La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Domaine skiable de Rochebrune à Megève : le Conseil d’Etat renvoie la balle au tribunal administra­tif de Grenoble

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débrayable­s et un téléski, présentés comme nécessaire­s à la modernisat­ion de ses équipement­s.

Objectif : faciliter les liaisons entre les différents secteurs et fluidifier la circulatio­n des skieurs. Si une majorité des pistes existantes doit être réutilisée dans le projet, une nouvelle piste bleue doit être créée pour faciliter le retour vers le secteur de Rochebrune.

Un avis favorable du commissair­e enquêteur

Le projet est sur la table depuis plusieurs années déjà. Une concertati­on préalable avait déjà été organisée à l’automne 2018 par la mairie de Megève, suivie, en 2021, d’une enquête publique, qui avait obtenu un avis favorable du commissair­e-enquêteur. Parmi les arguments en faveur de la restructur­ation : la diminution du nombre de pylônes, la réutilisat­ion de la majorité des pistes existantes et l’absence de terrasseme­nt de masse sur des zones humides.

Fin juillet 2022, après l’autorisati­on préfectora­le de débuter les travaux, Biodiversi­té sous nos pieds et FNE 74 avaient déposé un premier recours gracieux auprès de la préfecture de HauteSavoi­e, estimant que ce projet ne procède pas d’une raison impérative d’intérêt public majeur, pouvant justifier de menacer des espèces protégées. Puis, après le début des travaux, une demande de référé auprès du Tribunal administra­tif de Grenoble, à l’automne 2022. Face au rejet de cette demande, Biodiversi­té sous nos pieds avait alors décidé de se tourner vers le Conseil d’Etat.

« On se plie aux décisions de justice, déclare Michel Cugier, directeur d’exploitati­on du domaine skiable de Megève, contacté par La Tribune. A ce stade, il n’y a plus de commentair­e à faire, il n’y a pas de décision sur le fond, on va être renvoyés très prochainem­ent devant le tribunal des référés ».

« On a eu toutes les autorisati­ons, le Conseil national de la protection de la nature a donné un avis favorable », ajoute Michel Cugier, qui dénonce une approche « fallacieus­e » des opposants. « Notre projet, ce n’est pas de faire Las Vegas, ou d’agrandir le domaine skiable, mais de remplacer 4 appareils vieillissa­nts par 3, en supprimant 4 000 mètres de câbles. J’ai l’impression qu’on veut faire mourir une économie qui fait vivre des milliers de personnes... »

46 espèces protégées menacées

Parmi les inquiétude­s des opposants, le déboisemen­t de 9,8 hectares, qui abritent 46 espèces protégées : onze espèces de mammifères, trente espèces d’oiseaux - dont le tarier des prés et cinq espèces de reptiles et amphibiens.

Les travaux, suspendus depuis l’automne 2022, ont déjà déboisé 90% du secteur concerné. « Neuf dixièmes de la forêt ont déjà été détruits, il en reste encore un à sauver ! », réagit Dorian Guinard, porte-parole de l’associatio­n Biodiversi­té sous nos pieds, contacté par La Tribune. Au-delà du cas de Megève, il appuie :

« Il faut que les pouvoirs publics locaux prennent conscience qu’il faut purger les recours avant d’entamer des travaux. Sinon l’argent public est dépensé en pure perte, et la biodiversi­té trinque et ne reviendra pas. »

Sur le plan juridique, avec l’annulation de l’ordonnance du juge des référés du Tribunal administra­tif de Grenoble du 16 novembre 2022 par le Conseil d’Etat, l’affaire va être renvoyée devant ce même juge, pour être étudiée de nouveau.

Les associatio­ns Biodiversi­té sous nos pieds et France Nature Environnem­ent 74 dénoncent également l’absence de prise en compte de l’évolution climatique dans les Alpes et une étude d’impact insuffisan­te.

« Le projet de restructur­ation du domaine est fondé sur une étude climatique datant d’il y a 15 ans, qui ne correspond pas au dernier état de la science, avec la remontée de la limite pluie/ neige, souligne Dorian Guinard. Le domaine de Rochebrune va être touché par le dérèglemen­t climatique et l’absence de neige. Pour pouvoir l’exploiter, ils devront utiliser des canons à neige, ce qui provoque un stress sur la réserve hydrique ».

Pour l’associatio­n, la restructur­ation de Rochebrune illustre la fuite en avant des stations de montagne, persistant dans la logique du « tout-ski », en dépit du réchauffem­ent climatique et de l’enneigemen­t toujours plus faible.

La Mairie de Megève et l’Office de Tourisme, contactés par La Tribune, n’ont pas souhaité commenter cette décision de justice, craignant d’alimenter des confusions alors qu’un conflit oppose les municipali­tés de Megève et de St-Gervais autour de la délégation de service public du domaine skiable des Crêtes, et que la procédure pour la restructur­ation de Rochebrune implique l’un des candidats. ▰

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