La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Industrie textile : depuis la Loire et Pyrénées, ce projet de reprise qui veut faire revivre la marque Camaïeu

- Stéphanie Gallo Triouleyre

Le petit groupe textile MLT, implanté dans les Pyrénées Atlantique­s et dans la Loire, va déposer une offre de reprise de la marque Camaïeu à l’occasion des prochaines enchères. Fervent défenseur du Made in France, Manufactur­e de Layette et Tricots entend reposition­ner Camaïeu sur des collection­s fabriquées en France, avec un projet de reconstruc­tion envisagé sur 20 ans.

Son annonce, dans un post Linkedin, fait le buzz, il en est déjà à plus d’1,6 million de vues, 33.000 likes et près de 2.000 commentair­es. A tel point que le réseau social l’a même bannie quelques heures de ses pages, suspectant le travail de robots automatisé­s et programmés pour faire monter les audiences... Il faut dire que l’histoire pourrait être très belle, elle vient raviver la flamme des défenseurs du made in France.

Karine Renouil-Tiberghien, co-dirigeante avec Arnaud de Belabre, du petit groupe textile MLT (80 salariés ; 7,5 millions d’euros de chiffre d’affaires), vient d’annoncer leur intention de déposer une offre de reprise de la marque Camaïeu. Après les stocks, dont l’essentiel (18 des 20 lots, soit 3,8 millions d’euros de vêtements) a été repris par le réseau Noz au début du mois, ce sera au tour des bureaux, des meubles, des outils... et donc de la marque en elle-même d’être mis aux enchères. Et c’est bien sur ce dernier point qu’entend se positionne­r MLT.

« Aujourd’hui, 3% des vêtements portés par les Français sont fabriqués en France. Cela a progressé ces dernières

années grâce au travail de plusieurs acteurs mais nous n’en sommes toujours qu’à 3,2%. Il faut que ça bouge ! Or, Camaieu représente plusieurs points de la mode française, c’est une opportunit­é en or pour faire bouger les lignes plus vite ! » , pointe la cheffe d’entreprise.

Le projet : reposition­ner Camaieu sur le made in France

Le combat de Karine Renouil-Tiberghien et Arnaud de Belabre pour le fabriqué en France remonte à 7 ans. Ils s’étaient alors associés pour reprendre la petite entreprise Manufactur­e de Layette et Tricots à Pau. Celle-ci tricotait en France mais confection­nait en Tunisie. « C’était déjà ça, nous nous sommes battus pour montrer qu’on pouvait parfaiteme­nt tricoter en France, à un prix compétitif » , raconte la dirigeante.

Trois ans plus tard, le duo reprenait la PME Jean Ruiz à Roanne (Loire), spécialisé­e notamment dans le tricotage 3D, puis il y a deux ans, l’entreprise Marcoux-Lafay à Saint-Agathe-la Boutheress­e, toujours dans la Loire. Depuis, le groupe a fait entrer le textile fabriqué en France dans les rayons de nombreuses enseignes de la grande distributi­on : Leclerc, Kiabi, Super U, Auchan, Carrefour, Aubert, Cora etc.

L’idée de la reprise de Camaïeu est arrivée sur la table il y a six mois environ. « Nous cherchions une marque à reprendre, disposant déjà d’un site internet, et qui pourrait devenir notre fer de lance pour nos collection­s adultes. Pour les bébés, la marque Manufactur­e de Layette fonctionne très bien mais pour les adultes, nous avions plus de mal à imposer une marque », relate Karine Renouil-Tiberghien.

« Mon associé a évoqué l’idée de Camaïeu... je lui ai répondu qu’il était fou... mais il est revenu plusieurs fois à la charge. Et puis, en constatant l’attachemen­t des Français à cette belle marque qui fabriquait en France à ses débuts, avant de tout délocalise­r, on s’est dit banco, allons-y, c’est peut-être ce qu’il nous faut pour faire bouger les pourcentag­es du made in France ! Il s’agit peut-être du petit coup de folie dont les usines textile françaises ont besoin pour des commandes non plus de centaines mais de milliers de pièces» .

Karine Renouil-Tiberghien évoque un projet de reconstruc­tion de Camaïeu sur 20 ans. Avec au coeur du travail, des collection­s fabriquées en France. Par les usines paloise et roannaises de MLT, mais pas seulement puisqu’à elles seules, elles ne pourraient pas répondre à la demande que les dirigeants de MLT espèrent très importante.

Le savoir-faire de l’écosystème français serait appelé en renfort : « nous n’allons pas faire tout cela seuls, c’est certain. Nous pourrions par exemple nous appuyer sur le savoir-faire en matière de jeans de 1083, sur la nouvelle filière française du lin, sur les matières recyclées de Renaissanc­e etc » .

Le montant de l’enveloppe sera déterminan­t

Le renouveau de la marque passerait d’abord par des ventes en ligne puis, pourquoi pas, par des boutiques franchisée­s. « Pas dans trois mais dans plusieurs années, c’est un projet à long terme ! » .

Mais si le projet est beau sur le papier et suscite l’enthousias­me des industriel­s textiles français, des clients et des ex-salariés de Camaieu, il n’en reste pas moins qu’il est suspendu au verdict des enchères prévues dans quelques semaines.

Pour l’instant, MLT est la seule à avoir communiqué officielle­ment son intention de déposer une offre mais elle n’est sans doute pas la seule sur les rangs. D’ex-fournisseu­rs (étrangers) de Camïeu pourraient être intéressés, tout comme des congloméra­ts de marques à l’instar de la reprise en cours de Pimkie par Lee Cooper/Kinfy/Ibisler Tekstil. En communiqua­nt, les deux dirigeants de MLT (dont l’enveloppe reste limitée par l’envergure de l’entreprise) espèrent obtenir le soutien des pouvoirs publics et attirer l’attention d’autres acteurs pour avancer, éventuelle­ment à plusieurs sur ce projet.

Si la reprise de la marque Camaïeu n’aboutissai­t pas, MLT poursuivra sa quête d’une marque adulte pour continuer son chemin du fabriqué en France.

 ?? ?? MLT espère reprendre la marque Camaïeu pour des ventes, en ligne dans un premier temps, de vêtements fabriqués en France. Pour l’instant, MLT est la seule à avoir communiqué officielle­ment son intention de déposer une offre mais elle n’est sans doute pas la seule sur les rangs. (Crédits : Eric Gaillard)
MLT espère reprendre la marque Camaïeu pour des ventes, en ligne dans un premier temps, de vêtements fabriqués en France. Pour l’instant, MLT est la seule à avoir communiqué officielle­ment son intention de déposer une offre mais elle n’est sans doute pas la seule sur les rangs. (Crédits : Eric Gaillard)

Newspapers in French

Newspapers from France