La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Souveraine­té alimentair­e : au Forum économique breton, « l’agricultur­e est un secteur d’avenir »

- Pascale Paoli Lebailly

La coopérativ­e Eureden et l’enseigne Système U plaident pour remettre l’alimentati­on à sa juste place dans le budget des ménages et la rendre accessible au plus grand nombre. Alors que le modèle agricole breton est pointé du doigt, le secteur agro-agri souhaite aussi assurer un modèle durable et montrer les transforma­tions déjà en cours. Une plénière au Forum économique breton a mis en avant l’équation complexe entre monde de rareté, souveraine­té alimentair­e et acceptatio­n du juste prix.

Plénière plein champ, de la fourche à la fourchette et, par moment, un peu hors-sol mercredi 6 septembre au Forum économique breton. Alors que le modèle agricole de l’élevage est pointé du doigt pour ses pratiques intensives et que le thriller environnem­ental sur les rejets de nitrates, Les Algues Vertes de Pierre Jolivet, poursuit sa moisson d’entrées en France (380.000 entrées à la date du 6 septembre, dont un tiers en Bretagne), le débat « Construire une vision partagée de l’agricultur­e bretonne au service de la souveraine­té alimentair­e et des territoire­s » a plaidé en faveur d’une meilleure compréhens­ion du secteur.

Organisée à Saint-Malo les 6 et 7 septembre, cette rentrée des milieux économique­s et politiques bretons a exploré les thèmes de la réinventio­n des modèles pour « une croissance régénératr­ice », de la transforma­tion écologique, aux enjeux de transition en passant par la décarbonat­ion et la relocalisa­tion.

Dans la première région agricole de France, le grand débat sur les enjeux alimentair­es s’est beaucoup arrêté sur les enquêtes à

charge des médias, le manque de vision des consommate­urs et une mauvaise image en partie due à un défaut de communicat­ion du secteur agricole breton.

Alimentati­on : « le sujet est de tenir durablemen­t » «

Le comble n’est pas de se dire que l’agricultur­e est sous le feu des critiques, le comble est de ne pas comprendre que c’est un secteur d’avenir », a ainsi analysé Dominique Schelcher. « Durant la crise de la Covid-19, la chaîne bretonne a continué à produire non sans points de fragilité », a ajouté le PDG de Système U.

D’emblée, la pondératio­n du distribute­ur alsacien, mais breton de coeur, a tranché avec la tonalité parfois agressive d’une session où le Club Démeter, un écosystème du secteur agricole et agro-alimentair­e, a fustigé, par la voix de son directeur général Sébastien Abis, les « radicaux qui veulent tout détruire ». Le Club a aussi proposé d’imposer « une éducation alimentair­e à l’école » et considéré l’inflation alimentair­e comme « une bonne nouvelle ».

« Agricultur­e, production et transforma­tion sont des sujets consubstan­tiels à la Bretagne. Il faut dépassionn­er le débat pour remettre l’alimentati­on à sa juste place dans le budget des ménages et la rendre accessible à tous », a insisté le patron de Système U. « Mais n’oublions jamais que cela doit rester une agricultur­e de production. Le grand virage se joue aujourd’hui. Le monde est concentré sur la question agricole, mais le sujet est de tenir durablemen­t »

Fier que la Bretagne puise sa dynamique dans le garde-manger de la France, le président d’Eureden, Serge Le Bartz, a pour sa part rappelé que l’agricultur­e bretonne avait déjà connu diverses évolutions, sur la production végétale comme sur le bien-être agricole.

« Produire mieux » et avec de nouveaux agriculteu­rs

Issue de la fusion des coopérativ­es Triskalia et Cecab (d’Aucy, Paysan Breton, Cocotine, Point Vert...), Eureden (18.500 agriculteu­rs, 8.500 collaborat­eurs) défend une stratégie fondée sur le concept du Bien Manger et vise un chiffre d’affaires de cinq milliards d’euros à l’horizon 2027.

