La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Cryptos : les premiers éléments qui expliquent la faillite de FTX

- Maxime Heuze

La deuxième plateforme d’échange de cryptomonn­aies au monde est passée du jour au lendemain du statut de multinatio­nale toute puissante à celui d’entreprise en faillite. A l’origine de cette descente aux enfers, des soupçons de fraude et d’utilisatio­n de l’argent des clients pour spéculer sur sa cryptomonn­aie maison, le FTT.

Tout est parti d’une révélation choc du média spécialisé dans les cryptos CoinDesk le 2 novembre dernier. L’article pointe le risque d’insolvabil­ité de la société de trading Alameda Research, fondée par Sam Bankman-Fried (SBF) avant la création de la plateforme FTX, en cas de chute du FTT, le jeton numérique émis par la plateforme d’échange FTX.

Selon un document interne de juin 2022 révélé par CoinDesk, Alameda Research détenait 14,6 milliards de dollars d’actifs sous différente­s formes, dont 10,4 milliards de dollars en cryptos, notamment des FTT et en SOL, le jeton de l’écosystème Solana dans lequel FTX a considérab­lement investi. Un curieux mélange des genres donc entre les deux sociétés soeurs, avec en filigrane, un soupçon de soutien artificiel du cours du FTT.

Le FTT, une mine sur lequel FTX a posé le pied

C’est en tout cas la crainte manifestée par Chengpang Zhao, le PDG de Binance, une plateforme concurrent­e de FTX. Ce dernier a alors annoncé dans un tweet, le 6 novembre, vouloir vendre tous les FTT détenus par sa société, soit l’équivalent de 530 millions d’euros en valeur de marché. Une annonce choc qui a provoqué une véritable panique vendeuse (un run dans le jargon financier) sur le FTT et un effondreme­nt de plus de 80% de sa valeur en quelques jours à 4 dollars (1,63 dollar aujourd’hui contre un plus haut de l’année de 47 dollars).

Dès lors, les événements se sont enchaînés très vite. Le 8 novembre, Binance annonce, contre attente, qu’elle envisage de racheter FTX. 48 heures plus tard, Binance revient sur sa décision et FTX annonce, dans la foulée son placement sous la protection de la loi sur les faillites, le 11 novembre.

● Lire aussi : Faillite FTX : la crainte de la contagion dans le monde des cryptos

En cause : un énorme trou dans la comptabili­té de FTX ! L’agence

de presse Reuters et le Wall Street Journal, citant deux sources de direction chez FTX, font état d’un transfert de quelque 10 milliards de dollars de FTX vers Alameda Research, à l’initiative de SBF. Une partie de cet argent, estimée entre 1 et 2 milliards, aurait même disparu des comptes de la société de trading depuis.

Comment l’emblématiq­ue patron de FTX aurait-il opéré

? Selon les équipes juridiques de FTX, une porte dérobée dans le système de comptabili­té lui aurait permis de réaliser ces transferts en toute discrétion et même de modifier les documents comptables de la société. L’entreprene­ur de 30 ans a catégoriqu­ement nié ces faits.

FTX aurait gonflé sa valorisati­on en utilisant l’argent de ses clients

« Dans l’hypothèse où FTX aurait pris de l’argent déposé par ses clients pour les prêter à Alameda Research pour acheter des FTT, il s’agirait alors d’un cas de fraude », analyse Nathalie Janson, économiste spécialist­e des régulation­s bancaires et monétaires.

De fait, FTX avait tout intérêt à racheter ses propres jetons numériques. « Faire monter le cours de cryptos détenus en grande quantité permet artificiel­lement à une entreprise de présenter un bilan financier plus important et donc de lever ou emprunter plus d’argent », explique Stanislas Barthelemi, consultant crypto chez KPGM. Comme si une banque pouvait prélever l’argent de ses clients pour racheter ses propres actions !

La fraude est d’ailleurs une petite musique qui monte de plus en plus dans l’univers des cryptos pour expliquer la chute de FTX. En cas de problème, difficile dès lors de donner une valeur de marché à un actif, largement détenu par son créateur. « Si vous détenez les trois quarts des jetons FTT vous ne pouvez pas les vendre pour racheter des dollars et rembourser vos clients car personne ne pourra acheter autant de FTT sans que le cours ne s’effondre », ajoute Claire Balva, consultant­e indépendan­te spécialist­e des cryptos.

Impossible donc, pour l’heure, pour les clients de FTX de retirer leurs avoirs auprès de la plateforme. Le dossier s’annonce d’autant plus complexe que FTX aurait plus d’un million de créanciers, d’après le média CNBC.

« Il y a 9 milliards d’euros déposés par les clients sur FTX mais seulement 900 millions d’euros sont liquides, c’est-à-dire qu’ils peuvent être rendus tout de suite aux clients. Mais il y a plusieurs milliards complèteme­nt bloqués puisqu’une grosse partie a servi à acheter des FTT qui ne valent plus rien aujourd’hui », rappelle le consultant de KPMG. L’entreprise de Sam Bankman-Fried aurait aussi investi 74 millions de dollars dans de l’immobilier, d’après des informatio­ns du média The Block. Enfin, 600 millions d’euros auraient été volés lors d’un hack de la plateforme qui aurait eu lieu le 13 novembre.

« Dans le meilleur des cas, je pense qu’ils ne pourront récupérer que 15 à 20% de leurs montants déposés sur FTX », estime Stanislas Barthelemi.

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Sam Bankman-Fried, l’ex PDG de FTX serait à l’origine d’une fraude qui a conduit à la faillite de la plateforme. (Crédits : Reuters)

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