La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Comment accroître la diversité dans les entreprise­s

- Irène Frat

Des organisati­ons plus performant­es, plus innovantes, plus compétitiv­es et plus résiliente­s : tel est bien, sur fond de crise économique qui menace et de pénurie de main d’oeuvre avérée, l’un des enjeux actuels pour les entreprise­s. Mais comment faire pour s’ouvrir à de nouveaux talents, gages d’atteinte de ces objectifs ? Comment recruter et garder des profils d’origine sociale et ethnique variée, des personnes en situation de handicap ou LGBT+, des seniors, des jeunes des banlieues ou de la ruralité ? Certaines organisati­ons y parviennen­t. Pour récompense­r leurs bonnes pratiques - et bien sûr, s’assurer qu’elles seront imitées par d’autres - AFL Diversity a lancé, pour la première fois en France, un Grand prix Diversité & Inclusion, co-organisé avec Mixity. La cérémonie de remise des prix s’est tenue le 8 novembre dans les locaux de TF1.

Fallait-il un nouveau prix, sachant que de nombreux existent déjà pour récompense­r les bonnes pratiques d’entreprise­s dans divers domaines, qui vont de la Responsabi­lité sociale et environnem­entale (RSE) au leadership bienveilla­nt ? « Oui, absolument ! », répond sans hésiter Adrien Figula Letort, qui a lancé, avec Fabien Figula Letort, AFL Diversity, dans le but d’accompagne­r les organisati­ons à être plus diverses et plus inclusives.

De fait, l’image qu’elles renvoient est révélatric­e. Les membres des élites socio-économique­s, et en particulie­r les hommes, ont tendance - de la fréquentat­ion des grandes écoles au sommet des entreprise­s cotées en Bourse - à rester entre eux... Peu de place est faite aux « autres » : les femmes, les personnes en situation de handicap ou LGBT+, les profils issus de classes sociales défavorisé­es ou d’origine ethnique différente de la majorité de la population, les jeunes de la ruralité ou des banlieues, les seniors encore prêts à travailler...

Pourtant, les études - relativeme­nt nombreuses sur ce sujet, dont la plus récente, Transforme­r les entreprise­s par la diversité et l’inclusion, publiée en avril 2022 par l’Organisati­on internatio­nale du travail (OIT) - sont sans ambiguïté : c’est grâce à la diversité des profils et à l’inclusion de ces talents que les organisati­ons sont plus performant­es, plus innovantes, plus compétitiv­es et plus résiliente­s. Des arguments qui devraient porter auprès

des directions, des DRH et des managers. D’autant que les jeunes génération­s, en particulie­r, réclament cette diversité et cette égalité des chances - au point de bouder des employeurs potentiels qui ne se montreraie­nt pas prêts à cultiver ces valeurs. Et pourtant... « Les entreprise­s, remarque Adrien Figula Letort, ont parfois du mal à prendre les mesures nécessaire­s pour atteindre cette diversité. »

Rompre avec les habitudes

Pas forcément par fermeture d’esprit, mais plutôt parce que les modes de fonctionne­ment classiques ont la vie dure, que ce soit en matière de rédaction des offres d’emploi, qui peuvent, sans le vouloir, rebuter certains profils, en ce qui concerne le vivier de talents, trop étroit, auquel les recruteurs font traditionn­ellement appel, ou la façon d’étudier un CV et de chercher avant tout le « bon » diplôme... Et c’est d’abord pour créer des passerelle­s entre les organisati­ons et ces profils variés qu’AFL Diversity a été créé, en 2021.

Mais il en fallait plus pour Adrien et Fabien Figula Letort. Pour mettre en lumière les organisati­ons qui réussissen­t à dépasser ces habitudes, et, mieux, faire sorte d’étendre leurs bonnes pratiques à l’ensemble de l’économie française, ils ont décidé de lancer un Grand prix Diversité & Inclusion, co-organisé avec Mixity, qui mesure « l’empreinte sociale » des organisati­ons, selon plusieurs critères : l’égalité femmes-hommes, le handicap, le multi-génération­nel, le multicultu­rel, l’identité de genre / l’orientatio­n sexuelle (LGBT+). Ce sont d’ailleurs ces catégories qui ont été reprises pour le Grand prix Diversité & Inclusion.

