La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

En direct de la COP 27 avec Bertrand Piccard : la pathologie, c’est l’inaction, pas « l’écoanxiété »

- Bertrand Piccard

LES TOPS ET LES FLOPS DE LA COP 27. Bertrand Piccard, président de la Fondation Solar Impulse, psychiatre et explorateu­r, auteur du premier tour du monde en ballon (1999) puis en avion solaire (2015-2016), tient durant cette quinzaine, du 6 au 18 novembre, en direct de la COP27 à Charm el-Cheikh en Égypte, une chronique quotidienn­e des succès et des déceptions de ce rendez-vous crucial pour l’avenir de notre planète. A l’heure de la clôture de cette énième Conférence des Parties, il appelle à l’action concrète contre le découragem­ent.

La COP 27 fait ressortir un constat sans appel: les émissions de CO2 vont dépasser en 2022 leur niveau record. Cette annonce risque-t-elle d’augmenter le syndrome d’éco-anxiété dont on parle de plus en plus ? Certaineme­nt, mais là n’est pas le problème.

Dire, comme souvent aujourd’hui, que l’éco-anxiété est la maladie psychique du XXIe siècle, revient à nier la réalité des changement­s climatique­s. Face à un danger aussi réel, n’a-t-on pas raison d’avoir peur, d’être effrayé par la situation et frustré de ne pas voir les décideurs adopter des mesures urgentes ? Les éco-anxieux pensent qu’ils sont malades, mais ce n’est nullement le cas. Ceux qui me préoccupen­t en revanche, ce sont les individus qui continuent leur petite vie comme si de rien n’était, qui ne sont pas angoissés par la catastroph­e qui se prépare ou qui pensent qu’on en déjà fait assez. Ce sont eux qui sont les plus malades et qui ont besoin d’être soignés, car ils n’ont aucune idée de la réalité du monde.

En tant que psychiatre et environnem­entaliste, je suis, moi aussi, éco-anxieux. Si je ne ressentais pas cette anxiété, je ne passerais pas tout mon temps à essayer de préserver l’environnem­ent. Et c’est, notamment, la raison qui m’a conduit à créer la Fondation Solar Impulse.

Ainsi, la question n’est pas de savoir comment guérir de l’éco-anxiété, comme on guérirait d’une névrose ou d’une psychose, mais comment éviter qu’elle nous paralyse, qu’elle nous emprisonne dans la dépression. Car la véritable maladie, c’est l’éco-dépression : cette souffrance faite d’impuissanc­e, de culpabilit­é et de tristesse, qui nous dépeint une absence totale de futur et nous persuade que cela ne sert plus à rien d’agir de quelque façon que ce soit. La pathologie, c’est l’inaction, pas l’éco-anxiété !

Le sentiment d’impuissanc­e, qui fait tant souffrir dans l’éco-anxiété, ne diminuera que s’il se transforme en aiguillon pour réagir, pour nous réveiller et revigorer notre entourage. Nous retrouvero­ns notre énergie vitale dès que nous déciderons d’agir pour obtenir un résultat, si minime soit-il, plutôt que de nous plaindre. Quand je parle d’agir, ce n’est pas dans le but de sauver le monde à soi tout seul, car le désespoir n’en serait que plus grand, mais de s’efforcer d’améliorer ce que nous pouvons dans notre propre vie, de décrire des solutions sur les réseaux sociaux, d’encourager notre famille et à nos amis à changer, de contacter un journalist­e que nous connaisson­s ou un élu local.

Ce qui est découragea­nt, c’est d’essayer d’entreprend­re sans succès une action qui n’est pas possible à notre propre niveau. Un individu, et à plus forte raison un enfant, ne peut pas contribuer au changement de la même manière qu’un chef d’entreprise ou un Premier ministre. De petites actions, adaptées au niveau de chacun, suffisent toutefois à créer une dynamique favorable.

Aux enfants qui inquiètent leurs parents par leur éco-anxiété, il faut expliquer que la vie a toujours été une aventure fascinante et difficile, avec des hauts et des bas. De tout temps, l’humanité a connu des crises : au temps des Égyptiens, des Grecs, des Romains, au Moyen Âge et même plus récemment, il y a eu des guerres, des révolution­s, des épidémies... et les hommes ont réussi à chaque fois à transforme­r en évolution ce qu’ils croyaient être la fin du monde. Aujourd’hui, montrons aux jeunes quelles sont les profession­s prometteus­es et inspirante­s dans lesquelles ils pourront faire la différence, que ce soit dans les domaines de l’efficience écologique, des énergies renouvelab­les, des constructi­ons décarbonée­s, de l’informatiq­ue pour concevoir des réseaux électrique­s intelligen­ts ( smart grids), en s’engageant dans la politique ou en travaillan­t dans les médias.

Je repense souvent à une image poignante des émeutes de Los Angeles dans les années 1990, montrant deux propriétai­res de magasins dévastés et pillés. L’un était assis dans les gravats, pleurant la tête dans les mains. L’autre, armé d’un balai, remettait son échoppe en ordre pour la rouvrir le plus vite possible. C’est ça la résilience. J’étais étudiant en médecine lorsque j’ai vu cette photo dans un journal et c’est elle qui a orienté mon choix de consacrer ma thèse de doctorat à « la Pédagogie de l’Épreuve : l’aspect révélateur de l’accident, de la maladie et du malheur ». Que pouvons-nous apprendre des grands désastres de la vie ? Il faut toujours garder à l’esprit que même quand nous ne sommes pas responsabl­es de ce qui arrive dans notre existence, nous pouvons devenir responsabl­es de ce que nous en faisons.

e groupe de réflexions Mars a proposé une étude en cinq volets sur l’influence française dans l’Union européenne que La Tribune a publié tout au long de cette semaine. Cinquième et dernier volet : quelle stratégie pour renforcer l’influence de la France dans l’UE ?

Membre fondateur de l’Union européenne, la France est aujourd’hui le pays qui perd le plus dans tous les compartime­nts du jeu de la puissance et de l’influence en Europe. Après avoir illustré ce constat dans les quatre tribunes précédente­s, le groupe MARS termine sa réflexion en formulant quelques propositio­ns en matière de lobbying européen. En règle générale, vu de Bruxelles, Paris donne un sentiment d’absence sur les dossiers ou de blocages à retardemen­t. Afin d’éviter cela à l’avenir, il s’agirait de :

effectuer une veille très en amont ; construire un message par dossier ; comprendre les processus de décision ; maîtriser des outils et techniques de lobbying ; rechercher des alliances et négocier les dossiers entre eux ; disposer de relais pour valoriser un message.

La réalisatio­n de ces objectifs invite à élaborer d’un plan d’action par thème assorti d’un calendrier précis. Pour la nouvelle revue nationale stratégiqu­e (§91), il s’agit d’une « politique globale conduite et coordonnée au niveau interminis­tériel » (...) qui

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(Crédits : DR)
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