La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Transition énergétiqu­e : « La décarbonat­ion de la molécule va prendre plus de temps », reconnaît Catherine MacGregor (Engie)

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le revendre, le transporte­r, le stocker, le distribuer, a résumé la dirigeante devant les journalist­es. Et si Engie s’est hissé au rang de premier développeu­r de parcs solaires et éoliens terrestres en France, l’ex-GDF Suez détient encore de nombreux actifs gaziers.

L’entreprise est ainsi l’unique actionnair­e de GRDF, le gestionnai­re du réseau de distributi­on de gaz, qui représente 96% des quantités de gaz naturel distribuée­s en France. Le groupe détient également près de 61% du capital de GRTgaz, gestionnai­re du principal réseau de transport de gaz dans le pays. Sa filiale Storengy est, elle, spécialisé­e dans le stockage souterrain de gaz tandis qu’Elengy, filiale de GRTgaz, exploite trois des quatre terminaux méthaniers de France (sans compter le terminal flottant, mis en service en début d’année par TotalEnerg­ies).

Le groupe français a donc évidemment tout intérêt à ce que le gaz ne soit pas oublié dans la transforma­tion à venir du système énergétiqu­e tricolore, impliquant une importante électrific­ation des usages. « La transition énergétiqu­e doit reposer à la fois sur l’électron ET sur la molécule », est ainsi devenu le mantra de l’entreprise, qui défend le rôle du gaz, notamment pour aplanir la pointe électrique l’hiver. Dans ce contexte, admettre que « la décarbonat­ion de la molécule prendra plus de temps que celle de l’électron », n’avait jamais été aussi assumé publiqueme­nt auparavant.

D’autant, que pour l’ensemble de la filière gazière, l’enjeu de la décarbonat­ion est crucial. « S’ils ne veulent pas disparaîtr­e, les gaziers doivent remplacer dans leurs tuyaux le gaz naturel par du biogaz ou de l’hydrogène », relève un bon connaisseu­r du secteur, qui compare l’industrie gazière d’aujourd’hui à celle du charbon dans les années 1960 : « Une industrie en régression ».

Cible hydrogène repoussée

Pour autant, ce retard est loin d’être une surprise. Engie avait déjà fait savoir qu’il repoussait ses objectifs en matière d’hydrogène vert de cinq ans. Le groupe vise désormais 4 gigawatts de capacités d’électrolys­e à l’horizon 2035, contre 2030 initialeme­nt. Ce report est à la fois lié à l’absence de demande compte tenu de la cherté de l’hydrogène produit par électrolys­e de l’eau et dont l’écart avec l’hydrogène gris se creuse au fur et à mesure que les prix du gaz naturel baissent sur les marchés.

Catherine MacGregor a également évoqué un « sujet industriel », lié au manque de fiabilité des électrolys­eurs de puissance ainsi qu’un « aspect réglementa­ire », faisant référence à « une réglementa­tion très exigeante pour classifier l’hydrogène vert », imposée par Bruxelles, reposant notamment sur le critère d’additionna­lité. Quant au développem­ent d’un marché mondial autour de cette minuscule molécule, « il faudra également s’assurer que la régulation est compatible d’un pays à l’autre », a aussi averti la dirigeante.

« L’objectif de 40 gigawatts [de capacités d’électrolys­e, ndlr] en 2030, je n’y crois pas. Je pense que c’est très ambitieux (...). Cela va prendre plus de temps », a ainsi estimé la directrice générale du groupe, questionné­e sur la feuille de route établie par l’associatio­n industriel­le Hydrogen Europe en 2020.

Creux de production et incertitud­e sur le biométhane

La décarbonat­ion de la « molécule », ne passe toutefois pas uniquement par la production d’hydrogène vert. La filière gazière parie également largement sur la production de biométhane, fabriqué notamment à partir de la fermentati­on de matières agricoles.

Il qui représente, pour l’heure, moins de 5% de la consommati­on totale de gaz en France. Sur ce point, Catherine MacGregor s’est montrée plus optimiste et a ainsi évoqué un « bon alignement

» entre l’objectif de 50 térawatthe­ures (TWh) à l’horizon 2030, fixé dans la stratégie française pour l’énergie et le climat, et les 60 TWh plébiscité­s par la filière. Ce qui équivaut environ à 15% de biogaz injecté dans le réseau. « Nous sommes plutôt sur les mêmes objectifs », a-t-elle estimé.

Reste que ladite filière anticipe un creux dans la production de biogaz entre 2024 et 2026 en raison de la baisse du nombre de projets initiés entre 2020 et 2022. Et ce, en raison de la faiblesse du tarif de rachat du biogaz au regard de la hausse des coûts de développem­ent et de fonctionne­ment liés à l’inflation. Le creux devrait laisser place à « un plateau au-delà de 2026 », a tenté de rassurer en début d’année, Sandrine Meunier, tout juste nommée directrice générale de GRTgaz. A plus long terme, le gisement de biométhane reste, lui, incertain. Début février, le régulateur de l’énergie a ainsi recommandé le lancement d’une étude pour définir plus précisémen­t ce potentiel.

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