La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)
Photowatt : une cession par EDF toujours à l’agenda, sur un marché mondial plus agité que jamais
Et le contexte mondial de l’industrie photovoltaïque n’y aide pas : tiraillé d’une part entre le besoin de relocalisation incarné par les grandes ambitions des projets de gigafactories hexagonales Carbon et HoloSolis, et de l’autre, par le dumping des acteurs chinois qui, faute de débouchés sur la marché américain après l’application de l’Inflation Reduction Act (IRA) protégeant la production locale, déversent leurs stocks à bas prix sur le marché européen, l’équation semble impossible. Et ce n’est pas l’application d’un critère carbone à l’achat des panneaux solaires qui aura suffi jusqu’ici à protéger ses acteurs des soubressaults du marché.
« Depuis 2023, les fabricants français et européen ont été pris en étau entre le dumping chinois et le protectionnisme américain. Car en adoptant l’IRA et le Uyghur Forced Labor Prevention Act, les Etats-Unis ont instauré un avantage à la production de panneaux sur leur sol pour muscler des industries jugées stratégiques. Et en contrepartie, les acteurs chinois se sont retrouvés pris de court et cherchent désormais à écouler leurs productions à prix coûtant sur le marché européen », explique à La Tribune Damien Callet, directeur d’études à Xerfi Intelligence stratégique.
Un dossier toujours en négociations
C’est dans ce contexte qu’en Nord-Isère, le dossier Photowatt (175 salariés) patine. Ou presque, car si officiellement, EDF et sa branche dédiée aux ENR (EDF Renouvelables) « tentent toujours de trouver la meilleure solution pour Photowatt », la liste de candidats s’amincit. Après avoir ouvert un temps les discussions - qui n’ont finalement pas abouti - avec un fabricant de fours industriels isérois, ECM Technologies, EDF serait désormais toujours en échange avec le projet lyonnais Carbon, qui prévoit d’ouvrir en 2026 une gigafactory sur la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône).
Un projet à 1,6 milliard d’euros, qui pourrait offrir des synergies avec l’isérois Photowatt puisqu’il nécessiterait de remettre sur pied l’ensemble de la chaîne de valeur nécessaire à la création de panneaux photovoltaïques. Des compétences de plus en plus rares en France, avec le basculement du coeur de l’industrie vers l’Asie, et qui faisaient jusqu’ici pencher la balance en faveur de l’isérois.
Début 2023, un interlocuteur proche du dossier Carbon rappelait ainsi à La Tribune que Photowatt n’est autre que « la plus ancienne entreprise du solaire à l’échelle mondiale. C’est un dossier symbolique et sensible, ce qui fait dire que la manière dont il sera traité pourrait potentiellement dire beaucoup de chose sur l’avenir de la filière pv en France ».
Car avec à la fois ses compétences, mais également ses équipements (machines-outils pour la découpe des wafers en silicium), Photowatt pourrait bien constituer un maillon déterminant, dans une filière où les futurs besoins en recrutements et en formation sont jugés importants pour accompagner la transition énergétique en cours.
« Photowatt maîtrisait l’ensemble de la chaîne de valeur : même s’ils ont fait le choix de se rencentrer plutôt sur la découpe et les lingots, il reste un savoir-faire mobilisable dont Carbon a tout intérêt à se rapprocher. Et pour Photowatt, s’intégrer dans une gigafactory et un nouvel écosystème en cours de création pourrait représenter une porte de salut. Auquel cas, le risque est que l’entreprise soit condamnée à être démontée ou à vivoter sans réels investissements », rappelle Damien Callet.
Sauf que pour l’heure, aucun des deux acteurs ne s’avance désormais sur la nature et le stade des discussions. «
Des discussions se poursuivent sans que l’on ne puisse donner de noms », glisse entre à ce jour la maison-mère ERF-Renouvelables, jointe par La Tribune. De son côté, une source proche de la direction du projet Carbon ne souhaite faire « aucune annonce ni déclaration » à ce stade, tandis que son projet de gigafactory avance pas à pas quant à lui : il a débuté la phase de concertation publique, qui doit déboucher sur une enquête publique et une demande d’autorisation environnementale courant 2024, pour un démarrage des travaux espéré début 2025.
Une situation qui se dégrade
En parallèle, la situation de Photowatt ne cesse de se dégrader : sur son bassin du Nord-Isère, les salariés voient quitter peu à peu les fonctions de productions jusqu’ici réalisées en France, les unes après les autres. Avec comme dernier exemple en date, la fermeture désormais annoncée pour 2024 de son atelier de création de ligots de silicium, qui constitue l’une des premières étapes très en amont du process de fabrication des panneaux solaires, avant que ceux-ci ne soient coulés sous la forme de wafers puis intégrés dans des cellules.
« La direction nous a annoncé une restructuration sans diminution d’effectifs, avec une soixantaine de personnes qui seront concernées par la fermeture de l’atelier de lingots et qui seront redirigées sur la partie wafering », précise Émilie Brechbuhl, déléguée syndicale CFE-CGC, le second syndicat représenté au sein du groupe Photowatt.
Une situation qui inquiète les représentants des salariés, puisque « Photowatt perd à nouveau une étape de fabrication historique et se rendra doublement dépendant, en allant acheter à la