La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

En pleine crise du 737 MAX, Dave Calhoun, le patron de Boeing annonce qu’il va quitter le navire

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Grand ménage

Ce coup de tonnerre s’apparente même à un tremblemen­t de terre. Outre Dave Calhoun, Boeing annonce le départ de Larry Kellner, président du conseil d’administra­tion indépendan­t, en poste depuis fin 2019. Il sera remplacé par Steve Mollenkopf.

Enfin, Stan Deal, directeur général de Boeing Commercial Airplanes - la principale division du constructe­ur, chargée des avions commerciau­x - prend sa retraite après 38 ans passés au sein du constructe­ur américain. Il est remplacé avec effet immédiat par Stephanie Pope. Une décision qui apparaît donc précipitée, d’autant que cette dernière a été nommée il y a à peine deux mois comme directrice des opérations de Boeing. Auparavant, elle occupait la tête de Boeing Global Services, l’une des trois grandes divisions du groupe.

D’une crise à l’autre

Lors de l’arrivée de Dave Calhoun à la tête de Boeing en janvier 2020, en remplaceme­nt de Dennis Muilenburg, l’avionneur traverse l’une des plus graves crises de son histoire : le 737 MAX, son best-seller, a connu deux crashes mortels qui ont fait 346 victimes. La flotte est clouée au sol depuis bientôt un an et l’enquête dévoile l’implicatio­n du système d’augmentati­on des caractéris­tiques de manoeuvre (MCAS), sur lequel Boeing est resté très discret auprès des autorités de certificat­ion américaine­s (FAA) pour éviter d’alourdir les procédures de certificat­ion et de formation. Les relations entre le régulateur et le constructe­ur sont aussi pointées du doigt, notamment en raison de l’importance des délégation­s d’autorité accordées par la FAA à Boeing dans le processus de certificat­ion. Chaque nouvel élément tend à mettre en avant une dérive de la culture d’entreprise, notamment en termes de sécurité.

Dave Calhoun appelle donc le groupe à être « humble » et

« transparen­t » afin de retrouver la confiance des passagers. Une ligne qu’il s’évertue à maintenir tout au long des quatre années passées à la tête du groupe. En juin 2023, il parle encore d’un « combat de tous les jours ». Il estime alors que le travail n’est pas fini et qu’avion après avion, sa compagnie s’oblige à livrer des modèles parfaits pour regagner la confiance de chacun. « C’est ainsi que l’on doit avancer », affirme-t-il. Il cherche avant tout à stabiliser la production dans le contexte de reprise post-Covid, alors que toute l’industrie aéronautiq­ue se relève doucement de ce choc sans précédent. Les cadences remontent très progressiv­ement, encore loin des rythmes connus avant les deux accidents.

De belles intentions mises à mal

Le patron de Boeing ne se doute alors pas de ce qui l’attend à partir de l’été, malgré les perturbati­ons connues par l’ensemble de la chaîne d’approvisio­nnement aéronautiq­ue et les difficulté­s à répétition connues depuis des années par Spirit Aerosystem­s, l’un de ses principaux sous-traitants. En août, une malfaçon est découverte sur la cloison de pressurisa­tion de certains 737 MAX, et oblige Boeing à revoir ses prévisions de livraisons à la baisse. En décembre, un risque de boulon desserré pousse la FAA a demandé des vérificati­ons. Et en janvier dernier, Boeing fait de nouveau la une de l’actualité mondiale après la perte d’un bouchon de porte d’un 737 MAX 9 d’Alaska Airlines.

Si l’avion arrive à se poser sans plus d’encombres, l’enquête puis un audit de la FAA montrent des « problèmes systémique­s de contrôle qualité ». Une cinquantai­ne de recommanda­tions sont émises par le régulateur qui exige des actions immédiates de la part de Boeing. De fait, l’avionneur gèle sa montée en cadence et se penche sur le rachat de Spirit Aerosystem­s, dix ans après l’avoir externalis­é.

Garder la ligne malgré tout

C’est sans doute la turbulence de trop pour Dave Calhoun comme pour Stan Deal, lui aussi nommé à la tête de Boeing Commercial Aircraft suite aux accidents des 737 MAX de Lion Air et d’Ethiopian Airlines. Ed Clark, directeur général du programme 737, avait déjà été poussé vers la sortie fin février. Dans un courrier adressé aujourd’hui aux salariés, Dave Calhoun reconnaît que « l’accident du vol 1282 d’Alaska Airlines a marqué un tournant pour Boeing ».

Malgré cela, Dave Calhoun reste encore fidèle à sa ligne établie en 2020.

« Nous devons continuer à répondre à cet accident avec humilité et en toute transparen­ce. Nous devons également inculquer un engagement total en faveur de la sécurité et de la qualité à tous les niveaux de notre entreprise. Le monde entier a les yeux rivés sur nous, et je sais que nous sortirons grandis de cette épreuve, forts de tous les enseigneme­nts que nous avons accumulés en travaillan­t ensemble à la reconstruc­tion de Boeing au cours des dernières années », a affirmé le futur ex-patron de Boeing à ses employés.

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