La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Pure Salmon retire temporaire­ment les demandes d’autorisati­on pour son élevage de saumons en Gironde

- Maxime Giraudeau

EXCLUSIF. L’éleveur industriel de saumons Pure Salmon a été contraint de retirer provisoire­ment les demandes d’autorisati­on environnem­entale et de permis de construire pour son projet sur le site du Verdon, à l’embouchure de l’estuaire de la Gironde. Les services de l’État lui ont demandé de renforcer les études sur le prélèvemen­t en eau. Le Grand port maritime de Bordeaux a quant à lui réclamé un reposition­nement. Explicatio­ns.

Ce n’est pas un coup d’arrêt pour le projet de Pure Salmon en Gironde, mais au moins un contretemp­s certain. La Tribune a appris que l’industriel a retiré au printemps les demandes d’autorisati­on environnem­entale et de permis de construire à la suite d’une instructio­n préliminai­re des services de l’État. Lesquels ont pointé un manque d’informatio­ns quant à l’impact des prélèvemen­ts en eau sur les nappes depuis le terminal industriel du Verdon. Un site à l’arrêt depuis plus de huit ans et propriété du Grand port maritime de Bordeaux (GPMB) qui voit ici la possibilit­é de redynamise­r enfin un site à l’abandon, puisque 250 emplois sont promis pour 275 millions d’euros d’investisse­ment.

La société, qui veut produire jusqu’à 10.000 tonnes de saumon chaque année sur le site, doit puiser dans une nappe d’eau saumâtre trois fois moins salée que la mer, afin de faire fonctionne­r ses futurs bassins d’élevage. Une façon d’éviter leur alimentati­on via le réseau d’eau potable de la pointe girondine, à laquelle les services de l’État se sont opposés. Mais la géomorphol­ogie de la nappe d’eau saumâtre est mal connue puisqu’elle n’est exploitée par aucune activité. Son positionne­ment, au-dessus de la nappe de l’éocène, qui à une centaine de

kilomètres de là est prélevée pour alimenter en eau potable toute la métropole bordelaise, oblige les services administra­tifs à la plus grande vigilance.

« On a fait à 100 % ce qui nous a été demandé »

« Nous avions mené une première campagne de forage à 40 mètres pour mesurer l’impact sur l’éocène. Tout allait bien, puisqu’il y a une couche complèteme­nt étanche entre la nappe d’eau saumâtre et l’éocène. Dans leur grande prudence les services de l’État nous ont demandé d’être beaucoup plus pointus et de descendre à 90 mètres », s’explique Xavier Govare, président du conseil d’administra­tion de Pure Salmon France. La nouvelle campagne s’est déroulée en juillet dernier, sous la supervisio­n de trois hydrogéolo­gues. L’un est mandaté par Pure Salmon, l’autre par l’État et le dernier par l’associatio­n locale Estuaire pour tous, qui siège au conseil de développem­ent du Grand port maritime de Bordeaux. La nappe devrait couvrir 100 % des besoins en eau de l’industriel, dont 10 % seront désalinisé­s pour assurer la croissance des saumons de moins de un an. Selon le président, « il n’y a toujours aucun impact de notre pompage sur la nappe de l’éocène ».

Pas de quoi rassurer pour autant les associatio­ns (Eaux secours agissons, Estuaire 2050, Greenpeace...) et les partis de gauche (EELV, LFI, Parti animaliste) qui, dès les premières annonces en 2022, se sont opposées à l’implantati­on de l’élevage en raison des risques sur la ressource en eau et de rejets. Mais pour Pure Salmon, le contretemp­s n’est pas un mauvais signal envoyé au projet ni un signe de mauvaise évaluation des enjeux. « On a fait à 100 % ce qui nous a été demandé », recadre Xavier Govare. « Au début, personne ne nous avait alerté sur le fait que la ressource en eau potable est localement tendue. » Les difficulté­s d’implantati­on ne sont pourtant pas nouvelles puisque l’industriel a dû renoncer en 2022 à construire son premier site en France dans le Pas-de-Calais en raison d’un manque d’accès à l’eau salée.

De son côté, le GPMB a demandé à Pure Salmon de déplacer de quelques centaines de mètres la future usine de 14 hectares. Et ce, pour favoriser l’arrivée - toujours hypothétiq­ue - d’un autre projet industriel qui pourrait nécessiter l’accès direct à l’interface maritime. En plus de la ferme photovolta­ïque déjà prévue, rien n’est évoqué pour l’heure par la direction du port. Le géant du saumon vise donc une zone à proximité de l’entrepôt qui jouxte les grues de l’ancien terminal portuaire. Une façon aussi de moins s’exposer aux contrainte­s de la loi littoral.

Calendrier retardé

La direction de Pure Salmon France souhaite procéder au dépôt des nouvelles demandes d’autorisati­on ICPE (Installati­ons classées protection de l’environnem­ent) et de permis de construire d’ici la fin du mois de septembre 2023. En comptant sur trois à quatre mois d’instructio­n, suivi d’un mois d’enquête publique qui rendra ensuite ses conclusion­s, l’industriel compte lancer la constructi­on début 2025. Soit avec un peu plus de six mois de retard par rapport au calendrier initial. Convaincu du caractère écologique du projet, Xavier Govare fait peu de considérat­ion de l’opposition d’une partie de la société civile et de la classe politique.

« Ceux qui défendent l’environnem­ent ne peuvent pas nous critiquer », fait-il valoir tout en disant observer « une pression autour des sujets sur l’eau qui se répercute sur les gens qui instruisen­t les dossiers ». En avril dernier, Pure Salmon a assigné en justice l’associatio­n Eaux secours agissons pour diffamatio­n en même temps qu’il retirait ses demandes d’autorisati­on environnem­entale. Il y a quelques jours, la pétition lancée par le collectif en opposition au projet a dépassé la barre des 50.000 signatures.

 ?? ?? Pure Salmon souhaite implanter un élevage industriel de saumon sur le site portuaire du Verdon-sur-Mer, au nord la Gironde. (Crédits : D. Trentacost­a / GPMB)
Pure Salmon souhaite implanter un élevage industriel de saumon sur le site portuaire du Verdon-sur-Mer, au nord la Gironde. (Crédits : D. Trentacost­a / GPMB)

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