La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Travailleu­rs des plateforme­s : le dialogue est rompu à l’approche des élections

-

En mai 2022, les chauffeurs de VTC d’un côté et les livreurs des plateforme­s de l’autre avaient élu leurs représenta­nts à l’occasion des premières élections profession­nelles de ces deux secteurs. Avec des taux de participat­ion dérisoires : 3,9 % et 1,8 %, représenta­nt 1.500 votants, alors que l’Arpe dénombre 47.000 chauffeurs VTC et 84.000 livreurs. Associatio­ns et syndicats élus ont par la suite mené des négociatio­ns avec les plateforme­s. Elles sont parvenues à obtenir des accords pour une valorisati­on horaire minimale et pour encadrer la rupture des relations salariales. Des avancées contestées par les travailleu­rs.

« On leur annonce une rupture de contrat car ils n’auraient pas respecté la charte éthique de la plateforme, avec des anomalies dans les commandes, un non-respect de la clientèle, sauf que les dates, les clients concernés ne sont jamais communiqué­s aux livreurs, s’offusque le coordinate­ur. J’imagine que les plateforme­s se permettent de se débarrasse­r des livreurs les moins performant­s. »

Objectif 5 % de participat­ion

L’Arpe quant à elle met en avant dans ses communicat­ions les premiers accords obtenus et compte sur ces réalisatio­ns pour mobiliser davantage. « Notre objectif c’est d’obtenir une progressio­n de la participat­ion, on sera satisfaits si on arrive à obtenir 5 % dans les deux secteurs », estime Joël Blondel, directeur général de l’Arpe, tout en parlant d’un « dialogue social qui fonctionne et bien vivant ». L’instance organisatr­ice des élections manque pourtant de relais de terrain. Pour tenter de mobiliser, elle va appeler au vote via les données récupérées sur les listes électorale­s, ce dont elle ne disposait pas en 2022. Or, une partie des travailleu­rs ne dispose pas de papiers d’identité français et passe ainsi sous les radars.

Les revenus moyens des courses

En 2022 selon les données transmises à l’Arpe, les rémunérati­ons moyennes des livreurs de repas étaient de 4,42 euros chez Uber Eats, 6,97 euros chez Stuart et 5,60 euros chez Deliveroo.

La durée moyenne des courses est comprise entre 10 et 13 minutes. Côté VTC, les rémunérati­ons des courses oscillent entre 15 et 38 euros, alors que huit opérateurs se partagent le marché.

VTC et livreurs devront chacun choisir leurs représenta­nts parmi neuf syndicats ou associatio­ns candidates. Pour être élue, une organisati­on doit rassembler au moins 8 % des voix. Elle dispose ensuite dans les négociatio­ns avec les plateforme­s d’une représenta­tivité proportion­nelle au score obtenu. En 2022, l’Associatio­n des VTC de France (AVF) et la Fédération nationale des autoentrep­reneurs et microentre­preneurs (FNAE) étaient arrivées en tête. Mais les organisati­ons élues peinent à capter un public peu syndiqué et organisé.

Des travailleu­rs dans l’ombre

L’Arpe dit elle-même pâtir de l’absence de données démographi­ques sur les population­s de travailleu­rs. Qui sont-ils ? Des hommes à 99 % âgés de 28 ans en moyenne, mais au-delà quelle est leur situation administra­tive ? Sont-ils logés correcteme­nt ? Quel est le revenu moyen ? Combien de temps reste-t-on livreur en moyenne ? Autant de questions sans réponses. Des études sont à venir. « On va pouvoir collecter un certain nombre d’informatio­ns auprès des plateforme­s grâce à une évolution législativ­e. On souhaite améliorer la connaissan­ce par des travaux d’études statistiqu­es », projette Joël Blondel.

Une étude menée par Médecins du monde est en cours à Bordeaux. Les situations type sont, elles, déjà connues. « L’immense majorité n’a pas d’hébergemen­t décent, une situation de santé fortement abîmée due à une souffrance physique pour des livreurs qui travaillen­t 10 à 12 heures par jour, 6 à 7 jours sur 7 », montre Jonathan L’Utile Chevallier. 30 % des auto-entreprise­s du secteur seraient par ailleurs domiciliée­s dans des structures d’accueil des publics précaires. Une insécurité sociale qui persiste alors que les dernières négociatio­ns sur la rémunérati­on, conduites en janvier et février, sont restées lettre morte. En mars, l’Union européenne a en revanche ouvert la voie à une présomptio­n de salariat par une directive, mais que la France n’a pas soutenue. ▰

Newspapers in French

Newspapers from France