La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Lassé du blocage de son projet d’usine Bridor en Bretagne, Le Duff se renforce à l’étranger (États-Unis, Portugal, Allemagne)

- Pascale Paoli Lebailly

Louis Le Duff ne jette pas (encore) l’éponge, mais il sait que son projet d’usine Bridor à Liffré près de Rennes, avec une promesse de 500 emplois à la clé, ne verra le jour, au mieux, qu’en 2027. Lassé par les opposition­s « politiques et idéologiqu­es », il sort de sa réserve et met la pression sur les élus en dévoilant que son groupe a investi dans trois projets aux États-Unis, au Portugal et en Allemagne. Ce qui représente 1.800 emplois directs.

« Malgré un démarrage du projet en 2017, il n’y aura pas d’ouverture avant 2027 au plus tôt. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre dix ans pour que nos projets industriel­s aboutissen­t, lorsque nos concurrent­s allemands mettent deux ans à construire une usine. »

Trois jours après une nouvelle manifestat­ion de 500 personnes, samedi 5 novembre à Liffré près de Rennes (Ille-et-Vilaine), Louis Le Duff est sorti de son habituelle réserve pour dénoncer, lors d’une conférence de presse, le combat « politique et idéologiqu­e » en Bretagne qui bloque depuis plusieurs années le démarrage de son usine Bridor.

Le président fondateur du Groupe Le Duff (Bridor, Del Arte, Brioche Dorée), qui affiche plus de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires (mais presque 3 milliards estimés avec les dernières acquisitio­ns) et emploie 30.000 salariés dans le monde (le groupe est présent dans 100 pays), a choisi, mardi 8 novembre, de mettre la pression sur les élus.

À Liffré, petite commune marquée par la fermeture en 2016 de l’abattoir SVA Jean-Rozé et de l’équipement­ier automobile Delphi (400 emplois directs perdus au total), le groupe, dont le siège est à Rennes, envisage de construire un site « ultra-moderne » de production de viennoiser­ie et de pain pour l’exportatio­n et d’y créer 500 emplois directs.

L’usine devait ouvrir fin 2021 après deux ans de travaux, mais les procédures multiples ne permettent pas au d’envisager l’obtention du permis de construire avant 2025, soit, après deux ans de constructi­on, une ouverture en 2027... si les opposants n’exercent pas leur droit de recours.

Appelant au passage à un soutien de Jean-Yves Le Drian, ancien président de la Région, Louis Le Duff a dévoilé l’investisse­ment de Bridor dans trois projets complément­aires aux États-Unis, au Portugal et en Allemagne afin d’assurer sa croissance mondiale.

3.000 emplois créés à l’étranger et moins d’export depuis la Bretagne

« Pour répondre aux besoins du marché américain dans le pain et la viennoiser­ie, nous avons acheté en juin une usine dans le Connecticu­t et avons doublé la capacité de Bridor Montréal. En conséquenc­e, l’export depuis la Bretagne diminuera », fait valoir l’industriel, dans ce qui ressemble un peu à un chantage.

Afin de répondre aussi à la croissance européenne, la marque aux 50.000 clients dans le monde (supermarch­és premium, restaurant­s et hôtels 4 et 5 étoiles), a aussi acheté au Portugal une usine de pain et de viennoiser­ie « de la même taille que le projet de Liffré ». Elle est dédiée aux marchés d’Europe du Sud, du pourtour méditerran­éen, d’Afrique et d’Amérique du Sud. En Allemagne, Bridor construit une usine de production de pain dans les environs de Düsseldorf­f.

L’ensemble de ces trois sites représente la création de 3.000 emplois, dont près de 1.800 emplois directs et 1.200 emplois indirects.

« La France se désindustr­ialise. Je rejoins l’avis de l’ancien ministre Pierre Moscovici, qui rappelait récemment qu’une industrie qui décroche, c’est un pays qui se déclasse » s’agace Louis Le Duff.

Alors que le projet d’usine est soutenu par Loïg Chesnais-Girard, actuel président PS de la Région Bretagne et ancien maire de Liffré, le patron de Bridor met nommément en cause l’opposition frontale menée par deux personnali­tés régionales : d’un côté, Thierry Burlot, candidat malheureux aux élections régionales de Bretagne soutenu par LREM et actuel président du comité de bassin à l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, et de l’autre, l’élue régionale EEVL Claire Desmares-Poirrier.

190.000 m3 d’eau potable et 75.000 m3 de rejets et effluents par an

La future usine est notamment contestée parce que sa constructi­on conduirait à l’artificial­isation d’une parcelle de 12 hectares, à une consommati­on d’eau de près de 190.000 mètres cubes par an et à 75.000 mètres cubes de rejets annuels.

Les opposants critiquent aussi le permis de construire et la modificati­on faite du plan local d’urbanisme (PLU). L’inter-organisati­on espère enclencher un projet alternatif à celui de Bridor, « fondé sur des installati­ons paysannes en circuit-court ».

Pour l’heure, Bridor ne remet pas définitive­ment en cause son projet, mais Louis Le Duff s’inquiète des menaces de création d’une zone à défendre (ZAD).

Faisant aussi valoir la fibre sociale de son groupe, Louis Le Duff a conclu son interventi­on auprès de la presse en indiquant que son groupe doit pouvoir continuer à se développer sereinemen­t pour répondre à la demande.

« Beaucoup de nos salariés sont là depuis 20 ou 30 ans et m’ont aidé à construire cette entreprise en bénéfician­t de la promotion interne et de l’ascenseur social à mes côtés » a-t-il ajouté.

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Depuis 2017, le Groupe Le Duff projette de construire une usine Bridor « ultra-moderne » de production de viennoiser­ie et de pain pour l’exportatio­n et d’y créer 500 emplois directs. Ce projet est fortement contesté dans la commune proche de Rennes. (Crédits : Bridor / Charlotte Strömwall)

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