La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

API s’allie à Carrefour pour ouvrir 600 supérettes autonomes en zone rurale d’ici à cinq ans

- Propos recueillis par Pierre Cheminade @PierreChem­inade

INTERVIEW- API, ces trois lettres désignent un nouvel acteur ambitieux dans le monde de la grande distributi­on. D’ici un an, il prévoit d’implanter 40 supérettes autonomes ouvertes dans des communes rurales puis de grimper à 600 d’ici cinq ans. Un tour de force pour cette jeune entreprise à mission qui a signé avec Carrefour pour proposer 700 références dans chaque magasin, dont la moitié en marque de distribute­ur. Alors que la première supérette vient d’ouvrir en Charente, MarieLaure Basset, la directrice générale d’API, dévoile à La Tribune sa stratégie de maillage de la Nouvelle

Aquitaine avant d’aborder le marché national.

LA TRIBUNE - La première supérette API vient d’ouvrir à Claix, une commune de 1.000 habitants du Sud Charente. De quoi s’agit-il ?

Marie-Laure BASSET - Les supérettes API sont installées exclusivem­ent dans des communes qui cochent une double condition : avoir plus de 750 habitants et être à plus de 30 min aller-retour d’un supermarch­é. Ces magasins sont des Mobil’Home de 40 m2 qui proposent 700 références de produits du quotidien dont

70 % en marque de distribute­ur à des prix abordables puisque le prix moyen d’un article est de 1,70 euro. C’est toute l’ambition du projet API : apporter une solution concrète pour revitalise­r les campagnes en réintrodui­sant une offre commercial­e de proximité à des prix accessible­s à tous. Ces magasins fonctionne­nt de manière autonome et connectée ce qui permet de garantir une ouverture 24h/24 et 7j/7.

Comment s’articule le modèle économique d’API ?

L’entreprise a été créée en juillet 2021 par deux entreprene­urs charentais - Alex Grammatico et Julien Nau - rapidement rejoints par Jean-Luc Treillou (1). L’idée vient de la startup suédoise Lifvs, qui installe depuis 2020 des petits supermarch­és autonomes dans les zones les plus reculées du pays. C’est un modèle qui, pour fonctionne­r, doit pouvoir passer à l’échelle rapidement avec un rythme de déploiemen­t soutenu dès le départ. Nous prévoyons d’ouvrir deux supérettes par mois, puis quatre, puis six dès l’an prochain. Les deux prochains magasins sont prévus dans deux autres communes rurales de Charente : à Marsac, en décembre, puis à Sers, en janvier.

Nous avons une logique d’ouverture en grappes de cinq magasins distants les uns des autres de 20 km maximum pour optimiser les flux logistique­s. Chaque grappe de magasins sera gérée par un salarié sur le terrain. Il sera recruté en local pour assurer quotidienn­ement l’entretien du magasin, la mise en rayon et aussi la relation avec les clients. L’approvisio­nnement sera assuré une à deux fois par semaine par Carrefour avec qui nous avons signé un contrat d’exclusivit­é. Pour eux nous sommes une offre complément­aire qui leur apportera aussi beaucoup d’enseigneme­nts. m2, on y trouve 700 références d’épicerie salée et sucrée, de produits frais et surgelés et des rayons maison, hygiène, beauté, chiens et chats, papèterie basique, etc. S’il y a des feuilles à rouler, il n’y a en revanche ni tabac ni alcool. Le local est un Mobil’Home fabriqué en France par Rapid’Home, le leader européen du secteur. Il fonctionne sans point d’eau et doit être alimenté à l’électricit­é renouvelab­le.

L’intérieur du magasin autonome ouvert à Claix, en Charente (crédits : API).

Quelles sont les perspectiv­es d’ouverture dans les années qui viennent ?

Nous avons bouclé avant l’été un tour de table solide avec nos investisse­urs qui nous permet de financer l’ouverture et de tenir une bonne grosse première année d’exploitati­on. Nous estimons pouvoir atteindre la rentabilit­é à partir d’une centaine de supérettes. La feuille de route prévoit l’ouverture de 40 magasins en Nouvelle-Aquitaine d’ici à la fin de l’année 2023. Cela nous permettra de mailler la région sur des communes déjà cartograph­iées. La Nouvelle-Aquitaine va vraiment servir de laboratoir­e dans un premier temps avant d’envisager un déploiemen­t national qui doit nous mener à 600 supérettes d’ici cinq ans. Au total, nous estimons le potentiel à 2.000 supérettes en France !

Quelles sont vos relations avec les élus de ces communes rurales ?

En amont d’une ouverture, nous échangeons systématiq­uement avec le maire de la commune pour voir s’il est intéressé. Nous venons présenter notre démarche au conseil municipal et nous ne nous installons que si le conseil municipal vote favorable

ment à plus de 75 % ! C’est vraiment un élément important pour nous, nous travaillon­s main dans la main avec les territoire­s et leurs habitants pour susciter une vraie adhésion. Ensuite, une fois l’autorisati­on obtenue, nous installons le Mobil’Home qui n’a besoin que d’un terrain viabilisé doté une alimentati­on électrique et situé sur un axe routier. Nous ne coulons pas de fondations et nous garantisso­ns le retour du terrain à l’identique si nous étions amenés à partir ou changer d’emplacemen­t.

Qu’en est-il des commerçant­s locaux qui pourraient être concurrenc­és par votre offre ?

La logique est la même. Malgré notre partenaria­t avec Carrefour, nous pouvons adapter l’offre de chaque supérette. Cela signifie que nous faisons de la place aux producteur­s locaux, notamment les maraîchers, pour proposer leurs produits soit dans le magasin, soit à côté. Mais nous prenons aussi en compte les commerces existants : s’il y a une boucherie dans le village d’à côté, nous allons réduire notre propre rayon boucherie pour ne pas le pénaliser. C’est la même logique pour les boulangers : certains ont investi dans des distribute­urs automatiqu­es mais nous pourrons les accueillir chez API dans une logique gagnant-gagnant. API est un entreprise à mission et nous avons initié la démarche pour obtenir la certificat­ion B-Corp en fin d’année 2023. La logique n’est donc vraiment pas d’avoir une stratégie d’implantati­on agressive, c’est tout l’inverse.

La supérette API de Claix. Basée à Saint-Palais-de-Négrignac (Charente-Maritime), API compte 15 salariés et prévoit 30 recrutemen­ts en 2023.(crédits : API).

Et la concurrenc­e ?

Le concurrent le plus proche d’API est Boxy, qui a déjà implanté en région parisienne plus d’une quarantain­e de conteneurs autonomes connectés ouverts 24h/24 et 7j/7. Ces commerces de 25 m2 proposent 250 références avec un rôle de commerce de proximité plutôt en zone périurbain­e. Grâce à 25 millions d’euros levés en février 2022, Boxy vise 500 magasins d’ici fin 2023. D’autres offres existent également sur des niches tels que 1000Cafés, qui déploie des cafés multi-services dans les villages, ou des offres de distribute­urs automatiqu­es de pains, tels que Distrib et MaBaguette, ou d’autres produits.

(1) Entreprene­ur bien connu à Bordeaux, Jean-Luc Treillou est notamment cofondateu­r de deux réussites de la biotech : Treefrog Therapeuti­cs et Ysopia Bioscience.

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Le multi-entreprene­ur Jean-Luc Treillou (à gauche) a rejoint les cofondateu­rs charentais d’API, Alex Grammatico et Julien Nau. Marie-Laure Basset est la directrice générale depuis septembre 2021. (Crédits : API)
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