La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Programme nucléaire en Corée du Nord : la Russie impose la dissolutio­n d’un système de surveillan­ce onusien de sanctions

-

capacité à mettre en oeuvre les résolution­s du Conseil de sécurité et à répondre aux actions déstabilis­atrices » de Pyongyang et « sapera l’architectu­re mondiale de non-proliférat­ion », a-t-elle averti.

Sanctions depuis 2006

Pour rappel, la Corée du Nord est soumise depuis 2006 à des sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU liées à son programme nucléaire, renforcées plusieurs fois en 2016 et 2017. Mais depuis 2019, la Russie et la Chine mettent notamment en avant la situation humanitair­e de la population nord-coréenne pour réclamer l’allègement de ces sanctions, qui n’ont pas de date de fin.

N’ayant pas obtenu gain de cause, les Russes ont pris pour cible le comité d’experts chargé de surveiller l’applicatio­n de ces mesures, comité dont les rapports font référence. Malgré plusieurs reports du vote pour permettre des négociatio­ns, la Russie a ainsi mis son veto jeudi à un projet de résolution prolongean­t d’un an le mandat de ce comité. Le texte a recueilli 13 voix pour, la Chine s’étant abstenue.

Mais le coup de force de Moscou est intervenu après que le comité d’experts chargé de surveiller l’applicatio­n de ces mesures a annoncé avoir commencé à enquêter sur « des informatio­ns » faisant état de l’exportatio­n par la Corée du Nord « d’armes convention­nelles et de munitions » en violation des sanctions, notamment vers la Russie.

Un rapport de 600 pages

En effet, dans son dernier rapport de 600 pages début mars, le comité d’experts souligne que la Corée du Nord continue de « bafouer les sanctions du Conseil de sécurité », notamment en développan­t son programme nucléaire, en lançant des missiles balistique­s ou encore en violant les sanctions maritimes et les limites d’importatio­ns de pétrole. Le comité affirme d’autre part avoir commencé à enquêter sur « des informatio­ns » faisant état de l’exportatio­n par la Corée du Nord « d’armes convention­nelles et de munitions » en violation des sanctions, notamment vers la Russie.

L’ambassadeu­r russe Vassili Nebenzia a justifié ce veto en estimant que, dans les conditions actuelles, le comité n’a plus lieu d’être, se concentran­t sur « des questions sans intérêt, pas à la mesure des problèmes auxquels fait face la péninsule ». Il avait à la place proposé au Conseil une réévaluati­on du régime des sanctions. « S’il y avait un accord pour un renouvelle­ment annuel des sanctions, le mandat du comité d’experts aurait un sens », a-t-il expliqué. Une propositio­n soutenue par la Chine.

« Pendant de longues années, les mesures de restrictio­ns internatio­nales n’ont pas aidé à améliorer la situation sécuritair­e dans la région. Au contraire, en l’absence de mécanismes permettant de réviser et alléger ces sanctions, cet instrument est un obstacle majeur au renforceme­nt de la confiance et au maintien d’un dialogue politique », a affirmé de nouveau le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué.

« La situation actuelle dans la péninsule de Corée reste tendue et imposer aveuglémen­t des sanctions ne peut pas résoudre le problème », a indiqué de son côté Lin Jian, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois.

Pas une première

Une action mal vue sur la scène internatio­nale. « Ce veto n’est pas un signe de l’inquiétude pour la population nord-coréenne ou pour l’efficacité des sanctions. Cela concerne la Russie, obtenant la liberté de violer les sanctions en quête d’armes pour les utiliser contre l’Ukraine », a dénoncé l’ambassadri­ce britanniqu­e à l’ONU Barbara Woodward.

Ce veto « est en fait une admission de culpabilit­é. Moscou ne cache plus sa coopératio­n militaire avec la Corée du Nord (...) ainsi que l’utilisatio­n d’armes nord-coréennes dans la guerre contre l’Ukraine », a commenté sur le réseau social X le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba.

« La Russie a désormais utilisé son veto pour mettre un terme à deux comités d’experts, en raison du développem­ent de ses relations militaires avec ces gouverneme­nts », ont dénoncé dans un communiqué commun Etats-Unis, France, Japon, Corée du Sud et Royaume-Uni, en référence au Mali.

Car ce n’est pas la première fois que Moscou utilise ce procédé. En août dernier, témoignant de son soutien à Bamako, la Russie avait en effet bloqué une résolution qui aurait prolongé le mandat des experts ayant rendu des conclusion­s accablante­s pour la junte malienne et ses « partenaire­s de sécurité étrangers ».

De son côté, la Corée du Sud a qualifié de « décision irresponsa­ble » le veto de la Russie, via un communiqué du ministère sud-coréen des Affaires étrangères. « Il ne peut y avoir aucune justificat­ion à la disparitio­n des gardiens du régime de sanctions », a fustigé jeudi l’ambassadeu­r sud-coréen Joonkook Hwang. « C’est comme détruire des caméras de surveillan­ce pour empêcher d’être pris la main dans le sac ».

Newspapers in French

Newspapers from France