La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

La SNCF fixe un prix interne du carbone pour guider ses achats auprès des fournisseu­rs

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2024, l’arrêt du glyphosate depuis le début de l’année, l’entrée en service de nouveaux trains pour réduire la part de la motorisati­on thermique dans le parc.

D’autres le sont moins comme la volonté de valoriser les trois millions de tonnes de déchets générés par an, (principale­ment issus de la régénérati­on du réseau ou du remplaceme­nt des trains) ou encore l’adossement à partir de 2023 de la part variable des cadres dirigeants et cadres supérieurs à des objectifs de performanc­es RSE, à hauteur de 25 %.

Un prix à la tonne de CO2

Parmi ces initiative­s moins connues, la SNCF a donc également décidé cette année d’appliquer un prix interne du carbone. Selon Mikaël Lemarchand, « cela permet de faire rentrer le bilan carbone de nos projets en cours d’instructio­n dans le bilan financier de ce projet et pas uniquement dans le bilan extra-financier ». Ce prix doit ainsi constituer un indicateur « d’ordre financier » pour prendre ces décisions d’investisse­ment et de

« factualise­r l’impact des tonnes de CO2 émises ou évitées ».

Il s’agit d’une démarche « très engageante », selon le directeur de l’engagement social, territoria­l et environnem­ental. Et celui-ci entend la pousser un cran plus loin, avec l’applicatio­n à partir de janvier de cet indicateur aux principaux fournisseu­rs de la SNCF. Lors des futurs appels d’offres, ceux-ci devront ainsi présenter un bilan carbone chiffré de leurs prestation­s qui, converti en euros selon le prix de la tonne fixé par la SNCF, sera intégré au coût financier du projet. Les émissions de CO2 feront ainsi partie des critères de décision financiers, qui comptent à hauteur de 50 % dans la sélection d’une offre, et non plus seulement dans les critères RSE, qui pèsent aujourd’hui environ 20 % dans la moitié des achats réalisés par le groupe (un achat sur vingt, il y a deux ans).

Cela doit permettre à la SNCF d’arbitrer en faveur d’un projet sur un critère objectif, même si celui-ci présente un coût brut, non corrigé par le bilan carbone, moins intéressan­t. Mikaël Lemarchand affirme pour autant qu’il n’y a rien d’automatiqu­e dans les choix d’investisse­ment de la SNCF mais qu’il s’agirait d’une conciliati­on avec les critères économique­s. Il reconnaît que cela ne va pas « changer systématiq­uement la balance » en faveur du projet le moins carboné, sans quoi cet outil serait inutile.

100 euros en 2022, 750 euros en 2040

Cette balance dépendra aussi du prix fixé en interne pour la tonne de carbone, et non par le marché (où il est très variable d’un pays à l’autre). Profitant de l’expertise interne d’Alain Quinet, directeur général exécutif Stratégie et Affaires corporate de SNCF Réseau, il a été arrêté à 100 euros la tonne pour 2022. « Si on voulait mettre se mettre d’accord en France sur le prix du carbone, je pense que l’on en parlerait sans doute encore en 2050 », taquine Mikaël Lemarchand qui insiste davantage sur le principe « pour éclairer nos décisions ». Mais il reconnait que le prix a tout de même son importance : « Si nous disons que la tonne vaut un euro, cela ne va pas changer grand-chose. [...] Si nous faisons un bilan fin 2023 et que cela n’a pas changé grand-chose, il faudra comprendre pourquoi pour faire en sorte que 2024 soit différent. Et peut-être que ce sera le niveau du prix. Peut-être que 100 euros, ce n’est pas assez. » Le prix fixé pour la tonne de CO2 devrait croître de toute façon dans les prochaines années selon la trajectoir­e dessinée par Alain Quinet, qui prévoit une envolée jusqu’à 700 ou 750 euros en 2040.

En attendant, une liste de 55 entreprise­s a été constituée et des discussion­s sont menées depuis quelques semaines par la direction des achats sur ce sujet. Il ne s’agit que d’un nombre réduit en comparaiso­n des 30.000 fournisseu­rs que compte le groupe, mais cela représente tout de même environ la moitié de ses achats. Mikaël Lemarchand reconnaît ainsi que la démarche n’est pas applicable à tous les fournisseu­rs dans l’état actuel des choses. La nécessité de construire un bilan carbone pour chaque projet et les lourds investisse­ments nécessaire­s pourrait ainsi exclure toute une frange de TPE-PME. Le dirigeant craint ainsi un effet négatif, lui qui souhaite « valoriser et encourager les efforts de transition » des partenaire­s de la SNCF. Sans compter que cela arriverait à rebours de la stratégie de la SNCF, qui souhaite abaisser les critères d’entrée dans sa liste de fournisseu­rs et mieux intégrer les entreprise­s locales. De même, cela devrait essentiell­ement concerner les grands projets et non les achats de moindre ampleur.

S’il n’a pas voulu s’aventurer à donner la liste des fournisseu­rs concernés, ou les éventuelle­s résistance­s de ces derniers, Mikaël Lemarchand a assuré que le comité exécutif de la Fédération des industries ferroviair­es (FIF) s’était montré très intéressé par la démarche.

Une démarche attractive

La SNCF n’est pas la seule à mener cette démarche. Le groupe chimique belge Solvay l’a déjà adopté depuis plusieurs années, et une étude de l’Institut Montaigne menée l’an dernier montre un vif intérêt de la part de plusieurs grandes entreprise­s françaises, après avoir interrogé des groupes tels que La Poste, Air France-KLM ou TotalEnerg­ies.

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