La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Fonds d’urgence viticultur­e : 2 millions d’euros déjà versés dans l’Hérault, mais les vignerons s’interrogen­t sur l’avenir

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Dans un premier bilan daté du 27 mars, la préfecture indique avoir reçu 1.780 dossiers, dont 607 ont déjà été instruits par la Direction départemen­tale des territoire­s et de la mer (DDTM) 34, parmi lesquels 443 sont éligibles. 337 viticulteu­rs ont déjà perçu tout ou partie de l’aide pour un montant global de 1,9 millions d’euros.

« On va pouvoir tenir quelques mois de plus »

Jean-Pascal Pelagatti, vigneron au domaine Les Graviers à Béziers, fait partie des chanceux qui ont déjà perçu cette aide à la trésorerie : « J’ai demandé à bénéficier de ce dispositif car l’an dernier, j’ai perdu 40% de ma récolte du fait de la sécheresse. Sur mes 26 hectares en production, 20 hectares sont irrigués. Sur cette partie, j’accuse une baisse de production de 15 à 20%. Mais dans les vignes non irriguées, j’ai perdu 80% de la récolte. Du 1er janvier au 15 septembre 2023, il n’est tombé que 137 mm de pluie. C’est un climat quasi-désertique... ».

Le vigneron biterrois a touché une aide de 5.000 euros.

« Ce n’est pas ça qui va nous sauver, mais ça fait du bien, on va pouvoir tenir quelques mois de plus », confie-t-il, tout en espérant que cette somme soit complétée par un reliquat, quand l’ensemble des dossiers auront été instruits.

Cinq ans sans salaire

Vigneronne dans le Minervois, Mary Decor, a déposé sa demande d’aide dès le 15 février, soit trois jours après l’ouverture du dispositif. Installée depuis 2019 sur le domaine familial de 17 hectares qu’elle exploite avec sa mère, la jeune vigneronne n’a jamais réussi à se verser un salaire.

« Durant ces cinq premières années, je n’ai eu qu’une seule bonne récolte, les quatre autres ont été impactées soit par le mildiou, soit par le gel ou encore par la sécheresse, raconte la jeune vigneronne. L’an dernier, la sécheresse a amputé ma récolte de 26%. J’ai donc immédiatem­ent demandé cette aide et après un mois d’instructio­n, j’ai eu confirmati­on que j’étais bien éligible mais je ne sais toujours pas combien je vais toucher ni à quelle date. Même si je n’obtiens que le minimum de 5.000 euros, ça m’aidera sur le moment. J’ai des factures en retard que je pourrai solder. Mais on ne peut pas vivre d’aides... Je réfléchis à l’arrachage temporaire. L’an prochain, j’ai prévu d’arracher 1 hectare, et je pense que je ne vais pas replanter en vigne. On va essayer de planter des agrumes - orangers, mandarinie­rs, citronnier­s - dans l’optique de vendre les fruits en direct. C’est une culture qui nécessite peu de main d’oeuvre et les arbres commencent à donner deux ans après plantation. Cela pourrait être un bon complément à la vigne. »

Faut-il s’obstiner à produire du vin qui ne se vend plus ?

Au domaine de Bayle à Villeveyra­c, Céline Michelon enchaîne elle aussi les mauvaises récoltes.

« Sur les cinq dernières années, j’ai eu trois mauvaises récoltes, témoigne-t-elle. En 2023, la sécheresse m’a privé de 40% de ma production. Qui plus est, le vin ne se vend plus. L’an dernier, j’ai dû souscrire à la distillati­on pour écouler la récolte 2022 que je n’arrivais pas à vendre. Ce sont de très bons vins qui sont partis à la chaudière à un prix inférieur de 30% à celui qu’il aurait dû être. Résultat : je suis dans le rouge ! J’ai immédiatem­ent souscrit pour bénéficier de ce fonds d’urgence. Je regarde tous les jours mon compte en banque pour savoir si les fonds ont été versés. 5.000 euros, c’est formidable, même si ce n’est pas ça qui va me sortir de la difficulté. Je vais pouvoir payer quelques factures. Je suis vigneronne depuis vingt ans et je me pose beaucoup de questions. Faut-il s’obstiner à produire du vin qu’on n’arrive plus à vendre ? Il me semble que non, mais que faire ? Réduire temporaire­ment mes surfaces en vigne ? Développer une activité complément­aire ? Agricole ou non ? Je suis en pleine réflexion... Une chose est sûre, il va falloir que j’ai le courage de faire autrement. »

L’heure est à la diversific­ation dans le vignoble languedoci­en...

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