La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Vins de Bordeaux : un accord pour un contrat de filière plus rémunérate­ur pour les producteur­s

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Avec, comme corollaire, un effondreme­nt des prix du vrac payés aux producteur­s.

« Le point crucial c’est la juste valorisati­on du travail du viticulteu­r, tout le monde est d’accord pour dire que c’est inacceptab­le qu’un chef d’entreprise ne puisse vivre de son travail ! », résume Allan Sichel. Il reste à savoir comment faire : « Il n’y a pas de baguette magique mais cette réunion est un point de départ pour trouver un nouveau mode opératoire avec la grande distributi­on. »

« S’il y a une volonté, il y a un chemin », assure Etienne Guyot. Mais, en l’occurrence, le chemin s’apparente à une sinueuse ligne de crête. À la sortie de la réunion, les profession­nels annoncent vouloir travailler à « un contrat de filière associant tous les acteurs pour travailler sur les indicateur­s objectifs qui restent à construire pour sécuriser les contrats amonts », c’est à dire le prix auquel le viticulteu­r vend à son premier acheteur. « Tous les opérateurs sont d’accord pour travailler dessus », ajoute Allan Sichel, saluant la « bonne volonté » des enseignes de la grande distributi­on présentes, comme Carrefour, Auchan ou Intermarch­é bien qu’elles se soient échappées en catimini.

Le noeud du problème

« La difficulté de ce type de réunions c’est qu’on doit parler de prix, de coûts et de rémunérati­on sans parler de prix, de coûts et de rémunérati­on puisqu’on tomberait alors dans une entente sur les prix ce qui serait parfaiteme­nt illégal », observe Stéphane Gabard, le président du syndicat des AOC Bordeaux et Bordeaux supérieur. S’il n’est donc pas question ici de fixer un prix plancher unique au tonneau, les discussion­s porteront sur plusieurs paramètres : « Il nous faut pondérer un coût de production avec d’autres données telles que le revenu ou les situations de marché. Pour être valable, il faut impérative­ment que ces indicateur­s soient multiples », poursuit Stéphane Gabard. Mais, même dans ces conditions, les marges laissées par la loi Egalim sont étroites, comme l’explique Fabien Bova, le directeur du

CIVB : « L’enjeu c’est de sécuriser le contrat amont et pour cela il nous trouver ou créer juridiquem­ent un lien déterminan­t entre, d’une part, les indicateur­s de coûts et de revenus que nous construiro­ns collective­ment et, d’autre part, le prix effectivem­ent payé aux producteur­s. C’est là qu’est le noeud du problème ! » L’interprofe­ssion et le préfet veulent donc profiter de la mission parlementa­ire sur la loi Egalim qui doit rendre ses conclusion­s avant l’été.

Obtenir des résultats pour la récolte 2024

Pour dénouer ce noeud, les acteurs semblent tous décider à compter en mois et non en années afin d’avoir un impact dès les négociatio­ns commercial­es de la récolte 2024. Mais d’ici là, les enseignes de la grande distributi­on, par où s’écoule 40 % des vins de Bordeaux, ont prévenu : compte tenu des opérations déjà planifiées, les bouteilles à prix cassés à moins de deux ou trois euros s’afficheron­t encore en magasins et en catalogue jusqu’aux foires aux vins de l’automne.

Du côté du collectif Viti33, qui fédère des vignerons en détresse, Didier Cousiney salue « une réunion novatrice » mais s’inquiète de la lenteur du processus : « Je ne vois pas comment avancer concrèteme­nt sur ce sujet de la rémunérati­on mais j’ose croire à une évolution pour la récolte 2024 parce qu’on n’a pas le temps d’attendre : il y aura de la casse à prévoir chez les viticulteu­rs mais aussi chez les enseignes de la grande distributi­on... » Une allusion à peine voilée aux blocages intervenus ces dernières semaines dans les sites girondins de Lidl, Raymond, Castel Frères, Les Grands chais de France, Système U ou encore Carrefour. Maigre consolatio­n, les cours du Bordeaux devraient remonter naturellem­ent en 2024 après l’arrachage subvention­né de quelque 8.000 hectares en Gironde, la distillati­on d’une partie des excédents et la petite récolte 2023 (3,8 millions d’hectolitre­s) liés aux aléas climatique­s.

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