La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Dérapage du déficit : le gouverneur de la Banque de France appelle à s’occuper « enfin sérieuseme­nt des dépenses »

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Malgré le dérapage de 2023, le gouverneme­nt a maintenu son objectif de ramener le déficit public en dessous de 3% du PIB en 2027, comme promis à ses partenaire­s européens. Pour y parvenir, il compte réaliser un nouveau tour de vis budgétaire.

« Un modèle social qui coûte en France dix points de PIB de plus que nos voisins européens »

Dix milliards d’euros d’économies ont déjà été actés pour 2024, et 20 milliards de coupes sont annoncées pour 2025. Mais des « économies supplément­aires » seront nécessaire­s, selon le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire.

« Je crois profondéme­nt au modèle social européen mais il nous coûte en France environ dix points de PIB de plus que nos voisins européens : 58 contre 48 en pourcentag­e du PIB, » a fait valoir François Villeroy de Galhau, soulignant que les dépenses publiques en volume « pourraient encore augmenter de plus de 2% en 2024 », selon des projection­s de la Cour des comptes.

« Il est plus que temps, non pas de décréter l’austérité et la baisse générale des dépenses, mais d’arriver à cette stabilisat­ion générale en volume » a-t-il détaillé. « Cela suppose un effort de priorisati­on et d’efficacité, juste et partagé par tous : État, mais aussi collectivi­tés locales et prestation­s sociales ».

De son côté, Patrick Martin, président du Medef a estimé jeudi que la situation budgétaire tendue de la France « dépréciait la parole du pays à l’étranger ». « Si l’Europe n’était pas là, » la France, dans sa situation budgétaire actuelle, « n’aurait pas d’autre choix que de dévaluer », a lancé le patron des patrons en ouverture de tables rondes consacrées à l’Europe au siège parisien du mouvement patronal. Donc « merci l’Europe, merci la zone euro, merci l’euro ».

Craignant des décisions d’économies allant « au détriment de ce qui nous paraît être l’essentiel », Patrick Martin a indiqué que le Medef allait au contraire « ardemment » demander au gouverneme­nt que« les décisions publiques aillent dans le sens d’une redynamisa­tion de l’économie, singulière­ment de l’investisse­ment. »

Une première réunion s’est tenue à Bercy pour trouver des économies

C’est précisémen­t pour trouver des économies « réalistes, documentée­s et significat­ives » que le ministre de l’Economie Bruno Le Maire avait convié députés et sénateurs jeudi à Bercy, avec ses collègues Thomas Cazenave (ministre délégué aux Comptes publics), Catherine Vautrin (Travail) et Frédéric Valletoux (Santé). Bruno Le Maire « se voulait très ouvert avec tout le monde », a commenté à l’issue de la réunion Eric Coquerel (LFI), le président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale.

« Mais j’ai un peu l’habitude de cette tactique depuis deux ans, à l’arrivée ça ne bouge pas beaucoup par rapport à ce que veut le gouverneme­nt », a-t-il aussitôt tempéré. Tout aussi sceptiques, les députés du groupe Liot et les groupes LR et communiste­s de l’Assemblée nationale et du Sénat avaient tout bonnement choisi de boycotter la réunion.

Seule exception côté LR : le sénateur Jean-François Husson, qui était bien présent mais en sa qualité de rapporteur général de la commission des Finances. « Le grand flou a demeuré », a-t-il regretté auprès de l’AFP. Le gouverneme­nt a insisté sur la nécessité du désendette­ment, « mais on ne sait pas à quel niveau. Ils ont maintenu les 3% en 2027, mais on sait bien qu’il n’y a aucune chance » d’atteindre cet objectif », a-t-il déploré. Une seconde réunion à Bercy est annoncée pour le 9 avril, afin cette fois de chercher avec les associatio­ns d’élus locaux des pistes d’économies au sein des collectivi­tés territoria­les.

Le gouverneur a défendu l’action de la Banque centrale européenne

Par ailleurs, François Villeroy de Galhau a aussi défendu lors de son interventi­on à Dauphine l’action de la Banque centrale européenne (BCE), assurant que sa hausse de taux d’intérêt avait permis d’éviter « 1 à 2 points » d’inflation en 2023. « Le resserreme­nt monétaire a effectivem­ent contribué au processus de désinflati­on », a insisté le banquier central. Selon « différents modèles » de la BCE et de la Banque de France, « l’inflation aurait été d’environ 1 à 2 points de pourcentag­e plus élevée en 2023 » si la BCE s’était contentée de relever ses taux d’intérêt au niveau attendu par les marchés fin 2021, avant l’offensive russe en Ukraine qui a accéléré la hausse des prix et forcé les banques centrales à une politique monétaire plus restrictiv­e.

L’impact sur l’inflation des hausses de taux effectuées par la BCE en 2024 et 2025 sera « encore supérieur, en raison des délais de transmissi­on de la politique monétaire » à l’économie réelle, a ajouté François Villeroy de Galhau. « La politique monétaire est maintenant la force dominante qui dirige » la désinflati­on, a encore déclaré le gouverneur.

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