La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Midterms : des élections de mimandat à haut risque pour les Démocrates

- Thérèse Rebière et Isabelle Lebon

OPINION. Entre plein-emploi et retour de l’inflation, redécoupag­e électoral et lois contre l’avortement, les élections de mi-mandat arrivent dans un contexte compliqué qui rend les résultats moins prévisible­s. Par Thérèse Rebière, Conservato­ire national des arts et métiers (CNAM) et Isabelle Lebon, Université de Caen Normandie

À l’occasion des élections américaine­s de mi-mandat du 8 novembre 2022, une partie importante du Congrès américain va être renouvelée : la totalité des 435 sièges de la Chambre des Représenta­nts (actuelleme­nt à majorité démocrate), ainsi que 35 des 100 sièges du Sénat (actuelleme­nt répartis à 50-50 entre Républicai­ns et Démocrates et départagés par la voix de la vice-présidente Kamala Harris).

Dès le début du mandat de Joe Biden, les projection­s étaient plutôt pessimiste­s quant à la capacité du Parti de l’Âne à maintenir une majorité au Congrès après les élections de mi-mandat. Ces sombres pronostics ont incité les Démocrates à appliquer tambour battant le programme électoral de Joe Biden afin de profiter au maximum de leur étroite marge de manoeuvre au cours des deux premières années du mandat présidenti­el.

Un bilan conséquent à mi-mandat, mais...

Bon an mal an, les Démocrates ont réussi à mettre en oeuvre une grande partie du programme sur lequel Joe Biden avait été élu : plan de sauvetage de l’économie pour répondre à la crise, plan de rénovation des infrastruc­tures vieillissa­ntes du pays et politiques de reconstruc­tion sociale.

Si les réformes engagées sont globalemen­t saluées par le camp démocrate, toutes ne font pas consensus dans la classe politique, ni parmi les électeurs. Les tensions inflationn­istes constatées dès la reprise de l’activité économique à la mi-2021

sont rapidement devenues la première préoccupat­ion de la population et ont été imputées à l’administra­tion démocrate.

Sur le plan intérieur, ces tensions ont conduit l’indépendan­te Réserve fédérale à appliquer en 2022 une politique de contractio­n monétaire qui pourrait nuire à la croissance et au plein-emploi retrouvé.

Sur le plan extérieur, le retrait chaotique des troupes d’Afghanista­n, pourtant souhaité par les Américains, a durablemen­t écorné l’image de chef de guerre de Joe Biden, ouvrant ainsi une brèche favorable au camp républicai­n, alors que le soutien à l’Ukraine, validé par les trois quarts de la population, semble avoir a contrario peu de poids sur les choix des électeurs.

Un plan de sauvetage de l’économie contesté

À son arrivée à la Maison Blanche, Joe Biden met en oeuvre un vaste plan de soutien à destinatio­n des familles et entreprise­s, l’ARPA ( American Rescue Plan), pour répondre aux difficulté­s socio-économique­s engendrées par la pandémie.

Entre autres mesures, ce plan d’un montant global de

1 900 milliards de dollars poursuit la politique d’aides directes au pouvoir d’achat à travers l’octroi de chèques aux ménages américains. L’adoption par le Sénat de ce plan de sauvetage en juin 2021 repose sur les seules voix démocrates. Il sera finalement entériné au mois de novembre, alors même que le camp républicai­n accuse le plan d’être trop ambitieux et de grever le budget fédéral tout en favorisant les tensions inflationn­istes.

De fait, l’ensemble des plans de sauvetage, incluant ceux décidés sous la mandature de Donald Trump, aura budgété environ

5 000 milliards de dollars de dépenses, soit nettement plus de 20 % du PIB de 2019, et la reprise de l’activité économique s’accompagne d’un taux d’inflation élevé (5,4 % sur un an en juin 2021, 6,2 % en octobre) dont les causes multiples sont difficiles à démêler.

Il est dès lors aisé pour les Républicai­ns d’accuser le plan de relance de Joe Biden d’être la cause majeure de cette hausse des prix, arguant d’une part que l’augmentati­on du pouvoir d’achat des ménages se traduit directemen­t par une hausse des prix de vente et, d’autre part, que les aides supplément­aires permettent aux Américains d’être attentiste­s face au retour à l’emploi, phénomène qui génère aussi bien des pénuries de main-d’oeuvre que des démissions (big-quit), poussant ainsi les salaires à des hausses qui sont ensuite répercutée­s sur les prix.

Des rénovation­s d’infrastruc­tures qui font consensus, au contraire de « Build Back Better »

Le plan de rénovation des infrastruc­tures a fait davantage consensus, car il s’agissait d’un chantier souhaité également par les Républicai­ns. Joe Biden a ainsi cherché un compromis avec une partie des Républicai­ns pour faire voter par le Congrès, à l’été 2021, le Bipartisan infrastruc­ture investment and jobs Act qui prévoit un montant d’environ 550 milliards de dollars pour la réhabilita­tion de différents types d’infrastruc­tures : transports en commun, réseau ferroviair­e, réseau routier, ponts, système de distributi­on d’eau, réseau Internet, etc.

En revanche, l’ambitieux programme social et environnem­ental de Joe Biden, « Build Back Better », est à la peine. En septembre 2021, la Chambre des Représenta­nts vote un plan de 1750 milliards de dollars pour sa mise en oeuvre.

Mais les sénateurs démocrates Joe Manchin et Kyrsten Sinema déclarent qu’ils s’opposeront au texte si d’aventure il arrivait en l’état au Sénat. Chaque voix démocrate étant nécessaire à l’obtention d’un vote favorable au Sénat, le projet est alors mis en attente avant d’être modifié à la faveur de négociatio­ns entre le leader des Démocrates au Sénat Chuck Schumer et de Joe Machin.

Un an plus tard, le texte sera finalement adressé au Sénat avant d’y être acté en août 2022. Entre temps, le programme aura changé de nom pour devenir le Inflation Reduction Act.

« Réduire l’inflation », vraiment ?

Les Démocrates et Joe Biden le premier ont beau le marteler, le Inflation Reduction Act n’a pas grand-chose à voir avec un programme désinflati­onniste sur le court terme.

Ce plan prévoit des dépenses d’un montant de 430 milliards de dollars sur dix ans, centrées sur le verdisseme­nt de l’économie américaine, pour atteindre une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 en subvention­nant notamment l’industrie décarbonée. Le reste des fonds sera consacré à l’améliorati­on du pouvoir d’achat des ménages américains à travers la réduction des frais de santé, notamment pour les plus modestes.

Plus qu’un plan visant à lutter contre l’inflation actuelle, il s’agit de réduire les dépenses sur le plus long terme en ayant recours à des énergies vertes maîtrisées devenues moins coûteuses que les énergies fossiles. Si l’effet de long terme pourrait très modestemen­t réduire l’inflation, les pressions inflation

nistes à court terme pourraient même s’accroître du fait de l’introducti­on d’un taux d’imposition minimal de 15 % sur les bénéfices des entreprise­s, que celles-ci pourraient répercuter sur les prix. Au demeurant, Joe Biden reconnaît lui-même que la lutte contre l’inflation est du ressort de la Réserve fédérale, pas du gouverneme­nt.

L’annulation partielle de la dette étudiante

À la rentrée 2022, les Démocrates mettent en applicatio­n une dernière grande promesse électorale du candidat Biden : l’allègement de la dette étudiante, qui ne cesse de grossir ces dernières années du fait du coût toujours plus élevé de l’éducation supérieure.

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(Crédits : CARLO ALLEGRI)

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