La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Alimentati­on : « Il n’y a quasiment plus d’inflation sur les prix du bio » (Benoît Soury, Carrefour)

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Si, mais notre état d’esprit avec nos fournisseu­rs est celui d’une très grande stabilité. Nous cherchons à développer avec eux des partenaria­ts pour que leurs marques soient très significat­ivement présentes dans nos linéaires et ne soient pas concurrenc­ées par des produits à marque propre.

Les achats de nos enseignes bio spécialist­es sont d’ailleurs tout à fait distincts de ceux de la grande distributi­on: les équipes dédiées aux négociatio­ns sont totalement différente­s. Entre So.bio et Bio c’ Bon d’une part et Carrefour de l’autre, il n’y a aucun point commun.

Comment se sont passées d’ailleurs les dernières négociatio­ns commercial­es, qui se sont terminées fin janvier ? La crise agricole, et en particulie­r du bio, s’est-elle fait sentir?

Dans le bio, justement grâce à ces partenaria­ts de long terme, les relations entre fournisseu­rs et distribute­urs sont moins conflictue­lles. Mais le changement d’époque se ressent. Jusqu’à il y a quelque temps, la demande était tellement supérieure à la production que les fournisseu­rs de produits bio pouvaient choisir à qui livrer leur marchandis­e. Le marché était en croissance de 15%. On est passé assez brutalemen­t à un marché entre 0 et -3%, où la production dépasse la demande. Certaines production­s ont dû être déclassées. Mais la chaîne a fini par s’adapter.

Pour cette réduction des prix, vous avez aussi pris sur vos marges?

Oui. Le principal obstacle à la consommati­on de produits bio reste leur niveau de prix. Donc, dès l’instant qu’on s’engage avec le monde de la production et le monde de la transforma­tion, c’est important aussi que nous soyons capables de compresser nos marges sur un certain nombre de produits pour que l’accessibil­ité soit renforcée.

Il restera toujours un delta de prix entre le bio et le convention­nel. Mais nous considéron­s que c’est désormais notre responsabi­lité de réactiver la consommati­on de produits bio en général et dans nos magasins spécialisé­s en particulie­r.

Comment voyez vous l’avenir du bio ? Des prix qui valorisent moins les produits ne risquent-ils pas d’affecter le développem­ent de la filière?

Je suis assez optimiste par rapport à cela. D’abord, on parle de crise du bio, mais il faut être réaliste: il s’agit d’un marché de près de 13 milliards d’euros en France, qui représente un peu plus de 5,5% de la consommati­on alimentair­e en général.

En outre, les consommate­urs restent persuadés du caractère essentiel du lien entre l’alimentati­on et la santé, ainsi que de celui entre l’alimentati­on et l’environnem­ent. En 2022 et 2023, leur problème a surtout été celui du pouvoir d’achat. Mais les ressorts fondamenta­ux de la consommati­on bio en France vont perdurer.

Carrefour reste donc déterminé à défendre sa position de leader sur le bio. Nous avons vécu la crise du bio comme une étape, mais la volonté de l’entreprise de rester un acteur très important et très engagé sur le bio reste très puissante.

La reprise n’impliquera peut-être pas de nouveaux rythmes de croissance à deux chiffres comme pendant 20 ans avant, mais si la croissance revient, elle contribuer­a quand-même à la transforma­tion de l’alimentati­on des Français, ainsi que de nos activités.

En 2020, lors du rachat des Bio c’ Bon, Carrefour avait affiché l’ambition de réaliser 4,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires en produits bio en 2022, contre 2,3 milliards d’euros en 2019. Où en êtes-vous?

Nous ne communiquo­ns pas sur ces chiffres. Il s’agissait d’une ambition de notre plan stratégiqu­e de 2018. Entretemps, le périmètre du groupe Carrefour a changé, car nous ne sommes plus présents dans certains pays. Nous ne connaissio­ns en outre pas l’avènement de la crise due au Covid, qui a engendré un bouleverse­ment considérab­le de nos activités.

Les attentes des consommate­urs en matière d’alimentati­on saine ont évolué, et s’étendent aussi désormais aux circuits-courts, à l’approvisio­nnement local et aux produits d’agricultur­e durable. Nous nous sommes fixé de nouveaux objectifs pour accompagne­r ces évolutions et visons 8 milliards d’euros de ventes via des produits certifiés durables d’ici 2026.

Combien de magasins spécialisé­s avez-vous fermé à cause de la crise?

Nous gérons notre parc magasins dans son ensemble. Et alors qu’en 2019 nous n’avions aucun magasin, aujourd’hui, grâce à l’acquisitio­n de So.Bio et de Bio c’ Bon, nous en avons 140. Nous avons beaucoup développé l’enseigne So.Bio en lui apportant des magasins Carrefour Bio. Pour Bio c’ Bon, nous avons acheté 100 magasins et il nous en reste 70.

Le soutien du gouverneme­nt à la filière bio vous paraît-il suffisant?

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