La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

A Marseille, le groupe SaintGobai­n promeut “le béton en terre”

- Rémi Baldy

Pour répondre à un besoin de l’établissem­ent public d’aménagemen­t Euromédite­rranée, désireux de réduire les émissions de carbone de la constructi­on, le groupe de BTP propose d’injecter de la terre d’excavation au sein de structures porteuses en bois. Un procédé ancestral qu’il industrial­ise et espère développer.

” Vous allez me dire que le colombage existe depuis longtemps, mais ce que nous avons fait c’est d’industrial­iser le process”. Cette évolution qu’avance Michel Daniel, le directeur aménagemen­t et ville durable de Saint-Gobain, pourrait bien changer la constructi­on dans les prochaines années. C’est en tout cas le souhait du groupe qui propose des murs à ossatures en bois remplies avec du “béton de terre”. De la terre d’excavation plus exactement, c’est-à-dire issu des chantiers. “En les recyclant cela nous permet d’avoir une forte action en économie circulaire”, note Michel Daniel. Cette matière représente aujourd’hui un déchet pour la filière BTP, en Provence-Alpes-Côte d’Azur cela représente “2,2 millions de tonnes de cette terre qui ne trouve pas de réemploi” indique Michel Daniel.

En plein coeur d’Euromédite­rranée, une des opérations de rénovation urbaine les plus grandes d’Europe qui s’étend sur 480 hectares conduit par un établissem­ent public d’aménagemen­t éponyme, Saint-Gobain démontre son savoir-faire sur ce béton de terre. “Euromed est préfigurat­eur de ce que l’on veut faire, c’est une relation entre un industriel, un établissem­ent public d’aménagemen­t et des entreprise­s locales”, décrit Michel Daniel.

Surtout, la structure phocéenne est à l’origine du process de recherche et développem­ent de Saint-Gobain sur ce sujet. “La première demande il y a près de quatre ans a été de mettre en place une filière de constructi­on circulaire, donc nous avons très vite été sur les terres excavées”, raconte le directeur aménagemen­t et ville durable. Les nouvelles normes de constructi­on réclament en effet une baisse des émissions de CO2 et des matériaux biosourcés. “Pour améliorer notre impact sur

les émissions de dioxyde de carbone, nous devons faire des efforts dans la constructi­on. Et travailler avec les promoteurs ne suffit plus”, appuie Paul Colombani, le directeur général adjoint d’Euromédite­rranée.

Un vieux process désormais aux normes actuelles

Au-delà de l’intérêt circulaire de ce “béton de terre” et de la décarbonat­ion qu’il apporte, cette technique de constructi­on permet de compenser la raréfactio­n du sable. Dans son usage, la terre n’est pas brute. Elle se mélange avec du granulat recyclé avec un liant à base de laitier (un déchet issu des hauts-fourneaux) et éventuelle­ment un végétal ainsi que de l’eau. De quoi offrir, une fois coulée ou projeté dans les cadres préfabriqu­és, grâce un isolant extérieur un meilleur confort en été, en hiver, une meilleure hygrométri­e et une meilleure isolation phonique. Pour la main d’oeuvre sur le chantier, le geste à effectuer ne change pas non plus.

” C’est une innovation qui a plus de 1.000 ans”, expose Nicolas Godet, directeur général de Point P, filiale de Saint-Gobain, en rappelant l’importance d’industrial­iser le process. Si cette technique n’était pas employée jusqu’à présent, c’est parce que “le colombage historique n’était pas duplicable aujourd’hui à travers les normes”, explique Michel Daniel. Le travail de SaintGobai­n a donc été de la rendre éligible à la réglementa­tion environnem­entale 2020 (RE2020). “Nous travaillon­s sur la RE 2028”, prévient-il. Côté coût, pas de frais supplément­aire puisque “le chantier est deux fois plus rapide ce qui équilibre”. Pour Nicolas

Godet, cet élément est essentiel car “une innovation qui ne se commercial­ise pas ne fonctionne pas” résume-t-il.

D’Euromed au plan école

Pour Saint-Gobain, venir à Marseille est l’occasion de sortir du seul périmètre d’Euromedite­rranée. Dans cette zone de rénovation urbaine un seul projet avec du “béton de terre” est d’ailleurs prévu, il s’agit d’un centre de formation de 7.000 mètres carré prévu pour l’horizon 2024-2025. “Nos cadres conviennen­t aussi pour la rénovation ou la surélévati­on de bâtiment”, glisse Michel Daniel. Le directeur aménagemen­t et ville durable ne s’en cache pas. “On peut très bien imaginer ce cadre dans les vieux quartiers de Marseille à rénover comme à Noailles où avec la préfabrica­tion et la numérisati­on il est beaucoup plus envisageab­le de déconstrui­re de vieux immeubles, utilisés leurs granulats pour refaire du béton terre et les reconstrui­re”, développe-t-il. A Lyon, un bâtiment de neuf étages va ainsi s’allonger de deux niveaux supplément­aires avec ce procédé. Pour Marseille, “cela pourrait répondre au plan école” ajoute Michel Daniel.

Pour séduire les aménageurs, Saint-Gobain souligne qu’en plus de construire il développe une filière à travers la formation, son positionne­ment sur les usines éphémères locales mais aussi via une logistique propre via des camions fonctionna­nt à l’énergie renouvelab­le comme l’illustre Nicolas Godet. Le groupe compte développer le béton de terre pour d’autres produits comme des carreaux, des parpaings ou encore des chapes.

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(Crédits : CHARLES PLATIAU)

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