La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Malgré les embargos, l’Allemagne pourrait bien se fournir auprès de l’Inde en gazole... issu de pétrole russe

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Les importatio­ns allemandes de produits pétroliers en provenance d’Inde ont été multipliée­s par douze sur un an entre janvier et juin 2023. Or l’Inde, qui n’applique pas les sanctions occidental­es à l’égard de Moscou, a ellemême fait grimper sa consommati­on d’or noir en provenance de Russie. Il apparaît donc probable que ce soit ce dernier qui remplisse une partie des stocks allemands.

Les voitures européenne­s roulent-elles au gazole russe, malgré les sanctions occidental­es mises en place après l’invasion de l’Ukraine ? En Allemagne, c’est du moins une probabilit­é. En témoigne le bond des importatio­ns allemandes de produits pétroliers en provenance d’Inde. Celles-ci ont été multipliée­s par douze sur un an entre janvier et juin 2023. Or, ce pays achète et transforme du pétrole russe.

Les achats de produits pétroliers indiens sont passés de « seulement 37 millions d’euros au cours des sept premiers mois de 2022 à 451 millions d’euros entre janvier et juillet 2023, soit une hausse de 1.127,4% », a indiqué ce mardi 12 septembre l’institut national de statistiqu­e Destatis.

Pour expliquer cette envolée, Destatis note que « l’Inde importe de grandes quantités de pétrole brut de Russie depuis l’invasion de l’Ukraine » et exporte aux entreprise­s allemandes « du gazole », produit à partir de brut. En conséquenc­e, « il est très plausible que l’Allemagne et d’autres pays européens achètent implicitem­ent du pétrole russe » de cette manière, conclut à l’AFP George Zachman, expert énergie du think tank bruxellois Bruegel.

Deux embargos sur le pétrole russe

Or, un embargo est censé empêcher les pays de l’UE de se fournir en or noir auprès de la Russie. En décembre 2022, l’Union européenne a d’abord mis en oeuvre un embargo sur le pétrole brut russe, bien que certains pays comme la Hongrie en soient exemptés. En outre, les pays du G7 auxquels s’est joint l’Australie imposent, eux, un prix plafond au baril de brut russe vendu sur le marché internatio­nal.

En février 2023, les 27 ont, cette fois, adopté un embargo sur les achats de produits pétroliers russes par voie maritime, lui aussi couplé à un prix plafond de ces produits appliqué par les pays du G7. Ces derniers, ainsi que l’Australie, avaient, en effet, annoncé vendredi dernier dans un communiqué commun, s’être entendus pour plafonner le prix des produits pétroliers russes.

Pour autant, difficile pour certains pays européens de se couper totalement de cette manne venue de Russie. À commencer par l’Allemagne qui importait, avant l’invasion de l’Ukraine en février 2022, un tiers de son pétrole de Russie, pour une valeur de près de plus de 1,2 milliard d’euros par mois.

Des exportatio­ns redirigées

Malgré les embargos, Moscou est parvenu à rediriger ses exportatio­ns d’hydrocarbu­res vers d’autres pays, Chine, Inde et Turquie en tête qui ne s’alignent pas sur la politique de sanctions des Etats-Unis et de l’Europe, mais qui eux-mêmes vendent des produits pétroliers raffinés aux Européens.

« Si du diesel ou de l’essence entre en Europe [...] en provenance d’Inde et produits avec du pétrole russe, c’est certaineme­nt un contournem­ent des sanctions et des mesures doivent être prises », a récemment dénoncé le chef de la diplomatie européenne, Josep Borell.

Selon une enquête de l’hebdomadai­re allemand Der Spiegel, le plafonneme­nt des prix, mis en place par les Occidentau­x, a également prouvé ses limites. Le mécanisme interdit aux entreprise­s basées dans les pays participan­ts de fournir des services pour le transport de brut russe au-delà de 60 euros le baril.

Or, « les transporte­urs et les assureurs ne doivent recueillir qu’une attestatio­n succincte de leurs clients », et « il n’est pas clair si (..) les autorités des pays du G7 vérifient ces attestatio­ns », selon Der Spiegel. Résultat, « dans les principaux ports d’exportatio­n russes, les prix du baril ont clairement dépassé la limite prévue de 60 dollars », affirme cette semaine l’hebdomadai­re, qui cite une étude de l’institut économique ukrainien KSE basé à Kiev.

Les exportatio­ns de pétrole russe se portent bien

Sans surprise, les exportatio­ns de pétrole russe ont atteint en mars 2023 leur plus haut niveau depuis trois ans. « Les exportatio­ns russes de pétrole en mars ont atteint leur plus haut niveau depuis avril 2020 grâce à l’augmentati­on des flux de produits qui sont revenus à des niveaux observés pour la dernière fois avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie », soulignait l’Agence internatio­nale de l’énergie (AIEA), basée à Paris, dans son étude mensuelle. En volume, les expédition­s totales de pétrole avaient ainsi bondi à 8,1 millions de barils par jour, en comptant les produits pétroliers raffinés.

En revanche, ces ventes ont procuré moins de recettes à Moscou qu’en 2022, d’après le rapport de l’AIE de mars. En valeur, les revenus estimés se sont élevés à 12,7 milliards de dollars, inférieurs de 43% moins élevés à mars 2022.

 ?? ?? Les exportatio­ns de pétrole russe ont atteint en mars 2023 leur plus haut niveau depuis trois ans. (Crédits : Reuters)
Les exportatio­ns de pétrole russe ont atteint en mars 2023 leur plus haut niveau depuis trois ans. (Crédits : Reuters)

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