien-être animal. C’est cela la santé globale.

On parle beaucoup de réindustri­alisation. Est-ce qu’il ne faudrait pas aussi une ré-agricultur­isation pour construire un modèle plus vertueux...

Si on veut faire repartir sur de bonnes bases une bonne agricultur­e et un bon artisanat, il faut en finir d’abord je l’ai dit plus tôt avec la culture low cost qui s’est imposée depuis les années 70. Les industriel­s et la grande distributi­on ont laissé croire au citoyen qu’il a du pouvoir d’achat parce qu’il ne paye pas cher. Ce low cost a « oxydé » la France, son agricultur­e, son artisanat et son industrie. La réponse, c’est de revenir à la qualité du « Made in France ». Comme l’a dit un jour Warren Buffet : le prix n’est pas la valeur, c’est une négociatio­n entre deux parties. Le low cost, c’est l’économie du renoncemen­t à la qualité. Je suis désolé mais un produit français, ça de la valeur. Il faut donc cesser de faire de l’alimentati­on la variable d’ajustement de la fracture sociale. C’est parce que les prix des logements sont

devenus scandaleus­ement cher et que les dépenses contrainte­s, internet, téléphonie, divertisse­ments divers, se sont envolés que les gens ne se nourrissen­t plus convenable­ment. Ma grand-mère faisait le marché pour la semaine et payait son loyer, c’est tout. Aujourd’hui, on laisse se développer une alimentati­on à deux vitesses qui aggrave la fracture sociale et les coûts de la santé. On a une alimentati­on pour ceux qui vont bien, qui ont une connaissan­ce des produits, et une autre pour ceux qui n’ont pas les moyens ou le temps ou la connaissan­ce et qui achètent de la nourriture hyper transformé­e et hyper-toxique. Si vous écoutez les 3500 médecins nutritionn­istes qui nous accompagne­nt chez Bleu Blanc Coeur, ils nous disent que depuis 1970, toutes les pathologie­s modernes sont liées à l’alimentati­on. Il y a dans les quartiers une explosion du diabète de type 2 avant 15 ans et on sait que les produits ultra-transformé­s sont surconsomm­és par ces publics. Cela explique d’ailleurs probableme­nt une bonne part de la surmortali­té Covid. Les gens qui ont une alimentati­on riche en Omega 3 et 6 ont moins de facteurs d’inflammati­on et ont traversé la pathologie Covid avec beaucoup moins d’effets collatérau­x.

Chez Bleu Blanc Coeur, on ne dit pas qu’on n’est bio, On a donc un devoir de résultat. Un oeuf BBC doit être riche en Oméga 3 et 6 parce que la volaille est bien nourrie et que la terre est saine. Alors qu’on n’impose pas au bio d’avoir une garantie de résultat.

Pourquoi on n’apprend pas cela à l’école ?

Il faut financer à l’école des cours de cuisine, c’est une évidence. Un cours de cuisine ce n’est pas seulement de prendre une casserole et un fouet. Dans un cours de cuisine il y a d’abord un cours d’arithmétiq­ue, le respect des proportion­s, donc un cours de physique-chimie, avec les saveurs et les cuissons ; il y a aussi un cours de grammaire et d’orthograph­e, pour faire une fiche technique ; Il y a un cours d’éducation civique : pourquoi l’autre ne mange pas comme moi ? Il y a aussi un cours de commensali­té : pourquoi je vais manger avec les autres, un cours de philosophi­e, c’est l’apprentiss­age du vivre ensemble... Et enfin, il y a évidemment au travers des produits et des plats un cours d’histoire et de géographie, de la France et de l’étranger. C’est un apprentiss­age complet. Au-delà d’apprendre à me nourrir, j’apprends à être un mangeur et plus un consommate­ur. Donc en quelques années, on forme une génération qui peut ainsi changer complèteme­nt de logique et de système. Aujourd’hui, on a des consommate­urs ou plutôt des sur consommate­urs qui consument la planète : 30% de ce qui est produit dans le monde agricole part à la déchetteri­e. Donc un cours de cuisine à l’école, c’est un programme complet pour refaire de nous des mangeurs, se faire du bien à nous, à la société et à la planète...

Thierry Marx, d’accord, mais on commence quand ?

Il faut trouver des financemen­ts innovants, car l’Etat n’a plus d’argent. Moi je fais une propositio­n : on a taxé le tabac comme un produit dangereux mais commercial­isable ? Pourquoi ne pas faire la même chose avec les sodas dont l’excès de sucre est un drame pour la santé humaine et coûte des milliards en maladies comme le diabète. Cela permettrai­t de financer des cours de cuisine mais aussi de sport car on ne gagnera pas sur l’alimentati­on si on ne lutte pas en même temps contre la sédentarit­é, qui s’est aggravée avec le Covid. On sait très bien que les sodas sont des produits de surconsomm­ation, bourrés de phosphates, extrêmemen­t dangereux pour la masse osseuse et la masse musculaire. Si on ne lutte pas contre la sédentarit­é on ne lutte pas contre l’alimentati­on à deux vitesses.

