La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Corse : l’autonomie adoptée, mais le plus dur reste à venir

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inappropri­é en raison de la progressio­n du communauta­risme dans le pays. Ce débat sémantique promet à lui seul d’être orageux.

Le deuxième bloc, lui, entre dans le vif du sujet du pouvoir législatif : « Les lois et règlements peuvent faire l’objet d’adaptation­s justifiées par les spécificit­és de ce statut (...). La Collectivi­té de Corse peut également être habilitée à fixer les normes dans les matières où s’exercent ses compétence­s (...) sans remise en cause des conditions essentiell­es d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constituti­onnellemen­t garanti (...) ». Une grande partie de l’opposition de droite a rejeté la perspectiv­e de ce pouvoir normatif. Pour autant, le vote favorable a été très majoritair­e puisqu’il représente 78% des élus de l’Assemblée de Corse.

Le ministre de l’Intérieur avait pressé Gilles Simeoni d’obtenir le plus large consensus possible. On peut estimer la mission accomplie. « Ce serait le comble de l’hypocrisie si Gérald Darmanin faisait la fine bouche alors qu’il appartient à un gouverneme­nt qui utilise le 49.3 à tour de bras », glissait ironiqueme­nt un élu. Ce paragraphe constitue à la fois la pierre angulaire du statut d’autonomie et la pierre d’achoppemen­t, particuliè­rement pour la majorité sénatorial­e peu encline à tendre une oreille accommodan­te à Gilles Simeoni qui a vu dans ce vote « un moment démocratiq­ue extrêmemen­t puissant. » À bon entendeur...

Enfin, le troisième bloc est dédié à la consultati­on référendai­re des Corses : « Les électeurs (...) peuvent être consultés sur le projet de statut (...) ». Là encore, unanimité moins un suffrage, le même qu’auparavant, celui d’une élue indépendan­tiste.

La patate chaude remise à l’Élysée

Le vote final concernait, cette fois, le projet d’écritures constituti­onnelles dans sa globalité. Il a suscité le même élan unanime et provoqué un sentiment d’incrédulit­é sur l’attitude présumée contradict­oire de l’opposition de droite. Contacté par La Tribune, son leader, Jean-Martin Mondoloni tient à lever toute ambiguïté :

« La dernière délibérati­on était de pure forme. Elle visait administra­tivement à prendre acte du texte adopté dans les conditions de vote retenues. Celles-ci ont permis précisémen­t de mettre en évidence mon opposition et celle de 80% des membres de mon groupe à l’octroi d’un pouvoir législatif. »

Le processus inhérent à l’évolution institutio­nnelle de la Corse, c’est un peu comme une pièce de théâtre. Le prologue, qui a duré deux ans, a débouché sur le projet de texte constituti­onnel, coproduit entre le gouverneme­nt et les élus de la Corse. La droite corse, à l’image de Laurent Marcangeli, président du groupe Horizons à l’Assemblée nationale, a eu le beau rôle de faire des concession­s.

Emmanuel Macron, qui s’était hissé aux premières loges pour amorcer le processus d’une « autonomie à la Corse » - ce sont ses propres mots - va dire si la rédaction votée par la Corse lui convient. Sauf coup de théâtre, le texte va être confié au Sénat. Des bruits de coulisses aux tirades cinglantes, une machinerie méphistoph­élique va se mettre en scène entre vaudeville et drame shakespear­ien.

Désormais sous les feux des projecteur­s, Gilles Simeoni, les députés nationalis­tes et leurs relais parisiens vont prendre leur bâton de pèlerin. Ils vont tenter de convaincre, surtout les « Harpagon » du pouvoir législatif au Palais du Luxembourg, que ce statut est le fruit mûr d’un consensus politique avec Paris et entres élus insulaires, d’une volonté des Corses réitérée dans les urnes et constitue une chance de paix civile durable. La tâche est ardue...

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