La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Le retour brutal aux réalités terrestres des géants de la Tech

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premiers mois de cette année. Le solde sur l’année reste donc toujours positif. Pire ces entreprise­s ont oublié les fondamenta­ux de la gestion comptable avec une spirale de coûts incontrôlé­e : le pari de Meta sur sa vision du Métavers apparait inconsidér­ée en « brûlant » en moyenne 2 milliards de dollars par mois. Qui dépense de tels montants dans ses CapEx au monde ? Qui investit 8,5 milliards de dollars dans un studio de cinéma, propriétai­re de la franchise de James Bond, 3,5 milliards de dollars dans One Medical, présent dans les soins de santé primaire ou 10 milliards de dollars dans les satellites au moyen de sa filiale Kuiper Satellites ? Quels retours sur investisse­ment à court terme ou bien quelles synergies avec leur coeur d’activité actuel la plupart du temps très rentables ?

Points de différence

On aime souvent à présenter ces entreprise­s comme uniformes avec cet acronyme à la saveur « infâme » en France de GAFAM (2) qui traduit tout à la fois un sentiment d’impunité par une attitude prédatrice et en creux un ressentime­nt contre la réussite insolente de ces sociétés devenues des empires en quelques décennies. Cependant, on oublie que la trajectoir­e de chaque entité est propre avec des modèles économique­s distincts.

Meta se retrouve confronté à ce fameux double « pivot » qui consiste à :

● se réinventer sur son modèle publicitai­re face à l’irruption de Tik Tok dans le paysage des sociétés qui captent notre attention et au lancement par Apple de l’App Tracking Transparen­cy, nouveau framework de gestion du consenteme­nt, qui altère sa capacité de ciblage (3),

● et à créer de façon mégalomani­aque ce nouveau monde parallèle en 3D complèteme­nt immersif à horizon de 10 ans. Le premier est obligatoir­e et le second choisi !

Amazon, moins dépendant du modèle économique de la publicité même si en forte croissance sur ce dernier, devra peut-être réinventer son modèle de consommati­on du « tout pour pas cher, livré à notre porte pour hier » adopté par nous tous au moment où le dérèglemen­t climatique fait rage.

Et que dire de Twitter ? Société déjà fragile par l’absence d’une taille critique qui lui a empêché de croitre sur son coeur de business puisque ses revenus publicitai­res ne seraient pas plus importants que ceux d’Apple avec 4 milliards de dollars. L’une est censé en vivre, l’autre y fait simplement son apprentiss­age avant de monter en puissance sur le sujet. Personne ne pouvait imaginer l’irruption soudaine de la tornade Elon Musk qui n’en fait qu’à sa tête et qui transforme cette société en un « Liban du business ».

Un retour aux réalités salutaire

Ce retour à des « réalités terrestres » peut être salutaire pour ces entreprise­s elle-même et pour l’environnem­ent dans lequel elles agissent. Cela permettra peut-être à ses CEOs de se sentir un peu moins « tout puissant » mais je ne vise personne en particulie­r, aux autorités de mieux réglemente­r les marchés dans lesquels elles sont présentes sans aller jusqu’au démantèlem­ent de leur activité ou à des actions punitives ou bien même à l’innovation de faire son retour au-delà d’aller braconner sur le territoire de son voisin comme Google avec le Cloud (dont l’activité a perdu 2 milliards de dollars sur le dernier trimestre d’exploitati­on).

Et puis l’erreur est humaine même si on demande à des gens très brillants d’en limiter la portée par une capacité de jugement supérieure. Oui, il était difficile d’anticiper tous les effets combinés de la pandémie, du conflit en Ukraine ou des politiques monétaires imprudente­s de ces 15 dernières années. Ces boites ne sont pas les seules à être tombées dans le miroir aux alouettes : Nike tablait sur 10% de croissance jusqu’en 2025 pour atteindre un Chiffre d’affaires de 50 milliards de dollars. 5% feront l’affaire avec une politique inhabituel­le de discount pour optimiser la gestion de son inventaire.

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(1) L’effondreme­nt de la valeur de Meta de plus de 70% de son cours de bourse est brutal, mais pas unique. Google a baissé de plus de 40% cette année, Amazon de plus de 45%, et Snap de plus de 80%.

(2) GAFAM pour l’acronyme de Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.

(3) Mark Zuckerberg a indiqué dans différente­s conférence­s avec des analystes financiers que l’ATT aurait un impact négatif à hauteur de 10 milliards de dollars sur ses revenus publicitai­res qui représente­nt 98% de ses revenus totaux.

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