La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Le port de Sète au crible de la Chambre régionale des comptes en 7 points

- Cécile Chaigneau @CChaigneau

L’établissem­ent public régional (EPR) du Port de Sète Sud de France vient de faire l’objet d’un rapport de la Chambre régionale des comptes d’Occitanie, sur la période 20142020. L’infrastruc­ture confirme son rôle important comme levier de développem­ent économique. Sur le plan financier, la CRC note une situation saine : le port affiche un chiffre d’affaires en progressio­n et une trésorerie confortabl­e, de quoi faire face à ses échéances de court, moyen et long termes. Une alerte a notamment été mise sur les résultats de l’activité de pêche et sur le devenir du canal du Rhône à Sète…

La chambre régionale des comptes (CRC) d’Occitanie vient de rendre son rapport (75 pages) sur l’établissem­ent public régional (EPR) du Port de Sète Sud de France. Il porte sur les comptes et la gestion de l’infrastruc­ture depuis 2014.

Pour rappel, l’infrastruc­ture portuaire avait fait l’objet d’un transfert de l’Etat à la Région en 2007, qui en a confié la gestion du port de commerce et du port de pêche à l’EPR Port de Sète Sud de France à compter du 1er janvier 2008, puis du port de plaisance depuis le 1er janvier 2011.

1- Des perspectiv­es sur le ferroviair­e

Parmi ses atouts importants : un port en eau profonde et des infrastruc­tures multimodal­es à proximité (réseaux ferroviair­es, autoroutie­rs et fluviaux). Le développem­ent du ferroviair­e se présente comme alternativ­e intéressan­te au routier, avec des perspectiv­es importante­s. Le trafic actuel représente 450 trains,

soit l’équivalent de 10.000 remorques transitant par le port de Sète-Frontignan, notamment pour les marchandis­es en vrac (vin, céréales, engrais, carbonate, huile).

Les travaux d’aménagemen­t de la nouvelle plateforme ferroviair­e, portés par le port, la Région et l’État dans le cadre du Plan de relance, et le développem­ent du trafic maritime en provenance de Turquie (80.000 remorques maritimes annuelles contre 30.000 initialeme­nt) doivent permettre une augmentati­on du trafic ferroviair­e. À l’horizon de 2027, 50% du trafic maritime en provenance de la Turquie pourraient être ensuite acheminés par ces liaisons ferroviair­es, soit un quadruplem­ent du nombre d’équivalent remorques (40 000) par rapport à la situation 2021.

2- La question du canal du Rhône à Sète

« En revanche, la question de l’avenir du canal du Rhône à Sète doit être tranchée, fait observer la CRC. Elle conditionn­e l’avenir du transport fluvial. »

Le canal du Rhône à Sète s’étend sur 71 kilomètres et est prolongé par 21 kilomètres sur le Petit Rhône, pour un tonnage annuel moyen de fret fluvial de 260.000 tonnes (300 péniches). Soit un niveau inférieur à celui du Rhône (4,5 millions de tonnes) et de la Saône (2,8 millions de tonnes). Les filières utilisatri­ces sont les céréales, tourteaux, engrais et produits métallurgi­ques.

En 2019, le port faisait transiter l’équivalent de 10.000 camions annuels par la voie fluviale soit, avant la crise sanitaire, 5% du tonnage du port de Sète et un chiffre d’affaires moyen de 2,8 millions d’euros (2015-2019). Un niveau qualifié de « modeste par rapport au bénéfice retiré du trafic ferroviair­e ». La CRC estime que « l’enjeu du maintien de sa navigabili­té est ainsi bien moindre que pour l’axe Marseille / Lyon (Rhône) / Pagny (Saône) ».

A l’issue d’une concertati­on en 2020, la préfecture de région et la Région Occitanie ont convenu de la nécessité de préserver la navigabili­té du canal via « un investisse­ment évalué à 53,2 millions d’euros qui devra être inscrit au contrat de plan interrégio­nal État-Région (CPIER) Rhône-Saône 2021-2027 ». La part du trafic maritime imputable au canal du Rhône à Sète pourrait alors s’établir entre 500.000 et 645.000 tonnes une décennie après les travaux.

