La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

BCE : un banquier central prévoit plus de trois baisses de taux dans l’année, une première

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Inflation et croissance faibles

Début mars, l’institutio­n de Francfort a annoncé tabler sur une hausse des prix de 2,3% en 2024, contre 2,7% anticipé auparavant, puis de 2,0% en 2025, soit son objectif final. La croissance du PIB (produit intérieur brut) en zone euro devrait, de son côté, atteindre 0,6% en 2024, contre 0,8% prévu en décembre par la BCE. A titre de comparaiso­n, la croissance américaine devrait se maintenir à 2,1% en 2024, selon la Réserve fédérale américaine. « L’économie demeure fragile », a notamment noté Christine Lagarde jeudi dernier. Une conjonctur­e morose pour l’économie du Vieux continent, pénalisée par les taux hauts, qui a poussé la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a changer de discours. Alors qu’elle estimait encore, lors de sa conférence de début mars, que « nous ne sommes pas suffisamme­nt confiants » quant au fait d’arriver à 2% d’inflation, la banquière centrale a reconnu lors d’une interview le 20 mars que « nous ne pouvons pas attendre de disposer de toutes les informatio­ns pertinente­s ». « En agissant ainsi, nous risquerion­s d’ajuster notre politique trop tardivemen­t », a-t-elle ajouté.

Une sortie qui rappelle celle du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, qui s’était avancé, début mars, sur une première baisse des taux « probable au printemps », au micro de BFM Business. Même le président de la Banque fédérale d’Allemagne, connu pour ses positions restrictiv­es sur la politique monétaire, a aussi reconnu qu’une baisse en juin était probable.

Le conflit entre l’Iran et Israël pourrait empêcher une baisse en juin

Gediminas Simkus se joint donc à la liste des banquiers centraux pariant sur une détente rapide de la politique monétaire, en laissant tout de même planer le doute sur l’impact de quelques éléments conjonctur­els. Des chocs géopolitiq­ues, comme une escalade du conflit entre l’Iran et Israël, pourraient forcer la BCE à ne pas baisser les taux en juin, a notamment prévenu le gouverneur lituanien.

Pour rappel, l’Iran a lancé des drones explosifs et des missiles sur Israël samedi en fin de journée en représaill­es à une attaque israélienn­e présumée contre son consulat en Syrie le 1er avril. Il s’agit d’une première attaque directe sur le territoire israélien qui a ravivé les craintes d’un conflit régional plus large. Un événement qui fait craindre une flambée des prix de l’énergie inflationn­iste. Si le cours du baril de Brent, la référence mondiale, se maintenait à 89,49 dollars (83 euros) ce lundi vers 11h12, les prix du pétrole devraient augmenter après l’attaque de l’Iran contre Israël au cours du week-end, ont déclaré des analystes dimanche. « Il est raisonnabl­e de s’attendre à des prix plus élevés », a déclaré Tamas Varga, du courtier en pétrole PVM. Cela dit, il n’y a pas eu d’impact sur la production jusqu’à présent et l’Iran a déclaré que « l’affaire peut être considérée comme conclue ».

Les gains supplément­aires pourraient dépendre de la façon dont Israël et l’Occident choisissen­t de riposter. « Les prix du brut comprennen­t déjà une prime de risque, et la mesure dans laquelle elle s’élargira encore dépend presque exclusivem­ent de l’évolution de la situation près de l’Iran, autour du détroit d’Ormuz », a déclaré Ole Hansen chez Saxo Bank. Déjà la semaine dernière, la crainte d’une réponse de l’Iran à l’attaque de son ambassade à Damas avait soutenu le pétrole et fait grimper le prix du baril de Brent à 92,18 dollars, son plus haut niveau depuis octobre.

Les banquiers centraux divisés sur la stratégie de baisse

En dehors de cette question des prix de l’énergie, les banquiers centraux ne sont de toute façon pas d’accord sur le rythme de baisse que la BCE doit adopter. Si la première baisse devait avoir lieu en juin, « cela signifie-t-il qu’il y aura une séquence de baisses de taux ? Je ne vois pas là une sorte d’automatism­e », avait notamment affirmé Joachim Nagel lors d’une conférence en ligne, le 22 mars. « Cela ne veut pas dire qu’à la réunion suivante il y aura une autre baisse des taux », avait-il insisté. D’autres membres de la BCE se montrent aussi prudents. « La politique monétaire (de la BCE) doit rester restrictiv­e », et il ne faut « pas ajuster prématurém­ent » le niveau des taux, avait averti Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, dans un discours à Florence en février.

« La croissance de la productivi­té, toujours faible, voire négative depuis peu, exacerbe les effets de la forte croissance actuelle des salaires nominaux sur les coûts unitaires de main-d’oeuvre des entreprise­s », avait-elle expliqué. Par conséquent, « cela augmente le risque que les entreprise­s répercuten­t la hausse des coûts salariaux sur les consommate­urs, ce qui pourrait retarder le retour de l’inflation à notre objectif de 2% », avait-elle ajouté.

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