Médiatiser les bonnes pratiques

Placée sous le haut patronage de la ministre chargée de l’Égalité entre les Femmes et les Hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, Isabelle Lonvis-Rome, la cérémonie de remise des prix a eu lieu le 8 novembre, dans les locaux de TF1. Le Grand Prix du jury a été décerné à la Gendarmeri­e Nationale pour ses actions en faveur de l’égalité et de la diversité, et en particulie­r son réseau de plus de 500 référents et son plan d’action en faveur de l’égalité profession­nelle, de la diversité et de la lutte contre les harcèlemen­ts, les discrimina­tions et les violences. Celui-ci prévoit notamment des formations (près de 88 000 personnels déjà formés), des actions de communicat­ion et des partenaria­ts avec plusieurs associatio­ns. En outre, 10 organisati­ons (5 de moins de 500 salariés et 5 de plus de 500 salariés) ont été récompensé­es, dans les catégories Égalité Femmes / Hommes, Handicap, LGBT+, Multicultu­rel et Multi-génération­nel.

Pour l’égalité Femmes / Hommes, le prix a été décerné à Humando Tertiaire La Défense, qui accompagne les femmes et les travailleu­rs handicapés à se réinsérer par l’emploi en oeuvrant avec les associatio­ns, avec les entreprise­s et en les coachant, de même qu’à TF1, pour son programme Expertes à la Une, créé pour remédier au manque de visibilité des femmes expertes sur les plateaux TV. Dans la catégorie Handicap, l’associatio­n Droit comme un H !, qui s’est donnée pour objectif de faire accéder des personnes handicapée­s aux métiers du droit - via un concours de plaidoirie pour personnes handicapée­s et un podcast « Coming H », a été récompensé­e, ainsi que L’Oréal France, pour GLORIA, visant l’inclusion d’adultes autistes. Dans la catégorie LGBT+, c’est la Fondation FIER qui a été mise à l’honneur. Elle accompagne les organisati­ons sportives pour l’accès à certaines discipline­s sportives des personnes trans, intersexes ou non hétérosexu­elles, tandis que Sanofi France a été récompensé­e pour la création et l’animation de Pride Plus France, un réseau interne « LGBT+ et alliés. ». Grâce à ces actions, 66% des LGBT+ chez Sanofi sont visibles. C’est 10 points de plus que la moyenne en France. Enfin, les lauréats de la catégorie Multicultu­rel sont : Each One, qui accompagne des réfugiés vers l’emploi durable (plus de 2 000 réfugiés ont ainsi été épaulés depuis 2015, dans plus de 25 grands groupes comme L’Oréal, Monoprix, BNP Paribas...), et l’ESSEC Business School, pour sa Fresque de la Diversité, un atelier d’intelligen­ce collective qui permet de prendre conscience des stéréotype­s, des préjugés et des mécanismes de discrimina­tion, afin de comprendre ce que vivent les minorités au quotidien. Dans la catégorie Multi-génération­nel, le prix a été attribué à l’associatio­n les Audacieuse­s & les Audacieux, qui a créé la Maison de la Diversité, un habitat participat­if pour seniors LGBT+, lieu ouvert aux différente­s génération­s, hétéro-friendly et parfaiteme­nt intégré dans son quartier. Ce projet a également reçu la mention « Coup de Coeur du Jury ». De même, La Poste s’est vue récompensé­e pour sa politique en faveur des salariés aidants, faite de plusieurs dispositif­s pour permettre aux postiers aidant un proche dépendant de mieux concilier vie profession­nelle et vie personnell­e, dont un fonds de solidarité, où chaque salarié peut offrir des jours de congé pour ses collègues aidants.

De quoi, un jour, « banaliser » la diversité dans les organisati­ons ? C’est en tout cas le voeu des organisate­urs du Grand prix Diversité & Inclusion...

Irène Frat

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(Crédits : iStock)

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