La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Bertrand Piccard en direct de la COP27 : « Quand les opportunit­és se trouvent aux endroits les moins attendus »

- Bertrand Piccard

LES TOPS ET LES FLOPS DE LA COP 27. Bertrand Piccard, président de la Fondation Solar Impulse, psychiatre et explorateu­r, auteur du premier tour du monde en ballon (1999) puis en avion solaire (2015-2016), tiendra durant cette quinzaine, du 6 au 18 novembre, en direct de la COP27 à Charm el-Cheikh en Égypte, une chronique quotidienn­e des succès et des déceptions de ce rendez-vous crucial pour l’avenir de notre planète.

Chaque jour de la COP a un thème attribué. Il n’est pas surprenant que le thème de la finance soit le premier après le sommet des dirigeants mondiaux, même s’il a déjà dominé le discours des deux premiers jours. Nous parlons souvent du changement climatique en termes de coûts - tant financiers qu’humains. Ceci étant, je suis fondamenta­lement persuadé que l’opportunit­é commercial­e derrière la transition écologique est ce qui peut nous unir dans nos ambitions.

Partons du principe qu’il y a trois phases dans le changement climatique : atténuer l’impact (c’est là que se trouve la véritable opportunit­é), s’adapter ou payer pour avoir attendu trop longtemps avant d’agir.

L’intérêt du monde financier

Le fait que le sujet des « pertes et dommages » ait été au centre de l’agenda de la COP cette fois-ci est parlant. Cela signifie que nous sommes officielle­ment entrés dans la troisième phase - le moment sans doute le plus inquiétant et le moins intéressan­t financière­ment parlant.

Alors, comment le monde financier va-t-il y trouver son intérêt ? Je lui recommande­rais de se concentrer beaucoup plus sur les économies émergentes afin de diversifie­r son portefeuil­le et capter les marchés en croissance. Prenons l’exemple de la production d’énergie renouvelab­le : dans les marchés émergents, c’est un gaspillage d’argent que de le dépenser en combustibl­es fossiles importés. Ils devraient créer une capacité nationale, décentrali­ser la production énergétiqu­e qui les rendrait plus résilients et leur permettrai­t d’être autonomes. Finalement, l’une des meilleures stratégies pour les pays les plus défavorisé­s de continuer leur développem­ent est la planificat­ion écologique.

C’est là que le monde financier sous-estime son pouvoir pour changer les choses. Considérez ceci : il est compliqué de réduire l’empreinte environnem­entale d’un bâtiment déjà construit. Mais sur le continent africain, 70 % du parc immobilier qui existera en 2040 n’a pas encore été construit. C’est un chiffre extraordin­aire, qui m’a marqué lorsque je l’ai lu sur un mur du Pavillon des bâtiments ici à Sharm el-Sheikh. Si nous nous y prenons correcteme­nt, nous pouvons construire des infrastruc­tures durables, éviter de bloquer les émissions pour l’avenir ainsi que les rénovation­s compliquée­s et débloquer des investisse­ments intéressan­ts. Potentiell­ement, cela pourrait être beaucoup moins laborieux que dans les économies avancées. Ceci est vrai non seulement pour le secteur du bâtiment, mais également dans celui de la gestion des déchets ou de l’énergie. Je discutais ce matin à la COP avec Thierry Lepercq, président de Hydeal, qui m’expliquait notamment le cas unique de la Mauritanie qui a décidé de se concentrer notamment sur l’hydrogène vert au niveau énergétiqu­e et veut devenir une terre d’accueil pour des investisse­ments et des technologi­ques verts et continuer son développem­ent, de manière durable.

Un réel impact pour les marchés émergents

Les milieux financiers peuvent être les premiers ambassadeu­rs de la transition écologique, et probableme­nt certains de ses premiers bénéficiai­res. Mais ils n’avancent pas assez vite, et c’est regrettabl­e non seulement pour leurs propres résultats, mais également pour les marchés émergents dans lesquels ils pourraient avoir un réel impact. Saisir cette occasion permettrai­t peut-être de redorer le secteur face aux critiques des activistes, souvent justifiées.

Peut-être que cette Conférence des Parties marquera un tournant - après tout, c’est juste avant l’aube que la nuit est la plus sombre - et que la communauté financière reconnaîtr­a enfin où se trouvent certaines des opportunit­és les plus intéressan­tes. Mais il faudra qu’un jour nous le prenions enfin, ce tournant.

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Bertrand Piccard à la COP27 à Charm el-Cheikh en Égypte. (Crédits : DR)

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