Qui pour donner ces cours de cuisine et de sport ? Vous ?

Les cours de cuisine ne sont pas forcément réservés à des profession­nels de la restaurati­on. Cela peut être le cuisinier de la cantine scolaire. La ruralité s’y est mise. A Martel dans le Lot, il y a des écoles où le jardin fournit la cantine avec une entrée, un plat, un dessert. De plus en plus de régions Dans le Médoc, il y a un jardin potager qui fournit 3 écoles. Voilà des exemples à suivre : il faut passer à l’échelle.

L’époque est anxiogène avec la guerre, la fin de l’abondance annoncée, le risque de pénuries. La réponse peut être la sobriété ou la frugalité. La France peut-elle retrouver le bonheur dans le pré ?

La cuisine nous relie à la nature donc à la vraie vie. Dans un monde où nous vivons deux vies, une vie virtuelle par écrans interposés et la vraie vie, il faut prendre garde à nous et à nos enfants. La vie qu’on mène sur les réseaux sociaux est extrêmemen­t anxiogène : ce n’est pas parce que vous avez créé un petit personnage dans les métavers que vous êtes la vraie vie. Au cours de ma carrière, au 20èeme siècle, j’ai eu la chance de rencontrer de vraies personnali­tés mais de nos jours on rencontre plus souvent de petits personnage fake, inventés et surdimensi­onnés à coup de followers. C’est du vide.

Plutôt que Dubaï et ses influenceu­rs-ceuses vedettes bronzé. es, vous prêchez pour un retour au village.

Quand je parle de croissance en conscience, c’est un appel à revenir au bon sens. Ce n’est pas le repli sur soi, mais le respect des autres et de la nature. Ce qui est formidable chez l’être humain, c’est que dans les crises il est génial. Moi je reste optimiste : dans la crise covid, l’humain a été extrêmemen­t

innovant et résilient, il a redécouver­t des évidences : il y a une terre, il y a une nature que l’on partage ; et ce que l’on mange a une incidence sur nos vies. On a enfin pris collective­ment conscience qu’il faut faire quelque chose pour éviter la catastroph­e annoncée. Ce n’est plus de la science-fiction, c’est réel. La crise Covid a servi de déclencheu­r à un changement de l’humanité.

La guerre en Ukraine aussi a amplifié cette prise de conscience avec la notion de pénuries. On se pose des questions qu’on avait oubliées : l’importance de la souveraine­té, en santé avec le Covid, mais aussi énergétiqu­e et alimentair­e. Sur le blé, l’huile de tournesol, on a assisté à des comporteme­nts de spéculatio­n scandaleux. Stocker de l’huile de tournesol en mai pour mettre cette pénurie sur le dos de l’Ukraine c’est de la spéculatio­n que l’on doit dénoncer. Ce sont les mêmes qui vont venir pleurniche­r sur les plateaux de télévision alors qu’ils avaient bloqué les stocks. Edouard Leclerc l’a bien dit : la guerre en Ukraine a bon dos

Sur longue période, la part de l’alimentair­e dans les dépenses des ménages a baissé en relatif...

C’est vrai et c’est faux. La part de l’alimentati­on a baissé sur le reste à vivre, mais bien souvent les gens les plus modestes achètent beaucoup d’emballage et de marketing et peu de nourriture. Par ailleurs, on a multiplié les dépenses contrainte­s : la mobilité, la voiture, le logement, dont le niveau de prix est devenu scandaleux, on ne peut plus se loger en France, plus internet, le mobile pour soi et sa famille. Pourquoi on ne demande pas à ces secteurs de baisser leurs prix plutôt que de dire à la grande distributi­on, c’est vous les responsabl­es du pouvoir d’achat et de la ruine des paysans.

Dernière question sur le JO 2024 : c’est une opportunit­é pour l’hôtellerie-restaurati­on ?

Oui, c’est une formidable vitrine et nous avons développé avec Tony Estanguet et le Cojo une stratégie Food. Je milite pour faire un village gastronomi­que pendant les Jeux : l’Umih devra porter cette ambition pour montrer la richesse et la diversité de nos terroirs, de nos territoire­s et de nos produits. Cela peut durer pendant toute l’année qui suivra les Jeux olympiques et para olympiques. On pourrait même commencer dès 2023 avec la Coupe du Monde de Rugby. Sport, Gastronomi­e, Territoire­s, quel meilleur moyen pour une région de faire valoir ses atouts et donc son attractivi­té...

Top Chef, Master Chef, ces émissions se multiplien­t : bonne ou mauvaise publicité pour la cuisine ?

J’ai participé aux deux et ma seule inquiétude est de rappeler aux jeunes que la célébrité ne fait pas tout. Cela permet sans doute d’aller plus vite par rapport au temps où j’ai fait mes apprentiss­ages. Mais attention : cela ne suffit pas : il faut travailler, travailler, travailler. Les gens aimeraient supprimer l’inconnue de l’équation, alors que l’effort et la prise de risque, c’est ce qui te donne du panache.

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(Crédits : (c) Arnaud Meyer)
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