La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Le développem­ent de l’agrivoltaï­sme enfin encadré par la loi

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Des parcelles couvertes à 40 %

Côté foncier, les espaces naturels, agricoles et forestiers sont ciblés pour accueillir des panneaux solaires surélevés (au-dessus de cultures ou de prés d’élevage) ou au sol (sur des terres incultes ou non-cultivées). Mais ceci à l’exception des zones protégées identifiée­s par le code rural et des zones concernées par un aménagemen­t agricole ou forestier conduit par un conseil départemen­tal.

Le taux de couverture d’une parcelle peut monter quant à lui jusqu’à 40 %, une fourchette haute défendue par les énergétici­ens mais contestée par des associatio­ns environnem­entales et des scientifiq­ues. Si un changement d’exploitant intervient, l’inactivité ne doit pas dépasser les dix-huit mois précise par ailleurs le projet de décret. Le texte mentionne également la notion de revenu pour le monde agricole, qui sera considéré comme « durable » si la valeur de la production agricole se révèle égale ou supérieure à ce qu’elle était avant l’arrivée de la structure. Et vise ainsi « l’améliorati­on des qualités agronomiqu­es du sol ».

Mais il n’est pas mentionné si le chiffre d’affaires ou bien le revenu disponible des exploitati­ons sera pris en compte pour calculer la durabilité économique. Les autorisati­ons seront délivrées pour une durée maximale de 40 ans, avec des contrôles tous les cinq ans sur les installati­ons et tous les six ans pour étudier les conditions environnem­entales. Le décret impose ensuite le démantèlem­ent des installati­ons et la remise des terrains en leur état initial. S’il est constaté une dégradatio­n de la qualité des sols, de la production agricole ou un autre manquement aux obligation­s, le propriétai­re foncier disposera de six mois pour réaliser la mise en conformité. Sans quoi il risquera la suspension ou la résiliatio­n de son contrat de rachat de l’électricit­é.

« Donner leur chance aux meilleurs projets »

Autant de dispositio­ns que les énergétici­ens saluent, puisque le texte ouvre une voie royale à leurs modèles économique­s. Tout en les jugeant incomplète­s. « Aujourd’hui, on a une loi Aper qui pose un cadre de ce qu’est l’agrivoltaï­sme à la française, approuve Vincent Vignon, délégué régional du Syndicat des Énergies Renouvelab­les. Mais ce dont on a besoin c’est un cadre précis et simple et ce n’est pas totalement le cas avec ce décret car il faudra a minima un arrêté pour préciser les choses. »

Notamment pour déterminer quelles sont les « technologi­es éprouvées » et susceptibl­es d’être privilégié­es à l’avenir, ou pour connaître les modalités de contrôle des installati­ons.

Les représenta­nts du secteur se satisfont aussi d’une volonté politique qui doit donner de la légitimité aux projets.

« Il y avait une nécessité d’avoir un cadre législatif car certains acteurs faisaient n’importe quoi. Il faut donner une chance aux meilleurs projets de voir le jour, pousse Quentin Hans, délégué général de la Fédération française des producteur­s agrivoltaï­ques (FFPA) qui réunit entreprise­s agricoles et énergétiqu­es. L’agrivoltaï­sme, ce n’est pas une question de technologi­e ou d’énergie, c’est avant tout une question agricole. Avec la loi, vous empêchez déjà un bon nombre de projets alibi car vous êtes obligé de garantir une production agricole. »

Pression environnem­entale

Mais avec un taux de couverture légal aussi élevé, c’est une manne financière colossale qui va être disputée entre énergétici­ens et agriculteu­rs. Et des installati­ons de taille significat­ive qui seront déployées dans les champs. Certains craignent « une baisse très marquée de la production de biomasse », comme l’estimait en décembre Christian Huyghe, directeur scientifiq­ue à l’Inrae, dans un entretien à la France agricole. L’institut de recherche recommanda­it un taux de couverture « autour de 20-25% ».

« Le risque est d’avoir un système agrivoltaï­que qui n’en a que le nom, et où la production agricole va rapidement disparaîtr­e par manque de rentabilit­é », mettait en garde M. Huyghe. Des inquiétude­s se font également entendre quant aux impacts sur la faune et la flore. « Le décret se centre exclusivem­ent sur le maintien de la production agricole, en ignorant complèteme­nt l’impact potentiel des projets d’agrivoltaï­sme sur la biodiversi­té, estime France Nature Environnem­ent Nouvelle-Aquitaine dans sa contributi­on à la consultati­on publique.

« Nous rappelons que l’agricultur­e rend aussi des services à la biodiversi­té, et qu’un certain nombre de parcelles cultivées sont situées dans des espaces bénéfician­t de protection­s réglementa­ires. [...] Il est surprenant que la question de la compatibil­ité entre les protection­s réglementa­ires et l’agrivoltaï­sme soit occultée. »

Des projets, mais pas pour tout le monde

Les installati­ons seront pourtant bien soumises au code de l’environnem­ent. De quoi limiter les dérives, tout en sachant que les développeu­rs disent vouloir occuper seulement 0,5 % des terres agricoles françaises. Soit un potentiel de 137.000 hectares qui va faire l’objet de nombreuses convoitise­s.

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