La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Taxe mondiale sur les milliardai­res : les recettes de Bruno Le Maire vont-elles convaincre ?

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Dans ses nouvelles prévisions dévoilées ce mardi, le FMI pourrait noircir ses chiffres de croissance pour 2024. « Les perspectiv­es de croissance sont élevées sur 2024, 2025 et 2026 mais ces perspectiv­es se fracassent sur la réalité géopolitiq­ue », a déclaré Bruno Le Maire, lors d’une réunion avec des journalist­es ce lundi 15 avril avant de s’envoler pour les Etats-Unis. « Les risques d’escalade au Proche-Orient, la persistanc­e de la guerre en Ukraine pèsent sur la croissance économique », a-t-il prévenu.

Les plus fortunés dans le viseur de cette nouvelle taxe

Présidé par le Brésil de Lula, le G20 a déjà commencé à aborder ce dossier lors des précédente­s réunions de février. Accompagné par la France, l’ancien syndicalis­te brésilien compte obtenir un consensus des pays les plus riches de la planète d’ici juillet. Il s’agit de « parfaire la transforma­tion de la fiscalité internatio­nale pour la rendre plus juste et plus efficace », a expliqué Bruno Le Maire, toujours opposé à une hausse de la fiscalité sur les « superprofi­ts » en France. Dans le viseur de Bercy, « ce sont les personnes les plus fortunées qui échappent à l’impôt par des montages fiscaux légaux mais sont inacceptab­les moralement

», a détaillé le ministre. Il ne s’agit pas de viser « les personnes à l’impôt sur le revenu », a lourdement insisté le ministre.

Interrogé sur les pistes de travail, il a expliqué que la France allait travailler sur « la transparen­ce ». Pour l’instant, « il est encore difficile de savoir qui échappe à l’impôt ». Ces dernières années, de vastes enquêtes internatio­nales menées par les journaux ou des ONG ont mis au grand jour des systèmes complexes d’optimisati­on fiscale agressive. Mais les sommes échappant à l’impôt s’élèvent encore à plusieurs centaines milliards de dollars dans le monde. La délégation tricolore doit également aborder les échanges d’informatio­ns entre les Etats et les juridictio­ns et « une clause anti-abus qui pourrait correspond­re au taux minimal ».

Gabriel Zucman propose une taxe de 2% sur les milliardai­res

Dans l’Hexagone, l’économiste et président de l’Observatoi­re européen de la fiscalité, Gabriel Zucman plaide pour une taxe de 2% sur les 3.000 milliardai­res recensés sur la planète. Cette taxe pourrait rapporter 250 milliards d’euros par an, selon les calculs de l’économiste.

Dans une note qui avait fait grand bruit en 2023, l’institut des politiques publiques (IPP) avait montré que les milliardai­res en

France étaient taxés à un taux de 2% en raison d’un changement de compositio­n des revenus au sommet de la distributi­on. « Le taux plus faible d’imposition des plus hauts revenus s’explique par le fait que l’imposition des bénéfices des sociétés est plus faible que l’imposition des revenus personnels », avaient précisé les économiste­s.

Taxation internatio­nale, un parcours semé d’embûches

À ce stade, les contours de ce nouvel impôt sont encore flous sachant qu’il n’y a pas de consensus dans les pays du G20. «

Les sujets fiscaux sont toujours difficiles », a concédé Bruno Le Maire. « Pour avoir mené le combat pendant 7 ans [sur la taxation minimum des multinatio­nales], cela va demander beaucoup de déterminat­ion ». Sous l’égide de l’OCDE et de son ancien directeur de la fiscalité Pascal Saint-Amans, une grande partie des Etats de la planète avait réussi à se mettre d’accord en 2021 sur les deux principaux piliers de cette taxation, à savoir le taux minimum et la répartitio­n des recettes.

En dépit d’un accord annoncé en grande pompe, le parcours de cette taxation minimum sur les multinatio­nales est semé d’embûches. Depuis le premier janvier 2024, cette nouvelle fiscalité s’applique au sein des pays de l’Union européenne. Mais le pilier 1 n’est toujours pas appliqué faute d’un feu vert définitif de l’ensemble des pays signataire­s à l’accord initial, en particulie­r des Etats-Unis où se joue cette année une élection présidenti­elle cruciale. Et de nombreux Etats traînent des pieds pour mettre en place le système de répartitio­n des bénéfices de cette taxation. De quoi donner des sueurs froides au ministre français de l’Economie.

La France favorable à l’OCDE pour les débats techniques

Sur le cadre des échanges, Bercy est favorable à l’OCDE. « Nous pensons que c’est à l’OCDE que doivent se dérouler les discussion­s techniques », a déclaré Bruno Le Maire. Le mérite de cette institutio­n est qu’elle a permis de mette autour de la table près de 140 Etats pour plancher sur ce dossier crucial. Le négociateu­r de ces interminab­les discussion­s Pascal Saint Amans avait fait part à La Tribune d’une montagne de difficulté­s pour mettre en place les deux piliers.

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