La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Toopi Organics lève 16 millions d’euros pour industrial­iser son engrais à base d’urine recyclée

- Jean-Philippe Déjean

Pionnier du recyclage de l’urine humaine en engrais agricole, en substituti­on pour le moment partielle des engrais minéraux, Toopi Organics s’apprête à passer au stade industriel. Avec une levée de fonds de 16 millions d’euros, elle prévoit de construire deux usines, en France et en Belgique, et vise 15 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2027.

En ces temps de vaches financière­s maigres, la levée de 16 millions d’euros annoncée ce mardi 12 septembre par Toopi Organics, startup en biotechnol­ogie installée dans le Sud Gironde, à Loupiac-de-la-Réole, ne pouvait pas passer inaperçue. L’opération financière bouclée par cette entreprise qui transforme l’urine humaine en un engrais agricole certifié, se divise en deux étages.

Avec tout d’abord la clôture d’une levée de fonds de série A (destinée aux jeunes entreprise­s qui sont sorties de la phase d’amorçage) pour un montant de 11 millions d’euros, avec comme chef de file le fonds d’investisse­ment singapouri­en VisVires New Protein (1). Les cinq millions qui complètent le tour de table ont été abondés par l’Agence de la transition écologique (Ademe), à hauteur de 3,8 millions d’euros, et par Bpifrance, qui a accordé à Toopi Organics pour 1,1 million d’euros de subvention­s, issues du programme France 2030.

Passer à la vitesse supérieure dans la collecte et la transforma­tion

L’ensemble de ces fonds va également faire office de levier pour mobiliser de la dette bancaire au cours des prochains mois, pour un montant qui n’a pas été précisé. Les 16 millions d’euros levées par Toopi Organics, dont Michael Roes, est le président, vont lui permettre d’étendre son réseau de collecte d’urine humaine et de développer sa production d’engrais. Comme l’a confirmé la directrice générale Alexandra Carpentier, ces fonds vont servir à la jeune entreprise à booster sa collecte d’urine humaine, en

équipant de récupérate­urs de nouveaux sites en France et en Belgique, mais aussi à décupler sa capacité à transforme­r l’urine humaine en passant à la taille industriel­le, avec la constructi­on de deux usines : une dans le Sud Gironde, juste en face du siège social, l’autre en Belgique.

« Nous allons construire d’ici 2027 deux usines d’une capacité unitaire de transforma­tion d’un million de litres par an. Lactopi Start, commercial­isé en France et en Belgique, est le premier biostimula­nt produit par Toopi Organics. Nous allons en développer deux autres, et nous visons la réalisatio­n de 15 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2027 », annonce la directrice générale.

La startup, qui devrait réaliser 100.000 euros de chiffre d’affaires cette année, vise 3 millions d’euros en 2025 et donc 15 millions en 2027 : un décollage explosif. À cette date Toopi Organics espère bien transforme­r plus de 2 millions de litres d’urine, ce qui permettra d’éviter de souiller 24 millions de litres d’eau potable aux toilettes. Le montant de cet investisse­ment n’est pas précisémen­t connu mais il devrait avoisiner les quatre millions d’euros pour les deux usines, sachant qu’il faut en moyenne compter deux millions d’euros d’investisse­ment pour traiter un million de litres d’urine.

France et Belgique : les deux marchés privilégié­s

En démarrant son activité, Michael Roes a eu la chance de rencontrer François Gérard, jeune ingénieur agronome belge. Les deux hommes vont sympathise­r et François Gérard prendre la tête de la startup girondine en Belgique. « François Gérard travaille depuis quatre ans sur la transforma­tion de l’urine en biostimula­nt, ce qui nous a permis de nous développer en Belgique, où nous avons commencé à vendre avant la France (pour des raisons règlementa­ires -Ndr). Et puis de réaliser aussi plusieurs campagne de collecte d’urine, ainsi qu’aux Pays-Bas. Cette année, sans oublier bien sûr la France, avec les festivals, l’équipement de certains stades, les aires d’autoroute ou encore les manifestat­ions sportives -nous sommes par exemple présents au Village Rugby, à Bordeauxno­us avons réussi à collecter 300.000 litres d’urine depuis janvier », rembobine en substance Michael Roes. La startup, qui emploie 30 personnes, compte doubler son effectif d’ici 2025.

La Société coopérativ­e agricole de la Meuse (Scam),

en Belgique, qui a commencé à tester l’urine transformé­e de Toopi Organics continue des essais qui ont l’air prometteur­s. Etienne Tavier, chef de production à la Scam, a précisé lors de la conférence de presse de ce mardi matin, en visioconfé­rence, qu’il fallait en moyenne 10.000 litres d’urine transformé­e pour enrichir 400 hectares, ce qui a été fait avec succès sur des cultures de chicorée, pomme de terre ou encore betterave. En plus de l’atout cultural purement technique, l’autre attrait de cette urine transformé­e c’est qu’elle constitue un engrais saint dont le prix ne subit pas les variations du marché internatio­nal.

(1) VisVires New Protein a été suivi par les fonds à impact Edaphon, Noshaq et Maif impact, sans oublier BNP Paribas développem­ent. Un tour de table auquel ont également participé les investisse­urs historique­s, dont l’Irdi, Johes et MakeSense .

 ?? ?? Alexandra Carpentier et Michael Roes (Crédits : Toopi Organics)
Alexandra Carpentier et Michael Roes (Crédits : Toopi Organics)

Newspapers in French

Newspapers from France