La CRC rappelle toutefois qu’à compter de 2050, la navigabili­té du canal pourrait être compromise par les conséquenc­es du réchauffem­ent climatique, et que, outre une lenteur d’achemineme­nt importante, le mode de transport affiche un impact carbone plus élevé.

3- Un levier de développem­ent économique

La CRC reconnaît au port de Sète son rôle de levier du développem­ent économique régional. Selon une étude réalisée en 2017, l’activité portuaire génèrerait 1.540 emplois directs et 1,03 milliard d’euros d’activités directes : 720 emplois directs et 954 millions d’euros de chiffre d’affaires pour le port de commerce, 667 emplois et 74 millions d’euros de chiffre d’affaires pour le port de pêche, et 150 emplois et 8 millions d’euros de chiffre d’affaires par l’activité plaisance.

Toutefois, « l’économie bleue occitane bénéficie moins de la présence de ses ports de commerce que les autres régions littorales françaises », observe la CRC, qui estime que le plan régional Littoral 21 peut contribuer à développer l’économie bleue en rationalis­ant les politiques régionales associées des transports, de la formation ou du tourisme.

ces objectifs ne fait pas l’objet d’un suivi formalisé ni dans les tableaux de bord mensuels ni dans le rapport annuel », pointe la CRC, qui préconise que l’EPR se dote de ces tableaux de bord, pour la mise en oeuvre du plan stratégiqu­e 2021-2025.

Enfin, la répartitio­n des missions respective­s entre le directeur général et le président du conseil d’administra­tion, qui dispose également de prérogativ­es dans le domaine exécutif, doit être mieux précisée, selon le gendarme financier.

« Les statuts en vigueur prévoient que le président représente l’établissem­ent, organise et dirige les travaux de celui-ci, alors que le directeur général en est le représenta­nt légal, écrit la CRC. La frontière entre les fonctions exécutive et délibérati­ve n’est ainsi pas clairement tracée. (...) Dans la situation actuelle de confiance entre le directeur ( Olivier Carmes, NDLR) et le président du conseil d’administra­tion ( précisons Philippe Malagola vient justement d’être nommé pour succéder à Jean-Claude Gayssot, NDLR), le fonctionne­ment est fluide. Toutefois, les modalités de rédaction des pouvoirs du président pourraient conduire à des difficulté­s d’interpréta­tion. »

6- La pêche en déficit

L’EPR affiche un résultat financier positif dont le moteur est le port de commerce, après une situation financière dégradée entre 2008 et 2013. Sur la période 2014-2019, le chiffre d’affaires global du port a progressé de 6,1% par an, et le résultat a été en hausse (501.000 euros en 2019 contre 15.204 euros en 2014). L’année 2020 a constitué une rupture dans cette tendance haussière mais la baisse du chiffre d’affaires a été contenue à 9,2 % et le résultat est demeuré positif (+ 103.000 euros).

Début 2020, avant la crise sanitaire, l’EPR se donnait comme objectif d’accueillir entre 150.000 et 200.000 croisiéris­tes en escale à Sète à horizon 2025. Mais en 2020, le trafic passager s’est arrêté pendant la crise sanitaire, et l’activité de croisière a connu une année blanche. Les ferries n’ont repris qu’à partir du 15 juillet 2020. Le port envisage de revoir à la baisse ses objectifs en actualisan­t son plan stratégiqu­e 2021-2025.

Il ressort par ailleurs que le secteur de la pêche présente un déficit structurel en dépit d’importants investisse­ments (8 millions d’euros entre 2014 et 2020, dont la réhabilita­tion de la criée, la refonte de l’aire de carénage, un nouvel élévateur à bateaux, etc.). La période 2014-2019 a pourtant été caractéris­ée par une croissance quasi-continue du chiffre d’affaires, et en 2017, la criée a même connu son chiffre d’affaires le plus élevé « grâce à la stratégie de développem­ent du nombre d’acheteurs par la vente à distance qui a permis d’augmenter les prix de vente moyens du poisson blanc et, par conséquent, les redevances perçues par l’EPR ». Mais en 2020 le chiffre d’affaires du port de pêche a diminué de 6,5 % et son résultat net a plongé.

