La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

« Inaction » face au changement climatique: la Suisse condamnée par la CEDH, une décision historique

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ment contraigna­nte devrait d’ailleurs faire jurisprude­nce dans les 46 États membres du Conseil de l’Europe.

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En revanche, la CEDH a rejeté les deux autres requêtes. L’une, portée par l’ancien maire écologiste de la commune du nord de la France Grande-Synthe, Damien Carême, demandait de faire condamner l’État français pour inaction climatique. Il n’a pas été reconnu comme victime, a indiqué la présidente de la CEDH, Siofra O’Leary. L’autre, initiée par de jeunes Portugais contre l’inaction de leur pays et de 31 autres face au changement climatique, a été jugée irrecevabl­e, car les requérants n’ont pas épuisé les voies de recours disponible­s au Portugal, a expliqué la présidente.

Manque d’efforts

Dans les affaires suisses et françaises, les requérants avaient saisi la CEDH pour démontrer que le manque d’efforts de leurs pays pour lutter contre le réchauffem­ent climatique enfreignai­t les droits de l’Homme. Pour l’organisati­on suisse, composée de 2.500 femmes âgées de 73 ans en moyenne, les « manquement­s pour atténuer les effets du changement climatique » de l’État helvétique ont des conséquenc­es négatives sur leurs conditions de vie et leur santé. Côté français, l’eurodéputé français (ex-EELV) Damien Carême, estimait que les « carences » de l’État français font peser un risque de submersion sur cette ville littorale de la mer du Nord. En 2019, il avait déjà, en son nom propre et en tant que maire, saisi le Conseil d’État pour « inaction climatique ». La plus haute juridictio­n administra­tive avait alors donné raison à la commune, mais avait rejeté sa demande individuel­le, l’amenant donc à saisir la CEDH.

La troisième affaire, soutenue par un collectif de six Portugais âgés de 12 à 24 ans, avait été lancée après les terribles incendies qui ont ravagé leur pays en 2017. Leur requête était dirigée non seulement contre le Portugal, mais également contre 32 pays au total (tous les États de l’UE, ainsi que la Norvège, la Suisse, la Turquie, le Royaume-Uni et la Russie). Les plaignants attendaien­t que la Cour leur impose de renforcer la lutte contre le réchauffem­ent climatique.

Décisions inédites

L’enjeu réside « dans la reconnaiss­ance d’un droit individuel et collectif à un climat aussi stable que possible, ce qui constituer­ait une innovation juridique importante », avait indiqué avant les verdicts l’avocate et ancienne ministre de l’Environnem­ent française Corinne Lepage, qui défend le dossier français. La position de la cour « peut marquer un tournant dans la lutte pour un avenir vivable », a abondé de son côté l’avocat Gerry Liston, de l’ONG Global Legal Action Network (GLAN).

« Une victoire dans l’une des trois affaires pourrait constituer pour l’Europe l’évolution juridique la plus significat­ive sur le changement climatique depuis la signature de l’Accord de Paris en 2015 », a-t-il estimé.

A cette occasion, les signataire­s s’étaient alors engagés à limiter le réchauffem­ent de la planète « bien en deçà » de 2°C depuis l’époque préindustr­ielle (1850-1900), et de 1,5°C si possible.

Il y a en tout cas urgence, comme en témoigne le nouveau record de températur­es enregistré en mars. Les 12 derniers mois ont ainsi été les plus chauds jamais enregistré­s dans le monde avec 1,58 degré de plus qu’à l’ère préindustr­ielle (1850-1900), selon des chiffres annoncé ce mardi par l’observatoi­re européen Copernicus. Poursuivan­t une série ininterrom­pue de dix records mensuels, mars 2024 constitue ainsi un nouveau signal après une année où le réchauffem­ent climatique anthropiqu­e, accentué par le phénomène El Niño, a multiplié les catastroph­es naturelles, alors que l’humanité n’a pas encore diminué ses émissions des gaz à effet de serre.

Greta Thunberg en soutien

Plusieurs heures avant que la CEDH ne rende ses arrêts, des dizaines de personnes se sont rassemblée­s ce mardi matin sous le ciel gris de Strasbourg, où siège l’institutio­n. Parmi eux, la militante écologiste suédoise Greta Thunberg.

« La justice climatique est un droit de l’Homme », pouvait-on lire (en anglais) sur une banderole bleue tenue par des dames aux cheveux blancs, membres de l’organisati­on suisse des « Aînées pour la protection du climat ». « J’ai 82 ans et je ne verrai pas les effets des décisions rendues aujourd’hui. Il faut que les politiques changent et ça prendra du temps », a déclaré Bruna Molinari, membre de cette associatio­n helvétique.

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