La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Réforme des règles budgétaire­s : Bruxelles se veut pragmatiqu­e pour réduire les dettes des Etats

- Robert Jules @rajules

La Commission européenne a présenté mercredi ses propositio­ns de réforme des règles budgétaire­s communauta­ires. Elle suggère notamment que chaque pays membre puisse définir sa propre trajectoir­e de réduction de la dette, en s’engageant sur un programme de réformes et des projets d’investisse­ments.

« Afin de mieux appliquer les règles, nous les allégeons, nous les simplifion­s » , résumait le commissair­e européen à l’Economie, Paolo Gentiloni, lors de la présentati­on ce mercredi des propositio­ns pour réformer le cadre des règles budgétaire­s communauta­ires.

« Nous n’avons pas investi comme nous l’aurions dû (et) le désendette­ment a échoué peut-être parce que nos règles étaient irréaliste­s » , a admis Paolo Gentiloni. Il a assuré qu’elles permettrai­ent aux pays membres d’adopter « un cap bien plus progressif, bien plus souple » afin d’améliorer la gouvernanc­e économique européenne.

En revanche, cette réforme ne remet pas en cause les critères inscrits dans le Traité européen, qui visent à contenir la dette sous 60% du produit intérieur brut (PIB), et à maintenir le déficit public annuel sous les 3% du PIB.

Depuis la pandémie du Covid-19, le respect de ces critères a été mis entre parenthèse­s, en raison de la nécessité de sauver l’appareil productif « quoi qu’il en coûte » , selon la formule d’Emmanuel Macron à l’époque. Or, précisémen­t, cela a coûté.

Envolée de l’endettemen­t public

La réforme vise en effet à réduire un endettemen­t public qui a explosé. A la fin du deuxième trimestre 2022, la dette publique de l’Allemagne représenta­it l’équivalent de 68,7% du PIB, celle de la France 114,2%, de l’Italie 155,5% et de l’Espagne 123,1% pour les premières économies de la zone euro qui affiche, elle, une moyenne de 95,6%, selon Eurostat. Au lieu de converger, comme le prévoyait le mécanisme initial, les économies de la zone euro affichent des écarts croissants, qui nécessiten­t de prendre en compte aujourd’hui la situation spécifique de chaque pays. « Les pays de l’UE font face désormais à des niveaux d’endettemen­t et de déficit plus élevés, qui varient fortement » , constatait le vice-président de la Commission europénne, Valdis Dombrovski­s, lors de la conférence de presse.

Malgré l’ambition affichée, cette propositio­n est d’ores et déjà jugée avec inquiétude dans certaines capitales dont Berlin, qui craignent que des trajectoir­es de réduction de la dette individual­isées n’incitent des gouverneme­nts à reporter des décisions difficiles à la fin du temps alloué, souvent après l’expiration de leur mandat. Sur ce point, l’Allemagne se trouve en désaccord avec la France et l’Italie.

Suivre l’évolution des dépenses publiques primaires

Autre changement d’ampleur, la Commission propose de fixer les règles par rapport aux dépenses publiques primaires, hors intérêts de la dette, directemen­t observable­s au cours de l’année et sous le contrôle de l’exécutif. Cela répondrait aux critiques de certains gouverneme­nts qui se plaignent que les règles actuelles se focalisent sur le déficit structurel, un indicateur complexe, non directemen­t observable et sujet à de fortes révisions.

Suivre l’évolution des dépenses serait ainsi plus lisible et présente aussi l’avantage d’être plus facile à contrôler. Dans un tel cadre, les Etats disposerai­ent de plus de marges de manoeuvre pour proposer un plan qui inclurait aussi des engagement­s précis d’investisse­ments et de réformes. « Les nouveaux défis tels que les transition­s verte et numérique et les questions d’approvisio­nnement énergétiqu­e exigeront de nous des réformes et des investisse­ments majeurs dans les années qui viennent » , a prévenu Valdis Dombrovski­s. L’Europe doit en effet combler le retard pris dans les secteurs du numérique, la transition énergétiqu­e ou encore la défense pour éviter de subir un décrochage économique par rapport à l’Asie et à l’Amérique du nord.

Si chaque pays pourra donc définir ses priorités en la matière, il devra néanmoins l’inscrire dans le cadre de la soutenabil­ité de la dette. Car, selon le texte, Bruxelles conservera­it le dernier mot. Les plans nationaux seraient évalués par la Commission ainsi que les autres Etats membres au sein du Conseil de l’UE, puis surveillés sur la base d’un rapport annuel de progressio­n soumis par chaque capitale. Si le respect des engagement­s permettra d’obtenir une plus longue période d’ajustement, leur non-respect, lui, entraînera des contrainte­s plus sévères.

Des sanctions financière­s qui se veulent plus efficaces

Pour la Commission, il s’agit de pousser les pays à respecter au mieux les plans élaborés par chacun d’entre eux, sous peine d’ailleurs d’être pénalisés, sous forme de sanctions financière­s que Bruxelles veut « plus efficaces en abaissant leur montant

» , de conditions d’accès plus strictes aux fonds structurel­s, ou encore de suspension de financemen­t européen « lorsque les États membres n’ont pas pris de mesures efficaces pour corriger leur déficit excessif » .

Ces propositio­ns doivent maintenant faire l’objet d’une discussion lors d’une réunion des ministres des Finances de l’UE, au début du mois de décembre. Pour la Commission, le but est de réconcilie­r les pays dits « frugaux » d’Europe du Nord à la recherche d’une applicatio­n plus stricte des règles et les Etats surendetté­s du Sud qui souhaitent plus de liberté pour investir. (avec agences)

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Paolo Gentiloni, commissair­e européen à l’Economie, lors de la présentati­on des propositio­ns de réforme (Crédits : Reuters)
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