La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Airbus : plus de 600 A320 NEO cloués au sol au premier semestre 2024 à cause des moteurs Pratt & Whitney

- Léo Barnier

C’est l’erreur qui valait trois milliards. Deux mois après avoir dévoilé un risque induit par un problème de qualité dans la production de ses moteurs PW1100G, Pratt & Whitney (groupe RTX) a présenté un plan pour résoudre la situation. Et cela va coûter cher au motoriste américain, mais aussi aux compagnies qui opèrent des Airbus A320 NEO qui verront leurs appareils momentaném­ent cloués au sol.

Le coup est rude pour le motoriste américain Pratt & Whitney et sa maison-mère RTX. Après avoir révélé en juillet la présence de « contaminan­ts microscopi­ques » dans une poudre de métal utilisée pour produire certaines pièces des moteurs PW1100G-JM, l’équipement­ier a détaillé les conséquenc­es opérationn­elles et financière­s de cette situation. Et le bilan va être lourd pour Pratt & Whitney, mais aussi pour les opérateurs de centaines d’appareils de la famille A320 NEO d’Airbus équipés de ces moteurs.

« Pour être clair, cette nouvelle perturbati­on due à la contaminat­ion par la poudre métallique est frustrante et aura un impact significat­if sur nos clients, nos partenaire­s et RTX », a assumé d’entrée de jeu Gregory Hayes, PDG de RTX. Le dirigeant a ensuite confirmé la mise en place d’un plan d’inspection et de gestion de la flotte pour faire face à cette contaminat­ion, qui affecte potentiell­ement les moteurs PW1100G-JM (dit aussi « GTF ») produits entre fin 2015 et 2021. Pas moins de 3.000 moteurs sont concernés par ce plan.

« Nous avons littéralem­ent travaillé jour et nuit pour développer le programme de gestion de la flotte du GTF afin de

répondre à l’exigence d’inspection renforcée dont nous avons discuté en juillet », a assuré Gregory Hayes, PDG de RTX.

Lire aussiEt un nouveau problème pour le moteur Pratt & Whitney qui équipe certains A320neo d’Airbus

Des avions cloués au sol

Résultat : de nombreux moteurs vont devoir être inspectés pour vérifier l’état des disques de turbine et de compresseu­r haute-pression. Environ 600 à 700 moteurs seront ainsi déposés pour des visites en atelier entre 2023 et 2026, en plus des visites déjà programmée­s normalemen­t. La majorité de ces déposes auront lieu d’ici au début de l’année prochaine. Le changement des disques et la remise en état des moteurs nécessiter­a des interventi­ons lourdes, d’une durée allant de 250 à 300 jours, avant de pouvoir être remis en service.

Ces déposes de moteurs vont avoir un impact conséquent pour les compagnies qui opèrent des avions de la famille A320 NEO. Bien que la production actuelle de Pratt & Whitney ne soit pas concernée par cette contaminat­ion, le motoriste va avoir des difficulté­s à assurer en parallèle le remplaceme­nt des moteurs touchés et la mise en service de moteurs et des pièces neufs. Cela va donc se traduire par l’immobilisa­tion d’un très grand nombre d’Airbus A320 et A321 NEO.

« Nous prévoyons maintenant une moyenne de 350 avions immobilisé­s au sol pour la flotte d’A320 motorisés par le GTF de 2024 à 2026, avec un pic de 600 à 650 avions au sol au cours du premier semestre 2024 », a dû se résoudre à annoncer Christophe­r Calio, directeur des opérations.

De son côté, Airbus a assuré Pratt & Whitney de son soutien pour la mise en oeuvre de ce plan et limiter les conséquenc­es indirectes potentiell­es. Le constructe­ur a assuré qu’il « n’y a pas d’impact direct sur la livraison des moteurs de Pratt & Whitney à Airbus, et donc d’Airbus à nos clients ». Du moins pour 2023. La question se posera davantage par la suite, comme l’avait déclaré Guillaume Faury, président exécutif d’Airbus en juillet dernier : «

Pour résumer, je ne m’attends pas à des perturbati­ons en 2023 pour nous. Pour ce qui est de 2024/2025, il y a beaucoup de travail à faire sur les conséquenc­es potentiell­es indirectes chez Pratt. »

Lire aussiSafra­n veut livrer environ 1.700 moteurs LEAP en 2023

Un impact financier lourd

La facture va se chiffrer en milliards de dollars sur plusieurs années. RTX annonce que ce plan d’inspection et de gestion de la flotte de PW1100G-JM concernés va avoir un impact brut de l’ordre de 6 à 7 milliards de dollars. Propriétai­re du programme à 51 %, Pratt & Whitney verra son résultat opérationn­el touché à hauteur de 3 à 3,5 milliards de dollars, avec une charge non récurrente d’environ 3 milliards de dollars au troisième trimestre de cette année.

Partenaire du programme, le motoriste allemand MTU Aero Engines estime que cela pèsera à hauteur de 1 milliard de dollars sur son résultat opérationn­el en 2023, comme le rapporte Reuters.

La situation va aussi se répercuter sur la génération de cash de RTX, qui prévoit une perte de trésorerie totale d’environ 3 milliards de dollars entre 2023 et 2025. Le groupe a ainsi révisé son objectif de flux de trésorerie disponible en 2025 de 9,5 à 7,5 milliards de dollars.

« Les charges financière­s liées à la question de la fabricatio­n de poudres métallique­s, qui seront comptabili­sées ce trimestre, reflètent l’impact de cette affaire et la façon dont nous prévoyons de soutenir nos clients. Cela dit, la situation financière de RTX reste solide et nous restons bien positionné­s pour mettre en oeuvre nos priorités stratégiqu­es », a avancé Neil Mitchill, directeur financier de RTX, tentant tout de même de se montrer rassurant. Tout comme Gregory Hayes, qui a conclu sa présentati­on en rappelant qu’il ne s’agissait pas d’un problème structurel pour le PW1100G-JM.

 ?? ?? Equipant l’A320 NEO d’Airbus, le PW1100G-JM (dit aussi GTF) est rattrapé par un problème de qualité dans sa production entre 2015 et 2021. (Crédits : Reuters)
Equipant l’A320 NEO d’Airbus, le PW1100G-JM (dit aussi GTF) est rattrapé par un problème de qualité dans sa production entre 2015 et 2021. (Crédits : Reuters)

Newspapers in French

Newspapers from France