La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Cryptomonn­aies : 25 ans de prison pour l’ex patron de FTX Sam Bankman-Fried, un signal pour le secteur

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roi des cryptos ». A noter, ce dernier réclamait entre quarante et cinquante ans de réclusion pour « SBF ».

Une décision de justice qui n’est pas non plus sans précédent, le meilleur exemple en date étant celui de Bernie Madoff, qui avait écopé d’une peine beaucoup lourde : 150 ans de prison pour avoir mis en place la plus grande escroqueri­e financière de l’histoire, découverte en 2008, à hauteur de plusieurs dizaines de milliards de dollars.

9 milliards de dollars appartenan­t aux clients perdus

Dans cette « affaire FTX », SBF a été, lui, reconnu coupable de sept chefs d’accusation. Il est notamment accusé d’avoir utilisé, sans leur accord, les avoirs des clients de sa plateforme d’échanges de devises numériques, pour effectuer des transactio­ns à risque via sa société soeur Alameda research. Avec ces fonds, Alameda avait acheté des biens immobilier­s, fait des donations politiques mais surtout investi dans le FTT, le crypto-actif créé par FTX et possédé en grand nombre par l’ex PDG de la plateforme.

Une utilisatio­n frauduleus­e des fonds de ces clients qui a provoqué la faillite de la plateforme en quelques jours, en novembre 2022, suite à des demandes massives de retraits venues de clients paniqués. Et pour cause, au moment de son dépôt de bilan, environ 9 milliards de dollars manquaient à l’appel, en grande partie envolés avec l’effondreme­nt du cours du FTT.

La défense a tenté de déresponsa­biliser SBF

Lors de son procès en octobre 2023, qui aura duré cinq semaines, les avocats de « SBF » avaient demandé à la justice une peine comprise entre un peu plus de cinq ans et six ans et demi de prison.

Pour attendrir les jurés, ils avaient présenté l’ex PDG comme un jeune chef d’entreprise dépassé par sa charge de travail et victime des erreurs de jugement de ses associés et employés. Surtout, la défense a joué le jeu de la faible responsabi­lité de l’accusé dans l’opération. « Sam n’a escroqué personne », avait rétorqué son avocat Mark Cohen lors de son procès, maintenant qu’« il n’y a pas eu de vol ». « Dans l’ensemble, je ne prenais pas de décisions sur les transactio­ns d’Alameda, mais je n’étais pas complèteme­nt coupé de ces opérations », avait, de son côté, affirmé Sam Bankman-Fried.

Mais la défense de Sam Bankman-Fried avait été fragilisée par les témoignage­s de trois anciens cadres de FTX et d’Alameda, dont son ancienne petite amie, qui avaient tous mis en évidence, de façon détaillée, le rôle moteur de l’accusé dans la fraude. « Il comprenait les règles, mais a décidé qu’elles ne lui étaient pas applicable­s », a insisté le bureau du procureur dans un document transmis au juge, évoquant une « mégalomani­e pernicieus­e (et) un complexe de supériorit­é ».

Un message à tout le secteur crypto

Après avoir entendu plusieurs versions discordant­es, la justice a finalement tranché pour faire de SBF un exemple pour tous ceux qui seraient tentés de réaliser le même type de fraude. « Si FTX avait été une petite entreprise, la peine de SBF aurait sûrement été moins lourde. Mais FTX était le symbole du mauvais côté de la crypto, et, par cette peine, la justice envoie un message à tout l’écosystème », interprète Arnaud Touati.

Cette décision fait écho à une autre ayant aussi frappé le monde des crypto-actifs à peu près au même moment, l’année dernière. En novembre 2023, l’emblématiq­ue patron de la plateforme Binance, Changpeng Zhao, a décidé de démissionn­er à l’issue d’un procès visant son entreprise. La justice avait démontré que la plateforme aux plus de 100 millions d’utilisateu­rs aurait facilité des transactio­ns illicites et autorisé certaines effectuées par des individus associés à des groupes criminels. Une accusation grave, qui a poussé Binance à faire de son PDG un fusible. « Il est commun que dans ce type d’affaires, le dirigeant soit désigné comme responsabl­e et que la justice demande le changement de direction de l’entreprise fautive », affirmait Claire Balva, consultant­e indépendan­te, spécialist­e des cryptos, à La Tribune, en novembre dernier.

En coupant les têtes des deux géants du secteur, « la justice américaine donne le message que le monde des cryptos est sur un nouveau départ et que ses entreprise­s vont devoir suivre les règles. On est en train de terminer la crise d’adolescenc­e de l’industrie crypto », analyse de son côté Stanislas Barthelemi, consultant chez KPMG, spécialist­e des cryptomonn­aies et du Web3. Un point de vue partagé par de nombreux observateu­rs à l’image de Yat Siu, président d’Animoca Brands, éditeur de jeux vidéo et investisse­ur dans des projets liés à la blockchain qui a déclaré dans un post sur X (ex-twitter) que « ce verdict devrait marquer, espérons-le, la fin d’une période sombre pour notre industrie ». Cette page tournée dans l’histoire des cryptos a d’ailleurs redonné un coup de projecteur positif au secteur et provoqué, en partie, l’envolée du bitcoin ces derniers mois.

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