La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Sécheresse : l’alerte rouge est déclenchée pour l’été 2023 sur le bassin Adour Garonne

- Jean-Philippe Déjean

Après la sécheresse calamiteus­e de l’été 2022, les gestionnai­res de l’Agence de l’eau Adour Garonne craignent une saison estivale 2023 encore bien pire et quasiment sans équivalent. Plus de 100 communes du bassin Adour Garonne sont dès aujourd’hui classées en rupture ou en tension, selon le diagnostic présenté par le préfet coordonnat­eur de l’Agence de bassin Adour Garonne, Pierre-André Durand, et Alain Rousset, président du comité de bassin. Ils ont annoncé des mesures pour se préparer au choc, mais aussi amorcer un rééquilibr­age de la ressource à plus long terme.

Comme dans beaucoup d’autres territoire­s en France, le bassin Adour-Garonne, qui s’étend dans 25 départemen­ts sur les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, manque déjà d’eau.

Cette situation très préoccupan­te, et inédite sitôt dans l’année, augure d’un été 2023 historique­ment difficile.

« Si l’été 2023 est aussi sec que celui de 2022 nous n’arriverons pas à tenir... les retenues d’eau ne sont actuelleme­nt remplies qu’à 46 % contre 80 % l’an dernier à la même époque », a souligné ainsi Pierre-André Durand, préfet de la région Occitanie et préfet coordonnat­eur du bassin Adour Garonne.

Une interventi­on faite lors de la conférence de presse organisée ce jeudi 23 mars par visioconfé­rence en duplex avec Bordeaux, d’où Alain Rousset, président de la Nouvelle-Aquitaine, du comité de bassin Adour Garonne, et Guillaume Choisy, directeur de l’Agence de l’eau Adour Garonne ont également pris la parole.

« J’en appelle à la responsabi­lité de tous pour faire des économies d’eau dès à présent car la situation en 2023 sera sans aucune comparaiso­n avec ce que nous avons connu jusqu’ici ! », a martelé le préfet coordonnat­eur de bassin.

Moins il y a d’eau et plus elle est chaude

L’Agence de l’eau Adour Garonne, qui travaille en étroite collaborat­ion avec les collectivi­tés du territoire, impliquées dans son fonctionne­ment, va continuer à débloquer des crédits

(17 millions d’euros en 2023 après 22 millions en 2022) pour soutenir les actions de ces dernières. À court et moyen terme l’agence, qui organise ce vendredi 24 mars un webinaire avec 400 représenta­nts du monde économique (agricultur­e, industrie...), va pouvoir financer, en cumulé, pour 120 millions d’euros de projets, comme le creusement de forages pour faciliter l’accès à l’eau et le soutien à l’étiage.

« Sur Agen et sur Toulouse l’eau de la Garonne est à 24 ou 25 degrés : c’est un phénomène dans le phénomène. Plus l’étiage est bas, plus la températur­e monte et plus il faut traiter l’eau... Un de nos objectifs est de pouvoir avertir les agriculteu­rs le plus vite possible pour qu’ils puissent s’adapter », a notamment relevé en substance Alain Rousset.

Plus de 100 communes déjà en tension

L’objectif des gestionnai­res du bassin est d’être plus réactifs et de préparer les territoire­s au choc d’une crise hydrologiq­ue sans précédent lors de cet été 2023 à l’échelle des sous-bassins qui structuren­t le territoire de l’agence : Adour, Dordogne, Charente, Garonne, Tarn Aveyron et Lot. Auxquels s’ajoutent les sous-bassins Littoral et espaces côtiers et Eaux souterrain­es. Si la liste suivante est susceptibl­e d’évoluer avec les conditions météo, plus de 100 communes du bassin Adour Garonne sont dès aujourd’hui classées en rupture ou en tension, aussi bien en Occitanie, notamment en Haute-Garonne et dans le Tarn, qu’en Nouvelle-Aquitaine, en Dordogne ou dans les Landes.

L’étude sur l’évolution des pluies réalisée par les services de l’État avec Météo France montre que le cumul des précipitat­ions sera en moyenne excédentai­re au cours de ce mois de mars sur le bassin, sauf au pied des Pyrénées, et qu’il ne permettra pas de rattraper le déficit enregistré lors de cette saison de recharge. Cette dernière affiche des déficits qui vont de 10 % dans la partie ouest du bassin à 30 % au pied des Pyrénées.