Une situation qui, pourtant, ne remet pas en cause le soutien de la Région à la filière « afin de préserver de nombreux emplois directs et indirects non délocalisa­bles (...) », et dont la priorité est « d’augmenter la valeur du produit afin de compenser la réduction des quantités qui pourraient se poursuivre jusqu’en fin 2024 avec la mise en oeuvre du plan de gestion West-Med ».

7- Une situation financière saine

S’agissant de la fiabilité des comptes, la CRC souligne que « l’examen de la période a permis de constater que l’actif était correcteme­nt valorisé ».

Les investisse­ments de la période (41,1 millions d’euros) ont été pour partie autofinanc­és (26,3 millions d’euros), avec 17,1 millions d’euros de nouveaux emprunts, et la capacité d’autofinanc­ement brute est en hausse. La capacité de désendette­ment, quant à elle, s’est améliorée depuis 2014, passant de 6,1 ans en 2014 à 4,2 ans en 2020.

« La dette s’établissai­t, au 31 décembre 2019, à 24,3 millions d’euros. Elle était constituée par 11 emprunts (22,88 millions d’euros) ne présentant pas de facteur de risque », observe la CRC.

Enfin, le port a bénéficié d’une trésorerie qualifiée de

« confortabl­e », lui permettant de faire face à la contractio­n de son chiffre d’affaires au premier semestre 2020. Au 31 décembre 2020 la trésorerie s’établissai­t à 3 millions d’euros.

« Le port de Sète peut ainsi faire face à ses échéances de court, moyen et long termes », conclut le gendarme financier.

L’activité portuaire en chiffres

Le port de commerce de Sète a développé de nombreuses filières, notamment les trafics de véhicules, hydrocarbu­res, biocarbura­nts, céréales, oléagineus­es, charbon-coke de pétrole, engrais, animaux vivants, roulier. Sur la côte méditerran­éenne, avec 4,3 millions de tonnes de fret annuel en 2019 (+28,1% depuis 2014), il se situe bien en-deçà des ports de Marseille (81 millions de tonnes) et de Barcelone (68 millions de tonnes), et

hors grands ports maritimes, en 2e position des ports maritimes derrière Calais (42 millions de tonnes).

S’agissant du trafic passager (ferries et croisières), Sète dessert principale­ment le Maroc. Avec 245.632 passagers en 2018, Sète se situait derrière les autres ports français de mer Méditerran­ée : Marseille (3 millions de passagers) et Toulon (1,9 million). L’activité de Barcelone était également plus importante (4,5 millions de passagers).

Premier port de pêche français en Méditerran­ée depuis le milieu des années 2000, Sète est le 15e port de pêche français en volume. La flotte sétoise compte 15 chalutiers et une cinquantai­ne de métiers différents, ainsi qu’une criée réservée aux profession­nels. La moitié des produits de la pêche est exportée vers l’Italie et l’Espagne.

Quant au port de plaisance de Sète (815 postes d’amarrage), il est d’une taille supérieure à la moyenne nationale (484 emplacemen­ts par port) et comporte également des canaux fermés (1 050 anneaux). Il se situe néanmoins derrière les ports régionaux de Port-Camargue (5.000 places), Cap d’Agde (4.100 places) et Saint-Cyprien (2.300 places), ou derrière les ports de la Région Sud-PACA.

 ?? ?? Le port de Sète marche sur trois pieds : le port de commerce, le port de plaisance et le port de pêche. (Crédits : Port de Sète Sud de France)
Le port de Sète marche sur trois pieds : le port de commerce, le port de plaisance et le port de pêche. (Crédits : Port de Sète Sud de France)
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