La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)
Brevets européens : quelles sont les régions et filières françaises qui tirent l’innovation ?
Et ce, grâce à la « forte présence des industries pharmaceutiques et chimiques à Lyon et l’électronique à Grenoble », pointe Yann Ménière. Ainsi qu’au « poids très important du CEA (commissariat à l’énergie atomique) et de la recherche universitaire dans ce domaine-là. »
Et c’est peu dire. À lui seul, le CEA se positionne comme le deuxième dépositaire de brevets en France avec 523 demandes. Le nombre de dépôts de brevets en chimie organique fine a également connu une augmentation significative de 21,7 % en 2023 sur le territoire français. En Occitanie, troisième région la plus active, c’est l’industrie aéronautique, portée notamment par la présence de grands industriels du secteur comme Airbus, Atos ou encore Dassault Systèmes, qui marque le territoire.
On observe, a contrario, un nombre très faible de demandes dans les outre-mer français. « Il y a une tendance générale, quasiment fractale, à la concentration des capacités d’innovations. Il y a des effets boules de neige qui tendent à concentrer les ressources et les investissements autour de certains pôles. »
Les startups et les PME, particulièrement actives
Le classement des entreprises les plus prolifiques en matière de dépôts de brevets se compose essentiellement de sociétés cotées en bourse et de centres de recherche comme le CEA, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l’IFP Energies nouvelles (IFPEN) et le centre national de la recherche scientifique (CNRS). Ce qui s’explique par les moyens dont ils disposent pour financer leur R&D, le dépôt de brevets et par un besoin croissant de se protéger contre la concurrence.
Pour autant, les PME constituent la majorité des déposants, met en exergue le chef économiste de l’OEB. A elles seules, elles ont déposé 23% des brevets totaux recensés en 2023. Une catégorie se montre particulièrement dynamique, celle des startups. L’office européen des brevets a même développé en novembre dernier un outil, Deep Tech Finder, pour recenser celles qui ont déposé des brevets auprès de celui-ci. Environ 8.000 ont été détectés dont 568 en Ile-de-France.
« Ces sociétés ont des besoins en financement plus élevés que les startups et les PME qui ne déposent pas de brevets car ils font de la R&D. Ils ont besoin d’amener leur technologie sur le marché, ce qui est plus gourmand en investissement et plus long également », développe Yann Ménière.
Ce dynamisme des PME est d’autant plus marquant que, contrairement à son voisin allemand, la France ne possède pas une forte culture du brevet, constate l’économiste.
Le brevet européen unitaire, véritable facilitateur
« Il y a également des difficultés liées à la mise à l’échelle, à la croissance au niveau du marché européen pour ces sociétés car elles doivent entrer dans différents pays », débute Yann Ménière. « Lorsque l’OEB vous délivre un brevet européen vous devez ensuite le faire valider en un brevet français, belge, et le maintenir séparément avec des avocats différents dans chaque pays. » Un système complexe et coûteux pour des entreprises en développement.
Pour réduire ces freins, l’OEB a introduit, en juin dernier, le brevet européen unitaire, c’est à dire, « un brevet unique pour 17 pays membres de l’Union européenne avec un tribunal dédié, un seul avocat et une seule redevance à payer ». Ce qui simplifie profondément l’ancien processus.
« Le brevet unitaire a l’air de bien prendre au niveau des PME. Pour la demande de brevet unitaire, les PME représentent 34 % des demandes. Et la part de PME demandant des brevets européens est passée de 20 à 23 %, on peut y voir un effet du brevet unitaire à confirmer », se réjouit l’économiste.
En France, près de 1.300 demandes d’effet unitaire (transformation d’un brevet européen classique en un brevet européen unitaire) ont été déposées en 2023 par des détenteurs français de brevets européens. Cet outil s’ajoute à une baisse des redevance pour les très petites entreprises, poussant ainsi à un changement culturel et encourageant au dépôt de brevet et donc à la sécurisation et la protection des innovations.
Autre changement apporté par l’OEB cette année, la prise en compte du nombre de femmes parmi les inventeurs de ces innovations. Ce nouvel indicateur montre que 27 % des demandes de brevets en provenance de l’Europe citent au moins une femme comme inventeur. ▰