La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)
Alimentation : « Il n’y a quasiment plus d’inflation sur les prix du bio » (Benoît Soury, Carrefour)
Qu’est-ce qui explique la reprise dans les magasins spécialisés?
Lorsque le marché a traversé un moment difficile, nous avons décidé de ne pas baisser les bras. Nous avons notamment accentué la visibilité des prix accessibles, par exemple en communiquant sur la récente baisse des prix de plus de 300 produits, et sur l’élargissement, de 150 à 200 références, de nos sélections “Meilleurs prix” chez So.bio et “Mini Prix” chez Bio c’ Bon. Cela a été très bien reçu.
Avant, la clientèle, avisée, des magasins bio spécialisés n’avait pas besoin d’être animée par une visibilité des promotions et des nouveautés. Maintenant, on se rend compte qu’on ne peut plus se passer de l’ensemble des outils et des dispositifs utilisés plus traditionnellement en grande distribution. Dans les magasins bio spécialisés aussi, il faut désormais motiver l’acte d’achat des consommateurs. On y est donc devenu plus commerçant, avec des cartes de fidélité, une visibilité sur internet, un affichage des meilleurs prix, un cycle promotionnel etc.
La bonne nouvelle, c’est que chez So.bio et Bio c’ Bon on est prêt. On a activé ces leviers dès 2023. En 2024, on a décidé de les accentuer.
Qu’est-ce qu’il se passe dans vos enseignes généralistes : le bio y continue-t-il de souffrir ? Pourquoi ?
Oui, dans les enseignes généralistes, le bio souffre. Et plus le magasin est grand, plus sa souffrance est forte. Nous continuons de constater un recul d’activités du bio dans nos hypermarchés. Bien que moins fort, ce recul persiste aussi dans nos supermarchés, alors qu’on commence à retrouver des résultats positifs dans nos magasins de proximité dans les centres-villes.
Les raisons sont diverses. D’abord, puisque l’attractivité des hypermarchés se fonde surtout sur leurs prix, les premiers prix s’y sont fortement développés, et le bio est devenu moins attractif. On a notamment perdu une partie des clients occasionnels du bio.
En hypermarché, nous avons aussi réduit nos assortiments en 2023, de l’ordre de 10%. Enfin, les offres de produits d’agro-écologie, dont les cahiers des charges sont moins exigeants, mais qui sont moins chers que le bio, se sont beaucoup développées. Leur part dans le panier de nos consommateurs a augmenté.
Chez Carrefour, nous avons quand même aussi constaté une progression des ventes en volumes des produits à marque
Carrefour bio, notre marque propre. Ils sont à peu près 1200 et représentent désormais plus de 50% de notre chiffre d’affaires bio en grande surface. Son accessibilité a donc aussi représenté un rempart vis-à-vis de la baisse globale de la consommation bio.
Les produits que vous vendez dans vos magasins spécialisés sont-ils plus exigeants que ceux de la marque Carrefour bio ?
Le cahier des charges pour disposer du logo bio, AB ou européen, est rigoureusement le même. Mais oui, les exigences peuvent être supérieures dans nos magasins spécialisés, en fonction des différentes gammes. Dans les cahiers des charges privés de chaque marque, on peut faire jouer énormément d’éléments de différence.
Qu’est-ce qui permet votre politique de bas prix dans le bio ? Malgré la baisse des cours de certaines matières premières, les producteurs et les transformateurs continuent en effet de faire valoir une augmentation globale de leurs coûts de production...
Chez nous, la réponse réside essentiellement dans les engagements contractuels pluriannuels que nous stipulons avec nos fournisseurs, qui permettent au monde de la production et de la transformation, comme à nous distributeurs, de bénéficier d’une meilleure visibilité, dont profitent finalement aussi les consommateurs.
Dans nos enseignes généralistes, cela passe essentiellement par la marque Carrefour bio, dont 100% des fruits, des légumes, du lait, des oeufs, de la viande et de la farine sont d’origine française. Les quelque 5 millions de consommateurs porteurs de la carte fidélité et consommateurs de bio sont en outre encouragés à se tourner vers des produits Carrefour bio grâce à une réduction de 10% sur tous leurs achats.
Dans nos magasins So.bio et Bio c’ Bon, en revanche, nous avons choisi de n’avoir aucun produit à marque propre. Notre engagement, souvent pluriannuel, vis-à-vis des plus petits industriels, est donc que nos enseignes restent la vitrine du monde historique du bio. Nous voulons qu’elle soit le mieux représentée possible. C’est une grande différence vis-à-vis de tous nos concurrents, qui développent énormément de produits à marques propres.