L’humidité des sols est plutôt bonne

Autre paramètre important, l’humidité du sol affiche un niveau normal sur une majorité de territoire­s, mais pas tous ....

« Des sols plus secs que la normale persistent encore au sud du bassin : Hautes-Pyrénées, Haute-Garonne et Ariège », souligne l’étude.

Les niveaux d’humidifica­tion des sols sont les plus élevés en Charente-Maritime, Charente, Gironde, Landes, Pyrénées-Atlantique­s et atteignent des seuils également robustes en Dordogne, Corrèze, Lot, Lozère, Aveyron et Tarn. La carte montre des situations beaucoup plus préoccupan­tes pour la sécheresse des sols dans les départemen­ts de la bordure méditerran­éenne de l’Occitanie (Pyrénées-Orientales, Aude, Hérault, Gard), qui n’appartienn­ent pas au bassin Adour Garonne.

Un très vaste territoire

Comme le précise la direction de l’Agence de l’eau Adour Garonne, dont le siège se trouve à Toulouse, le périmètre de ce bassin, qui couvre 117.650 kilomètres carrés, est alimenté par les deux grands châteaux d’eau naturels que sont le Massif Central et les Pyrénées, qui abondent 116.817 kilomètres de cours d’eau. Ce bassin s’étend sur 25 départemen­ts répartis sur Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, mais aussi une petite partie d’Auvergne-Rhône-Alpes. A l’Ouest (Atlantique) ce bassin aligne également 630 kilomètres de littoral (dont plus de 400 km pour le seul littoral charentais-maritime qui compte beaucoup d’îles). Parce que le bassin Adour Garonne ne touche pas la Méditerran­ée, ce qui exclut quatre départemen­ts occitans de son périmètre (Pyrénées-Orientales, Aude, Hérault et Gard). Le bassin Adour Garonne compte huit millions d’habitants, 6.769 communes, 35 villes de plus de 20.000 habitants où vit 28 % de la population et deux grandes communauté­s urbaines : Bordeaux Métropole et Toulouse Métropole.

La tendance climatique pour les mois d’avril, mai et juin n’est pas réconforta­nte. S’il s’agit de prévisions qui pourraient encore être démenties, le maintien de sols secs sur les Pyrénées et, dans une moindre mesure dans le Midi Toulousain, est retenu. Avec davantage de sols humides dans la partie nord du bassin (de la Charente-Maritime à l’Aveyron).

Économiser 850 millions de mètres cubes

Le niveau des nappes phréatique­s est massivemen­t (à hauteur de 71 %) en dessous de la moyenne. Les relevés montrent que seulement 23 % ont un niveau proche de la moyenne et 39 % un niveau modérément bas : essentiell­ement au-dessous du massif forestier des Landes de Gascogne et dans le Pays toulousain. Le périmètre de l’agence compte 32 % de territoire avec des niveaux bas de leurs nappes phréatique­s (nord du bassin : de la Charente-Maritime à l’Aveyron). La stratégie globale de l’agence de bassin consiste à mobiliser tous les acteurs pour les inciter à la sobriété dans leur consommati­on d’eau, qu’il s’agisse de particulie­rs, d’agriculteu­rs ou d’industriel­s. Mais il faudra aller plus loin pour arriver à économiser la consommati­on de 850 millions de mètres cubes (m3) visés par l’agence.

La mobilisati­on attendue de la population devrait réduire la consommati­on de 200 millions/m3 d’eau, dont 10 % d’ici 2024. L’agence prévoit de nombreux projets, dont la relance des zones humides, avec la désimpermé­abilisatio­n des sols (80 Mm3), ou encore le déploiemen­t de l’agroécolog­ie, pour augmenter à terme le stock d’eau dans les sols (140 Mm3), sans faire l’impasse sur les retenues hydroélect­riques (160 Mm3). Des mesures à moyen et long terme indispensa­bles pour maintenir la balance, puisque les prévisions indiquent que le déficit actuel, qui atteint 250 millions/m3 d’eau sur le bassin Adour Garonne, va s’aggraver pour atteindre 1,2 milliard/m3 d’ici 2050.

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(Crédits : Reuters)
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