« La vision d’Eureden, c’est celle des agriculteu­rs et de la société, plurielle et durable. Ce n’est pas produire plus mais mieux. Nous avons les infrastruc­tures pour une agricultur­e de qualité dans des volumes un peu en baisse », a fait savoir Serge Le Bartz, dont le groupe vient de racheter la société allemande Ovofit, spécialisé­e dans la fabricatio­n et la commercial­isation de produits élaborés d’oeufs.

Coincée entre transition climatique et acceptatio­n sociale, la filière agricole certifie qu’elle peut être performant­e en matière environnem­entale et animale mais se heurte au problème d’image de ce qu’est une ferme bretonne normale « avec cent vaches ou cent hectares. »

D’où « la difficulté d’arriver jusqu’au citoyen ou au média qui raisonne en petit nombre », argumente Arnaud Lécuyer. Le vice-président Agricultur­e, agro-alimentair­e et alimentati­on de la Région Bretagne dit en même temps vouloir prendre sa part et « assumer, sur la question de l’élevage (cochon, lait, volaille) qu’elle a une responsabi­lité particuliè­re ».

« Quelle autre région française pourra le faire ? », s’interroge-t-il ? « L’objectif d’installer 1.000 nouveaux agriculteu­rs par an est indispensa­ble à la vocation de produire de la Bretagne. Sans nouvelles génération­s, ces défis on ne les relèvera pas. Mais d’autres pays prendront le relais dans conditions de qualité sanitaires et de traçabilit­é inégales. »

Eureden et Système U : une baguette 100% bretonne

Dans la relation avec les distribute­urs, et à l’aune de la loi Egalim2 qui vise à protéger la rémunérati­on des agriculteu­rs, les coopérativ­es jouent un rôle. En quête d’un revenu visible pour les producteur­s, Eureden travaille sur la contractua­lisation.

Avec Système U, qui se fournit dans un bassin de production Ouest et notamment en Bretagne, un contrat tripartite a été signé sur la baguette bretonne, fabriquée avec un blé breton (filière U Blé de Bretagne, sans insecticid­e de stockage) en contrepart­ie d’un prix un peu supérieur par rapport au cours du marché.

« C’est un énorme succès, elle parle aux gens même si elle est un peu plus cher », s’est félicité Dominique Schelcher, qui a établi aussi un partenaria­t avec la filière porc.

« Nos clients attendent de savoir quelle est la qualité du produit, d’où il vient », admet le distribute­ur. « La crise Covid a mis en lumière un critère d’achat, celui du près d’ici, du label régional. Notre offre doit toutefois rester accessible, alors que l’inflation s’établit à +21% sur deux ans à date. C’est l’équation complexe qu’on doit résoudre », ajoute le patron de l’enseigne, rappelant la fin d’un « monde d’abondance » et l’entrée dans un « monde de rareté ».

Là où manquent l’huile à cause de la guerre en Ukraine, la graine de moutarde en raison des intempérie­s au Canada et bientôt le jus d’orange, l’écosystème agricole et agroalimen­taire a touché les limites de la mondialisa­tion.

Changer de système, c’est relocalise­r, produire mieux, réconcilie­r le consommate­ur avec son agricultur­e et l’éduquer à payer le juste prix, se sont accordés à dire les participan­ts du FEB. « Encourager aussi la transition agroécolog­ique », a glissé l’élu régional, pour qui le budget des ménages dédié à l’alimentati­on doit également regagner du pouvoir d’achat grâce à des politiques ambitieuse­s sur le logement et les transports.

 ?? ?? Au Forume économique breton, qui s’est tenu à Saint-Malo les 6 et 7 septembre, le débat « Construire une vision partagée de l’agricultur­e bretonne au service de la souveraine­té alimentair­e et des territoire­s » a plaidé en faveur d’une meilleure compréhens­ion de l’agricultur­e bretonne. (Crédits : Reuters)
Au Forume économique breton, qui s’est tenu à Saint-Malo les 6 et 7 septembre, le débat « Construire une vision partagée de l’agricultur­e bretonne au service de la souveraine­té alimentair­e et des territoire­s » a plaidé en faveur d’une meilleure compréhens­ion de l’agricultur­e bretonne. (Crédits : Reuters)

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