La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

L’apprentiss­age bondit en Auvergne-Rhône-Alpes

- Emma Rodot

En 2023, le nombre d’apprentis a progressé de 15 % dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, relèvent l’Institut supérieur des métiers (ISM) et la Mutuelle d’assurance des artisans de France (MAAF) dans leur baromètre annuel, que publie La Tribune en exclusivit­é. Cette tendance, à la hausse depuis la réforme de l’apprentiss­age de 2018, s’explique par l’incitation financière de l’Etat, mais aussi par un maillage territoria­l plus important des centres de formation, selon les deux organismes. Si certains secteurs font pourtant face à des difficulté­s de recrutemen­t, l’apprentiss­age reste une voie privilégié­e par les entreprise­s et les étudiants. Dans la région, c’est notamment le cas dans le bâtiment et l’industrie. Explicatio­ns.

L’apprentiss­age a le vent en poupe... Et s’adresse à des niveaux de diplômes de plus en plus élevés, comme à des personnes en reconversi­on. Ce sont les tendances relevées par le baromètre de la formation profession­nelle dans l’artisanat (32 % des apprentis), réalisé par l’Institut supérieur des métiers (ISM) avec la Mutuelle d’assurance des artisans de France (MAAF). S’appuyant sur les données de fichiers nationaux de l’Education nationale, il offre quatre fois par an une lecture nationale et régionale de la santé de la formation en entreprise­s.

En Auvergne-Rhône-Alpes, le nombre d’apprentis (jusqu’à 30 ans, à ne pas confondre avec les contrats de profession­nalisation) a ainsi augmenté de 15 % durant l’année scolaire 2021-2022, pour atteindre le 27 850 jeunes, après une année déjà très favorable en 2020, avec + 17 % de contrats supplément­aires. Cette tendance, à la hausse partout en France (+ 14 % en moyenne), trouve d’abord son origine dans les investisse­ments de l’Etat en direction des entreprise­s et des centres de formation depuis la loi de 2018, indique Catherine Elie, directrice des études pour l’ISM-MAAF: « Elles recrutent d’autant plus que la réforme de l’apprentiss­age vient les soutenir », avec des aides pour la première année de formation. Le budget de France compétence­s, l’organe public opérationn­el lancé en cinq ans plus tôt par le gouverneme­nt, frôle cette année les 15 milliards d’euros.

« Le nombre d’apprentis dépend du volume d’entreprise­s »

En Auvergne-Rhône-Alpes, 69 % des apprentis trouvent un emploi dans les six mois après leur diplôme en moyenne. Et la moitié des jeunes formés poursuiven­t dans la même entreprise. Le secteur du bâtiment bénéficie toujours du plus grand nombre d’apprentis, avec plus de 11 030 postes en 2023, soit 40 % des contrats. Pourtant, la filière souffre toujours d’un manque conjonctur­el de main-d’oeuvre, tout en amorçant progressiv­ement une crise que de nombreux analystes pressenten­t comme durable.

Si le nombre d’apprentis progresse, « l’heure est au rééquilibr­age » dans ces secteurs, selon Catherine Elie qui explique que « le nombre d’apprentis dépend du volume d’entreprise­s ». Dans la boulangeri­e et le bâtiment, le taux d’apprentiss­age est toujours haut, mais ne pourvoit pas à l’ensemble des postes.

« En Auvergne-Rhône-Alpes, l’apprentiss­age progresse un peu plus que la moyenne nationale. Tous les indicateur­s sont en hausse dans tous les secteurs et dans tous les territoire­s, ruraux (+25 % dans le Cantal, +14 % en Savoie) comme urbains (+23 % dans le Rhône). »

Catherine Elie, directrice des études pour l’ISM-MAAF

Dans la branche « production », la sous-traitance est un axe fort de la 1ère région industriel­le de France. « Les métiers de l’artisanat sont très bien répartis en France. Ce qui peut distinguer la région Auvergne-Rhône-Alpes des autres, c’est plutôt son industrie ».

Des études plus longues, et plus de reconversi­ons

L’engouement pour l’apprentiss­age, qui constitue l’une des antennes du dispositif « 1 jeune, 1 solution » promu par le gouverneme­nt, s’explique d’abord par la situation de « gagnant-gagnant pour les étudiants et les employeurs », estime Catherine Elie. Les entreprise­s sont accompagné­es par l’Etat pour financer la première année d’apprentiss­age. Les étudiants y trouvent aussi leur compte en étant rémunérés pendant leur formation.

Mais cette évolution est surtout à attribuer à des tendances de fond, à l’oeuvre dans le monde du travail : « Les apprentis réalisent des études plus longues. Par exemple, après un CAP boulangeri­e en deux ans, il est possible de se spécialise­r avec une ou deux années supplément­aires en pâtisserie, ou en gestion ». Ainsi, certains apprentis dans l’artisanat réalisent des études non plus en deux ans, mais en quatre, voire cinq ou six ans, parfois dans des entreprise­s différente­s, remarque Catherine Elie.

« Le fait que les jeunes prolongent de plus en plus leur formation est tout nouveau. L’artisanat, souvent associé à des emplois moins qualifiés, suit cette tendance générale, à la hausse. Nous assistons à une élévation tendanciel­le du niveau de compétence­s requis. Là où 60 à 65 % des CAP trouvent un emploi dans les six mois, les apprentis de niveau bac (avec un brevet profession­nel par exemple) et BTS ont un taux d’employabil­ité de 90 % ».

Catherine Elie, directrice des études pour l’ISM-MAAF

Dans cette même veine, près d’ des apprentis actuels dans l’artisanat (métiers de l’alimentati­on, du bâtiment, de la fabricatio­n et des services) se sont reconverti­s en cours d’études (auparavant issus d’un autre domaine d’apprentiss­age, voire de l’université). Et 10 % viennent même d’une autre branche profession­nelle.

 ?? ?? L’apprentiss­age a progressé de 15 % en 2021-2022 dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, selon le baromètre de l’Institut supérieur des métiers et de la Mutuelle d’assurance des artisans de France. (Crédits : Laurent Cerino / ADE)
L’apprentiss­age a progressé de 15 % en 2021-2022 dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, selon le baromètre de l’Institut supérieur des métiers et de la Mutuelle d’assurance des artisans de France. (Crédits : Laurent Cerino / ADE)

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