La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)
Sénégal : après des semaines de chaos, Bassirou Diomaye Faye, le candidat antisystème est reconnu président
déjà félicité. Sa victoire « est presque acquise parce que d’après ce qu’on voit, d’après les chiffres qui viennent de tomber là, je vous dis qu’il n’y aura pas de deuxième tour », se réjouissait par avance Serigne Aïssanine, coordinateur jeunesse de la coalition Diomaye Président.
Un candidat antisystème au pouvoir
Bassirou Diomaye Diakhar Faye, 44 ans, jamais porté à une fonction élective nationale auparavant, devrait donc devenir le cinquième président de ce pays ouest-africain de 18 millions d’habitants, et le plus jeune de son histoire. Surtout, bénéficiant d’une loi d’amnistie, le quasi président est sorti de onze mois d’emprisonnement dix jours avant l’élection, en même temps que son guide et chef de leur parti dissous Ousmane Sonko.
En avril 2023, Bassirou Diomaye Faye avait été inculpé et écroué pour outrage à magistrat, diffamation et actes de nature à compromettre la paix publique, selon un de ses avocats, après la diffusion d’un message critique contre la justice dans les affaires Sonko. En juillet, Ousmane Sonko le rejoint, accusé notamment d’« appel à l’insurrection ».
Ce dernier s’est défini comme le « candidat du changement de système » et d’un « panafricanisme de gauche ». Son programme insiste sur le rétablissement de la « souveraineté
» nationale, bradée selon lui à l’étranger. Il a promis de combattre la corruption et mieux répartir les richesses, et dit ne pas avoir peur de sortir du franc CFA, y compris en allant jusqu’à la création d’une nouvelle monnaie nationale, une mesure que son adversaire Amadou Ba a dénoncé comme un « non-sens
» économique. Il s’est aussi engagé à renégocier les contrats miniers, gaziers et pétroliers conclus avec des compagnies étrangères étant donné que le Sénégal pourrait commencer à produire du gaz et du pétrole en 2024.
Vers la fin d’une crise politique?
L’élection présidentielle marque donc une pause dans les tensions qui frappent le pays depuis plus d’un mois.
Pour rappel, le Sénégal, réputé pour sa stabilité dans une région secouée par les coups d’Etat, traverse l’une des pires crises politiques de son histoire post-indépendance depuis l’annonce le 3 février par le président Sall du report de facto de la présidentielle, prévue à l’origine le 25 février, justifiant sa décision par la crainte d’une contestation du scrutin susceptible de provoquer de nouveaux accès de violence après ceux de 2021 et 2023. L’Assemblée nationale a ensuite repoussé le scrutin au 15 décembre après avoir fait évacuer l’opposition de force et prolongé le mandat du chef de l’Etat jusqu’à l’installation de son successeur.
Une décision très mal reçue par l’opposition et la société civile qui ont crié au « coup d’Etat constitutionnel », accusant le camp présidentiel de vouloir éviter la défaite de son candidat Amadou Ba, et suspectant l’ancien président Macky Sall de vouloir se maintenir au pouvoir. Dans la foulée, de violents heurts ont fait trois morts lors de manifestations réprimées, ayant aussi donné lieu à des dizaines d’interpellations.
Finalement, le 16 février, le Conseil constitutionnel a invalidé la décision du chef de l’Etat, Macky Sall, de reporter l’élection présidentielle prévue à l’origine fin février.