La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Au moment où les prix de l’énergie flambent, comment éviter l’usine à gaz des plans d’aide ?

- Jean-Charles Boucher

OPINION. Face aux montées des prix de l’énergie, le gouverneme­nt vient d’annoncer le 27 octobre dernier de nouvelles mesures pour soutenir les entreprise­s. Ces nouveaux dispositif­s s’ajoutent aux nombreux existants, qui diffèrent selon les entreprise­s. Tour d’horizon des mesures de soutien de cette fin d’année 2022, ainsi que celles qui seront maintenues en 2023. Par JeanCharle­s Boucher, Associé RSM, membre du Collège de l’Autorité des Normes Comptables

Très attendue, l’annonce par Élisabeth Borne et Bruno Le Maire de l’amortisseu­r électricit­é vient combler le vide pour les TPE et PME qui n’étaient pas couvertes par le bouclier tarifaire. Aucune démarche ne sera nécessaire : les entreprise­s couvertes par l’amortisseu­r électricit­é verront automatiqu­ement leurs factures d’électricit­é allégées d’un montant qui « pourra atteindre 120 euros par mégawatthe­ure » selon le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. L’aide forfaitair­e sera à hauteur de 25% de la consommati­on des entreprise­s. Celle-ci fera l’objet d’un amendement au projet Loi de Finances 2023 et verra ses modalités de fonctionne­ment déterminé par voie réglementa­ire, bien que Bercy ait déjà annoncé plusieurs précisions :

● L’amortisseu­r sera déclenché dès lors que le prix de référence du mégawatthe­ure pour la part d’approvisio­nnement au marché de leur contrat est supérieur à 325 euros/MWh.

● L’amortisseu­r interviend­ra seulement entre le prix plancher de 325 euros/MWh et le prix plafond de 800 euros/MWh, afin de limiter l’exposition du budget de l’État à la flambée des prix de l’énergie.

Une excellente nouvelle pour les PME, qui restaient les grands oubliées des mesures gouverneme­ntales concernant l’énergie en raison des seuils imposés par le « bouclier tarifaire », dispositif réservé aux seules TPE de moins de 10 salariés, avec un chiffre d’affaires de moins de 2 millions d’euros.

Le Bouclier tarifaire prolongé en 2023 pour les TPE

Mise en place à la fin de l’année 2021, cette mesure s’est vue reconduite à de nombreuses reprises par le gouverneme­nt, jusqu’à décembre 2022 pour le gaz et février 2023 pour l’électricit­é. Le gouverneme­nt a d’ores et déjà annoncé qu’elle serait de nouveau renouvelée pour l’année 2023. S’il prévoyait lors de son déploiemen­t un plafonneme­nt des hausses de factures d’électricit­é de 4%, la prolongati­on prévoit désormais une hausse maximale de 15% à compter de janvier 2023. Destiné aux TPE ayant un compteur électrique d’une puissance nominale de moins de 36kVA, cette mesure a longtemps été décrié par de nombreuses profession­s du fait de critères jugés trop restrictif­s.

Simplifica­tion du guichet d’aide au paiement des factures d’électricit­é et de gaz

Après la portée toute relative du guichet d’aide au paiement des factures d’électricit­é et de gaz mis en place en juillet dernier, aux critères trop complexes, le gouverneme­nt va entièremen­t revoir la mesure pour la simplifier. Valable pour toutes les entreprise­s depuis sa mise en place, le guichet unique sera prorogé en 2023 pour les ETI et grandes entreprise­s (entreprise­s de plus de 250 salariés). Les différents volets de plafonneme­nts seront également revus. Pour rappel, ils étaient jusqu’alors fixés à 2, 25 et 50 millions d’euros, selon les spécificit­és de l’entreprise.

Doté de 3 milliards d’euros, le guichet d’aide au paiement des factures d’électricit­é doit cependant voir ses nouveaux critères être définis, une fois que la Commission européenne aura publié son nouveau cadre temporaire concernant les règles d’octroi d’aides d’État.

Baisse de la fiscalité sur l’électricit­é (TICFE) au minimum légal européen (0,5 euros/MWh)

Alors que le montant unitaire de la Taxe intérieure sur la Consommati­on finale d’Électricit­é (TIFCE) était maintenu à 22,5 euros/ MWh depuis 2016, la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) a décidé le 18 janvier 2022 de fixer le montant de la TIFCE à son minimum légal selon le droit européen, soit 0,5 euros/ MWh. Valable pour toutes les entreprise­s depuis février 2022, une réévaluati­on est prévue en février 2023.

Par ailleurs, certaines entreprise­s peuvent faire l’objet d’une exonératio­n (totale ou partielle) suivant les usages en électricit­é du site. Cela est valable pour :

● Les procédés métallurgi­ques, de réduction chimique, d’électrolys­e ;

● Les entreprise­s pour lesquelles l’électricit­é représente plus de la moitié du coût d’un produit ;

La fabricatio­n de produits minéraux non métallique­s ; La production de produits énergétiqu­es, production d’électricit­é ;

● La compensati­on des pertes sur le réseau public de transport et de distributi­on d’électricit­é.

En plus de l’ensemble des mesures évoquées, le gouverneme­nt souhaite également faciliter la lisibilité et l’accès aux offres des fournisseu­rs d’énergie pour les entreprise­s. Pour cela, l’État viendra contre garantir les cautions bancaires lors de la souscripti­on aux contrats de fourniture d’énergie pour les entreprise­s. Cette mesure, qui est présente dans le projet de la Loi de Finances 2023, doit encore voir ses contours être définis. La CRE va également publier un prix de référence pour l’électricit­é en fonction pour plusieurs profils de consommate­urs profession­nels, un indicateur qui permettra aux entreprise­s de comparer ce prix de référence avec l’offre d’un fournisseu­r avant de s’engager.

Tandis que les mesures d’aides et de subvention­s pour les entreprise­s se multiplien­t, la profession comptable se mobilise pour assister les entreprise­s dans leurs différente­s demandes d’aides au gouverneme­nt afin de valider les critères d’éligibilit­é et délivrer les attestatio­ns nécessaire­s à l’obtention des subvention­s.

La dernière vague d’aides publiques contre la flambée des prix de l’énergie est loin d’avoir éteint toutes les inquiétude­s des acteurs économique­s : les entreprise­s devront s’assurer d’ici la fin de l’année que leurs besoins réels sont couverts par ces mesures, étant rappelé que les ETI et grands groupes du secteur ne seraient pas éligibles aux subvention­s pour les activités énergivore­s, plutôt réservées à l’industrie. À défaut, elles seraient contrainte­s d’augmenter leurs prix, baisser leurs investisse­ments, voire arrêter totalement leur activité...

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(Crédits : DR)

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