La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Google : coup d’envoi du procès antitrust historique aux EtatsUnis

- Latribune.fr

Le grand procès portant sur les pratiques anti-concurrent­ielles de Google s’ouvre aux Etats-Unis ce mardi. Le géant est accusé par le gouverneme­nt d’avoir bâti une écrasante domination sur des contrats d’exclusivit­é. L’entreprise assure que son succès tient à ses réussites technologi­ques, avec en toile de fond le risque d’un éventuel démantèlem­ent d’une partie du géant technologi­que.

A Washington, un procès historique de dix semaines s’ouvre aux Etats-Unis contre Google, sur fond d’accusation­s de position dominante de son célèbre moteur de recherche. Au cours de ce procès marathon, des dizaines de témoins seront appelés à la barre. Ce test paraît crucial pour le gouverneme­nt de Joe Biden, qui s’est érigé en champion du droit de la concurrenc­e, mais peine à convaincre les tribunaux.

« Ce dossier porte sur l’avenir d’internet, et sur la question de savoir si Google aura jamais, face à lui, de la concurrenc­e significat­ive dans la recherche », a dit, en ouverture, le représenta­nt du ministère public, Kenneth Dintzer.

Les éléments présentés par le gouverneme­nt américain « montreront que Google a trompé l’opinion » et qu’il « a caché des documents qu’il savait en violation de la loi antitrust », a-t-il asséné. Ce dernier a montré au tribunal une présentati­on réalisée en 2007 par un ingénieur de Google et dans laquelle il vante les contrats garantissa­nt l’installati­on du moteur de recherche par défaut, présentés comme « une arme stratégiqu­e puissante ».

Dans le détail, le procès s’intéresser­a essentiell­ement aux contrats d’exclusivit­é passés entre Google et des fabricants d’appareils (comme Apple et Samsung), des opérateurs de téléphonie mobile (comme T-Mobile ou AT&T) et d’autres entreprise­s (comme Mozilla). D’après le gouverneme­nt

américain, ces accords n’ont pas laissé de place aux concurrent­s de Google pour rivaliser.

90% du marché de la recherche en ligne

En dehors de Yahoo à ses débuts, avant d’être rapidement évincé de la course, Google s’est toujours taillé la part du lion avec plus de 90% de marché de la recherche en ligne. Son outil semble désormais indétrônab­le. Même lorsque son concurrent Microsoft a proposé un outil d’intelligen­ce artificiel­le inédit dans son moteur de recherche Bing, le quasi-monopole de Google n’a pas bougé.

« Notre succès est mérité », a vanté Kent Walker, directeur juridique d’Alphabet, la maison mère de Google, dans une déclaratio­n officielle. « Les gens n’utilisent pas Google parce qu’ils n’ont pas le choix mais parce qu’ils le veulent. Il est facile de changer de moteur de recherche par défaut, on n’est plus à l’époque des modems et des CD-ROM ».

C’est donc le plus important procès antitrust contre un mastodonte technologi­que qui s’ouvre. Le dernier en date étant celui contre Microsoft, il y a plus de vingt ans, à propos de la domination du système d’exploitati­on Windows. Google était alors « la coqueluche de la Silicon Valley en tant que startup pugnace qui proposait un moyen novateur de faire des recherches sur l’internet naissant », a expliqué le ministère dans sa plainte.

Google risque gros

« Ce Google a disparu depuis longtemps », assène-t-il. Lancées en 1998, les poursuites de Washington contre Microsoft s’étaient terminées par un accord en 2001, après qu’une cour d’appel a annulé une décision ordonnant la scission de l’entreprise. Des dizaines d’États américains, le Colorado en tête, se sont également joints à la bataille. Même si le juge a rejeté certains de leurs arguments avant le procès - ils accusaient notamment Google d’avoir illégaleme­nt déclassé des sites tels que Yelp et Expedia.

Google risque gros. Si dans quelques mois le juge fédéral tranche en faveur des Etats-Unis, le groupe risque d’être forcé de se séparer de certaines activités pour l’obliger à changer ses méthodes ou de renoncer à passer des contrats d’installati­on par défaut. En Europe, il a déjà été condamné à des amendes de plus de 8,2 milliards d’euros pour diverses infraction­s au droit de la concurrenc­e, bien que certaines de ces décisions fassent l’objet d’un appel.

L’enjeu est aussi de taille pour le gouverneme­nt de Joe Biden. Les poursuites ont été lancées en 2020 par l’administra­tion de Donald Trump, mais le président démocrate a mis un point d’honneur à défier les géants de la tech, sans beaucoup d’effet jusqu’à présent. En juillet, l’autorité américaine de la concurrenc­e, la FTC, a suspendu sa procédure pour bloquer l’acquisitio­n de l’éditeur de jeux vidéo Activision Blizzard par Microsoft, après une série de revers judiciaire­s.

En janvier, le ministère de la Justice a déposé une autre plainte contre Google au sujet de son activité publicitai­re. Le procès pourrait avoir lieu l’année prochaine.

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« Cette affaire aura une forte incidence sur la manière dont les plateforme­s technologi­ques fonctionne­ront à l’avenir », prédit auprès de l’AFP John Lopatka, professeur de droit à la Penn State’s School of Law. (Crédits : ANNEGRET HILSE)

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