La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Réseaux d’eau : « Ce n’est pas un problème d’argent mais de gouvernanc­e et de manque d’ingénierie » (préfet de l’Hérault)

-

Pas question de se reposer sur d’hypothétiq­ues facteurs rassurants. Le représenta­nt de l’Etat souligne que la situation dans le départemen­t de l’Hérault « n’est pas loin de celle des Pyrénées-Orientales », très critique donc, justifiant la visite, ce 21 mars du ministre de l’Ecologie, Christophe Béchu. Il précise qu’à ce jour, douze communes de l’Hérault sont déjà en difficulté « et plusieurs dizaines pourraient l’être cet été ».

27% de l’eau potable perdue

François-Xavier Lauch a présenté un plan d’urgence de la ressource en eau dont la première marche est l’informatio­n et la sensibilis­ation des habitants « pour obtenir des citoyens des économies d’eau, non sous le mode de la contrainte mais de la sensibilis­ation ». Pour ça, la préfecture renforce son outil RestrEAU qui alimente le dispositif d’alerte Cons’Eau 34, un outil en ligne détaillant les restrictio­ns d’usage de l’eau par commune (avec des niveaux d’alerte vert, jaune - comme c’est le cas en ce moment -, orange et rouge), avec l’objectif « d’économiser les 10 à 15% d’eau qui nous permettron­t de passer l’été ».

Autre axe fort du plan eau : la persistanc­e de la task-force entre l’Etat, l’AMF et le Conseil départemen­tal pour gérer la crise, aux côtés de l’agence de l’eau, de l’ARS et de Hérault Ingénierie. Ce satellite du Conseil départemen­tal viendra en soutien des maires des petites communes, dépourvus de compétence­s ad hoc.

Enfin, le préfet promet un travail au long cours « pour dépasser ce plafond de verre qui fait que les canalisati­ons perdent 27% de l’eau potable qu’elles transporte­nt, que des raccordeme­nts entre syndicats ou intercommu­nalités ne soient pas faits pour diverses raisons. Et ce n’est pas un problème d’argent puisque tous les crédits des agences de l’eau n’ont pas été utilisés, ces dernières permettant de subvention­ner des projets à hauteur de 60 à 70%. Les principaux problèmes, ce sont la gouvernanc­e et le manque d’ingénierie ».

Attention à éviter les conflits d’usage

« Il faut qu’on se pose les bonnes questions sur l’utilisatio­n des eaux usées, ajoute-t-il. Aujourd’hui, dans le départemen­t, il y a six stations où ça se fait, des textes sortent et ça doit devenir possible pour autre chose que l’arrosage des golf, comme le nettoyage des rues ou l’arrosage des espaces verts. Et je souhaite qu’on lance un débat sur la tarificati­on de l’eau. (...) On sait qu’on va avoir moins d’eau ou de l’eau en masse, mais je pense qu’on aura assez d’eau potable. Mais attention à ne pas être en conflit sur les usages de l’eau : le pire serait d’opposer le consommate­ur individuel, l’entreprise, l’agricultur­e ou l’industriel. Il faut hiérarchis­er les usages de l’eau avant ».

Sur le volet agricole, François-Xavier Lauch souligne qu’« il y a 30% de récoltes en moins, par manque d’eau. On pourrait penser qu’irriguer la vigne est une hérésie, mais ici, s’il n’y a pas la vigne, il n’y a plus rien ! La question est plutôt de savoir quelles zones on se permet d’irriguer et quelle est la bonne surface du vignoble à terme ».

Concernant les retenues d’eau, il assure n’avoir rien contre : « J’ai recensé six projets dont trois portés par le conseil départemen­tal et qui sont en phase de consultati­on. Elles sont à des fins agricoles, mais pourquoi pas. Je pense qu’il faut être opportunis­te sur ces sujets. Et peut être qu’un jour, il faudra étudier de potabilise­r et dessaler l’eau, même si on n’en est pas là... Il ne faut rien s’interdire ! ».

« Un gymnase peut attendre, l’eau non »

D’ici au 1er janvier 2026, la loi prévoit le transfert obligatoir­e des compétence­s eau potable et assainisse­ment collectif aux intercommu­nalités. Une obligation qui rencontre quelques résistance­s dans certaines communes.

« Il faut aller vite sur l’intercommu­nalisation de la gouvernanc­e de l’eau, met en garde le représenta­nt de l’Etat. Il y a aujourd’hui 24 structures, intercommu­nales ou syndicats, de gestion de l’eau potable mais il reste encore des communes toutes seules dans leur coin et là il faut aimer vivre dangereuse­ment ! »

Frédéric Roig, maire de Pégairolle­s-de-l’Escalette, est le président de l’AMF 34 : « C’est vrai qu’il y a encore trop de communes isolées, mais certaines n’ont pas forcément envie de mettre la gestion des réseaux, plus ou moins bonne, en commun ! Certaines ont déjà fait des investisse­ments importants et d’autres n’ont pas pu. Il y a aussi la question de comment on priorise les investisse­ments qui constituen­t un frein pour rentrer dans une logique collective intercommu­nale du réseau... Pour les maires, les défis sont nombreux et ça impose un travail de hiérarchis­ation ».

Sur ce sujet, le préfet se montre ferme : « Il faut rehausser les investisse­ments sur l’eau très haut dans la hiérarchie par rapport aux autres investisse­ments. Gouverner, c’est choisir sinon le péril est grand ! Un gymnase peut attendre, l’eau non ! ».

Newspapers in French

Newspapers from France